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Un essai écrit en 2009 qui s'appuie sur de nombreuses références, thèses et démonstrations. L'auteur pose 3 questions : les extrémistes sont-ils des fous ? Comment le devient-on ? et comment décrypter cette logique de l'"incommensurabilité" qui fait basculer un esprit vers la radicalisation. Partant de notre rapport au monde qui repose sur deux modalités : la connaissance et la croyance, et l'idée que notre esprit est limité dimensionnellement, culturellement et cognitivement et que nos sociétés resteront des sociétés de croyances, quelque soit le niveau de la connaissance humaine, il affirme que les croyances"extrêmes" ne disparaîtront pas de notre contemporanéité et qu'elles sont" une logique forte" qu'il faut décoder, tout comme les mécanismes des individus qui suivent ces processus de croyances.
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La pensée extrême se manifeste lorsque certains individus sacrifient ce qu'ils ont de plus précieux, en particulier leur vie, au nom d'une idée. Que ce soit dans l'art contemporain, l'activisme politique ou religieux, le sport ou collectionneur compulsif, les actes de nos contemporains peuvent nous sembler irrationnels, voir empreints de folie douce ou meurtrière.
Dans un français exempt du jargon habituel des sociologues, Gérald Bronner met en lumière les mécanismes mentaux conduisant à une pensée radicale et permettant d'affirmer “que ceux qui s'abandonnent à ce type de pensée ne sont, le plus souvent, ni fous, ni désocialisés, ni même idiots”. Gérald Bronner va donc chercher à définir la pensée extrême, à identifier ces extrémistes, leur psychologie, les mécanismes d'adhésion à une pensée extrême et enfin d'identifier les mécanismes permettant de faire changer d'avis un extrémiste. le fait est que “les croyances extrêmes ne disparaîtront pas de l'horizon de notre contemporanéité. Les individus qui la composent, loin d'être des monstres d'irrationalité sont extrêmement logiques”.
Au final, cet essai décrit des mécanismes cognitifs propres à l'ensemble des êtres humains, à vous, à moi, démontant nos limites, notre fonctionnement cognitif, le marché des idées…

De la connaissance et la croyance.
Pourquoi la croyance existe-t-elle toujours avec l'avènement de la science qui doit faire disparaître les croyances et les mythes. le paradoxe de la sphère de Pascal démontre que l'inconnaissance et la connaissance progresse de concert. ”Si la connaissance est une sphère, sa surface est en contact avec ce qu'elle ne contient pas, c'est-à-dire l'inconnu. de ce fait à mesure que la connaissance progresse, la surface de la sphère fait de même, l'air au contact avec l'ignorance ne cesse de progresser aussi“. La conscience de l'inconnu croît.

Notre esprit est limité
Nous sommes empêchés d'être des êtres purement rationnels car nous sommes :
• limités dimensionnellement parce que notre conscience est prisonnière d'un espace restreint et d'un présent éternel,
• limités culturellement parce qu'il interprète toute information en fonction de représentations préalables,
• limités cognitivement par la limite même de la puissance de traitement de notre cerveau face aux problèmes posés.

Comprendre l'Autre, cet autre Soi. Les 5 Axes
L'Homme a les outils pour analyser le comportement des Autres. Il s'agit de rechercher les raisons de l'adhésion à une pensée extrême (ou une pensée/croyance normale) méthodiquement via 5 Axes :
• Conditionnalité existent-ils des raisons conditionnelles qui explique l'adhésion à telle ou telle croyances ?
• Progressivité l'adhésion à cette croyance a-t-elle pu se faire par étapes insensibles jusqu'à un point de non-retour ?
• Dimension Ces croyances se situent peut-être dans un espace et un temps fort éloigné du notre. (limitation naturelle de notre système cognitif)
• Culture La culture affecte notre représentation du réel.
• Cognition nos routines mentales, ces procédures toutes faites utilisées par notre cerveau pour servir des réponses à moindre coût cognitif.

Le piège de la rationalité cognitive
Notre cerveau aime le confort aussi une conclusion est admise dès lors qu'elle est nécessaire et cohérente avec les prémisses admises. Il a besoin de sentir une cohérence logique entre les propositions de la théorie, leur compatibilité avec le réel. Si tel est le cas, la rationalité cognitive pourrait être amenée à admettre des propositions qui présentées autrement eussent été refusées. Ce qui peut expliquer pourquoi les personnes éduquées sont les victimes des gourous, terroristes et des commerciaux !
du marché cognitif
Le Marché cognitif (marché des croyances et des idées) avec des produits cognitifs (les idées, les croyances) qui sont proposées aux personnes. Ces produits peuvent être en situation de concurrence, d'oligopole…Théorisé depuis Aristote jusqu'à Marshall* qui l'a généralisé avec les courbes de l'offre et de la demande. le prix cognitif sur ce marché est représenté par l'effort devant être réalisé pour acquérir ce bien. Plus les gens sont nombreux autour de moi à croire cela, moins il m'en coûte d'y croire aussi. Vous avez dit politiquement correct ?

La transsubjectivité, sociopathie et l'incommensurabilité
Sur ce Marché cognitif, certaines croyances sont caractérisées par la transsubjectivité (partage inconscient de règles) et la sociopathie (antisocial).

et l'incommensurabilité, le fait que la croyance adoptée deviennent une valeur absolue. Nous autres, hommes normaux, affectons une valeur à nos croyances, les rendant relatives.

Conclusion
Malgré quelques longueurs, Gérald Bronner sait vulgariser sa science sans tomber dans la caricature. Les mécanismes mentaux décrits permettent de mieux comprendre le fonctionnement de la société, des Autres, de Soi.
Pour tous ceux qui veulent tenter de vivre en harmonie avec le monde, en essayant de comprendre sans forcément accepter, ce livre est un cadeau intellectuel.

*Marshall, Principes d'économie politique, Paris, 1906

Lectori salutem, Nathan

Lien : http://www.quidhodieagisti.fr
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Face à la violente sidération provoquée par les meurtres commis à Paris en 2015, on a ressenti le besoin d'accuser de folie les terroristes qui ont tué à l'arme de guerre des gens qui nous ressemblent.
Gérald Bronner, sociologue spécialiste des phénomènes de croyances, a écrit en 2009 ce livre qui traite de la pensée extrême, comment des gens en viennent à croire à des choses irrationnelles. Il ne traite pas seulement du terrorisme islamiste mais aussi des phénomènes sectaires, des coups de folie (Maxime Brunerie), des fans et des collectionneurs.

Il y a une idée reçue qui veut que les terroristes en particulier ou les personnes adhérant à des idées extrêmes sont fous ou différents de nous-même. C'est une explication qui satisfait notre « raison paresseuse ». Si nous y croyons c'est aussi que nous prenons la situation à son point ultime, celui du non-retour, nous n'avons pas assisté aux prémices des croyances, au-moment où elle est encore friable et ne s'est pas renforcée avec le temps et la répétition.
Gérald Bronner explique pourquoi nous nous satisfaisons d'idées toutes faites et il cite des exemples historiques où les chercheurs ont su aller au-delà de leur raison pour comprendre un problème.

Exemple d'une idée fausse: celle qui lie l'extrêmisme sectaire et le faible niveau social et scolaire. Les auteurs des attentats du 11 septembre avaient des diplômes supérieurs. Ce n'est pas le niveau d'éducation qui nous protège des idées fausses ou des canulars, mais plutôt notre conception trop restreinte de la rationalité humaine.

Le sociologue préfère comprendre comment al Quaida a réussi à élaborer un système argumentatif puissamment construit et pourquoi sur le « marché cognitif » leur interprétation de l'Islam est vite apparue compétitive.
Nous pouvons essayer de comprendre le processus qui s'est mis en place et qui est graduel, ce que l'auteur nomme incrémental. Un processus similaire a été bien étudié dans les dérives sectaires.

« Entrer dans une secte, c'est comme gravir un escalier dont les premières marches sont toutes petites. »

L'isolement des convertis conduit à un oligopole cognitif qui aboutit à ce que les croyances minoritaires sont endossées de façon plus ferme et durable.
Par exemple dans l'adhésion par transmission: dans le milieu familial, il y un monopole cognitif et il est difficile de s'émanciper intellectuellement d'une emprise. Et là, on pense bien sûr aux fratries tueuses: les frères Kouachi, les frères Abdeslam, Mohamed Merah qui a reçu le soutien d'un frère et d'une soeur....
Dans l'adhésion par frustration, il montre que les individus de la société actuelle subissent un taux de frustration supérieur à tous les autres systèmes sociaux.

« La massification de l'enseignement supérieur et l'augmentation du taux de diplôme n'accroît pas mécaniquement la proportion de positions sociales prestigieuses. »
Et il cite le nombre important de gourous de secte qui ont tenté de percer d'abord dans le show biz, « La frustration et le désir de reconnaissance forment un mélange étonnant ». Nos démocraties sont des sociétés de Tantale...
L'extrêmiste trouve un certain apaisement à endosser des idées extrêmes: il entre dans le temple de la pureté, il fait table rase de son passé.


Ce livre explore et défriche le domaine mental de ceux qui vivent dans un monde simplifié, avec un but ultime, au point de sacrifier leur vie. Un livre à la lisière de la psychologie sociale et de la sociologie, on le range dans la cognition sociale. Penser l'impensable, expliquer ce qui nous paraît être le mal absolu, c'est prendre un risque dans un pays en état d'urgence...On peut espérer que ces systèmes de pensée soient étudiés par les directions du renseignement afin de prévenir l'endoctrinement...
Lien : http://killing-ego.blogspot...
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Un livre indispensable à tous ceux qui cherchent à comprendre comment on peut devenir un terroriste.
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Gérald Bronner s'attache à démonter les mécanismes de la "pensée extrême" : comment devient-on terroriste, ou adorateur d'une vedette disparue, ou encore collectionneur d'art contemporain ? La pensée est rigoureuse et très analytique mais truffée de termes spécifiques dont il faut d'abord assimiler le sens. En outre, le style est très redondant, sinon verbeux. J'ai été tenté plusieurs fois d'abandonner la lecture de la première partie ("Les extrémistes sont-ils des fous ?", 179 pages sur 352). Mais j'ai été ensuite récompensé de ma persévérence.
Sans entrer dans les détails d'une thèse aussi fouillée, j'ai été séduit par l'idée que les mécanismes de la "pensée extrême" sont présents en chacun de nous et qu'en définitive, c'est leur occultation dans la vie courante qui rend la vie en société possible, et leur activation, par exemple en cas d'invasion, qui permet aux sociétés de survivre.
Le rôle attribué à la frustration dans la dérive fanatique est aussi très convaincant, malheureusement pour les sociétés démocratiques.
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comme tout le monde j'imagine en ce moment, je m'interroge sur les dérives sectaires, et la manière dont la religion (qui à la base diffuse un message d'amour) sert de prétexte aux pires atrocités.
Ce livre a l'avantage de rompre avec des préjugés qui présentent les terroristes comme des personnes pas éduquées, qui ne réfléchissent pas, influençables, dérangées psychologiquement... en fait l'auteur montre que ce sont souvent des gens élevés dans des bons milieux sociaux, parfois laïcs, qui ont fait des études. C'est justement parce qu'ils sont instruits qu'ils ont l'esprit disponible pour un nouveau mode de pensée qui remet en cause la vérité officielle et une argumentation qui sait se rendre séduisante. Internet va permettre de diffuser des thèses qui grâce à une clarification cognitive offrent une vision simple et rassurante de la vie moderne complexe et frustrante.
L'auteur définit le terrorisme comme "une adhésion inconditionnelle à un énoncé théorique qui entraine des conséquences pratiques"
Il cite en exemple des sectes, comme le Temple solaire, qui ont conduit leurs membres à des actes terroristes ou à des suicides collectifs.
Il explique comment des personnes peuvent se mettre à croire au surnaturel en raison des statistiques (même un voyant amateur ne peut pas se tromper tout le temps...). du coup, un événement anodin peut être interprété comme un signe du destin. La personne se sent élue, mise en valeur. Les explications monocausales offrent une vision du monde rassurante.
De plus, le raisonnement des sectes procède par étapes. C'est la loi de la grenouille ébouillantée ou de m'escalier, on ne s'aperçoit de rien au début, on admet des petites vérités. L'exemple de l'art moderne est amusant: l'auteur montre comment au début, les artistes prennent leurs distances avec la tradition pour peu à peu arriver vers des oeuvres aberrantes qui n'ont plus grand chose à voir avec l'art et la quête du beau (par exemple, les 90 boîtes de "merde d'artiste" produties parManzoni en 1961)
L'initiateur montre la conformité d'un idéal (la démocratie) avec la réalité (les inégalités, la pauvreté), utilisant les rancoeurs créées par une société où beaucoup de personnes se sentent éligibles sans que le nombre global d'élus augmentent. Par exemple, le nombre de bacheliers et d'étudiants a explosé, mais à l'arrivée, combien accèdent à des carrières prestigieuses? Ensuite, le conformisme avec le groupe d'adoption fait le reste.
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