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Critique de mfitsmile


En pleine époque georgienne, le personnage de Jane Eyre est une nouvelle Cendrillon. Orpheline malmenée puis modeste institutrice pétrie par la moralité chrétienne et l'étique sociale, un destin merveilleux se présente à elle. La promesse d'une très belle histoire d'amour romanesque et sincère. Mais sonné minuit, le carrosse fabuleux qui l'a amené au pied de l'autel redevient citrouille. En somme, le conte de fée devient cauchemar, la brume épaisse du rêve se dissipe pour révéler une réalité sordide. Cependant, comme dans tout conte de fée, si les épreuves tourmentent l'âme elles laissent aussi place à un dénouement heureux.

L'empreinte moralisatrice et pieuse du roman est indéniable, d'autant plus lorsque l'on sait que le père des Brontë était un pasteur glacial. le personnage de Jane Eyre a de quoi décontenancer et agacer les lecteurs d'aujourd'hui. Bien que sa moralité soit admirable car sans failles, elle s'éloigne de celle des femmes d'aujourd'hui qui se seraient jeter à corps perdu dans une passion sincère. Toutefois, à l'inverse par exemple d'une Mme Bovary, Jane est un exemple de femme telle que la considérait la société britannique : un corps simple et sans artifice, loin de la coquetterie, renfermant une âme pure.
Jane Eyre, souvent comparée à un ange dans le récit, semble être l'instrument de la Providence, destinée à ramener Mr. Rochester, son maître et l'homme dont elle s'est éprise, dans la lumière. Car cet homme de quarante an est le martyr et le pêcheur du récit. Eprouvé par un destin funeste que son père et son frère lui ont cupidement imposé, il s'est laissé allé au badinage pour ne pas dire à la débauche. Loin de réprimer ses passions, désespéré il a cherché à les nourrir, jusqu'à avoir une sorte de révélation. Mais l'amour qu'il éprouve pour Jane, dont il s'est assuré la réciprocité par quelques stratagèmes étranges (diseur de bonne aventure sous le déguisement d'une vieille bohémienne, diffusion de fausses rumeurs en vue d'un mariage avec une jeune femme de la haute société etc.), va une fois de plus le mener a des actions répréhensibles. Enchaîné injustement à un passé douloureux qui l'accable, sa délivrance se fera dans la souffrance, comme si l'expiation passait par la douleur physique. Néanmoins, une fois lavé de tout péché (on peut voir dans l'incendie du manoir un feu qui le consume et l'éprouve) son bonheur est possible. Jane l'a remis sur un droit chemin.
Un détail est frappant tout au long du récit. Il s'agit de la corrélation entre la description de la nature et les sentiments des personnages. A noter tout particulièrement cet orage qui s'abat sur le domaine après les aveux amoureux réciproques de Jane et Rochester, et qui fend l'arbre qui les abritait en deux. Ce passage se trouve juste avant la séparation des deux personnages, après la découverte du secret d'Edward.

Seul petit bémol, en plus des sermons chrétiens à demi dissimulés, est la recrudescence de coïncidences trop heureuses qui ponctuent le récit (lors de son exil volontaire, ses hôtes se révèlent être ses cousins).
A noter également que la première femme de monsieur Rochester, la « folle », est un personnage dont les origines se trouvent aux antilles, dans les colonies anglaises. Il faut savoir qu'à l'époque, époque de la première exposition universelle, les peuples originelles des colonies étaient déconsidérés. La pureté de leur âme et leur intelligence était remis en cause. Il n'est donc pas anodin que Charlotte Brontë ait choisi une créole pour représenter un être aliéné, qui se rapproche d'avantage de l'animal que de l'humain.
Toutefois, Jane Eyre n'en reste pas moins une incroyable histoire d'amour qui, comme les contes de fée pour les enfants, fera rêver les plus grands.
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