![]() |
Initiative originale des éditions les doigts dans la prose que de proposer ce volume consacré aux vingts sonnets à Marie Stuart de Jospeh Brodsky. Original car c'est un des rares texte où Brodsky évoque la France par le biais d'une promenade dans l'allée des reines de France aux jardins du Luxembourg. Original surtout par le choix de proposer quatre versions de ces sonnets. La version originale en russe, bien sur, que mon niveau indigent n'a pas permis d'apprécier à sa juste valeur. Une traduction en anglais, magnifique, assurée par Peter France. Deux versions françaises, l'une du regretté Claude Ernoult, la seconde d'André Marcowicz bien connu pour ses traductions de Dostoïevski chez Acte Sud ou son bel ouvrage sur Pouchkine. Bien au-delà de la simple originalité, cette démarche permet de se rendre compte de ce magnifique travail qu'accomplissent les traducteurs, véritables passeurs de textes et d'émotions. Pour le cas particulier de Joseph Brodsky, cette approche est d'autant plus pertinente que le poète était lui même un grand traducteur (il a notamment traduit lui même une grande partie de son oeuvre en anglais). Un poète qui aimait à se décrire comme à la fois russe, anglais et américain, un citoyen du monde en somme. Il est certain que cette initiative n'aurait pas été pour lui déplaire. Pour ce qui est du fond, on retrouve un Brodsky au fait de son art. Ces poèmes ont été écrits en 1974 soit deux ans à peine après son expulsion d'URSS. Dans ce jardin du Luxembourg, l'exilé Brodsky, rejoint l'exil éternel de Marie Stuart, reine d'Écosse et reine consort du royaume de France en tant qu'épouse de François II. Marie Stuart, reine dont le destin tragique a inspiré plus d'un écrivain, elle à qui on doit également un certain nombre de poèmes. Une reine vouée à l'exil éternel, elle qui voulait reposer à Reims et dont la dépouille repose à Westminster à quelques mètres de celle qui a commanditée sa mort. A cette figure tragique de l'histoire, Brodsky lie celle d'une femme aimée par lui. Les figures se fondent, se confondent, les temps se mêlent en un canevas fin et délicat. Pour tisser ces entrelacs, Brodsky a choisi la forme du sonnet. Forme chère à bien des poètes du XVIème siècle. Forme idéale pour chanter l'amour. En refermant ce livre, on est traversé par cette douce sensation d'avoir fait et refait la même promenade, mais à des heures différentes, avec des lumières et des sons différents. Magie de la traduction. Magie des mots. Fascinant. + Lire la suite |