Les procès de Moscou

Serge Kirov est assassiné le 1er décembre 1934, par un membre des Jeunesses communistes du nom de Nicolaiev. Le soir même, un décret prive des droits ordinaires de la défense les personnes accusées de terrorisme. Staline dirige personnellement l'enquête. La répression de masse commence : soixante-dix "blancs" sont condamnés à mort et exécutés, selon la Pravda dès le 4 et 6 décembre. Les 28 et 29 sont jugés à huis clos douze membres des Jeunesses communistes, dont Nicolaiev : ils sont condamnés à mort et immédiatement exécutés. Et, le 15 janvier, s'ouvre le premier procès à huis clos de vieux-bolcheviks : Zinoviev, Kamenev, Bakaiev, Evdokimov et quinze militants et responsables de l'organisation de Lénigrad sont accusés d'avoir constitué un "Centre de Moscou" : ils auraient avoué leur responsabilité morale dans le meurtre de Kirov et reconnu que les idées exprimées par eux, au temps où ils étaient dans l'Opposition, auraient inspiré les meurtriers de Kirov. Le 19 ils sont condamnés à des peines de prison : dans le même temps la N.K.V.D. (ex-Guépéou) condamne administrativement une centaine de communistes de Léningrad. Le 23 janvier enfin les responsables de la N.K.V.D. de Léningrad sont condamné, pour complicité dans le même meurtre, à des peines de prison. Les arrestations et les condamnations administratives se multiplient et c'est par convois entiers qu'arrivent en Sibérie ceux que les anciens des camps appellent - non sans ironie - "les assassin de Kirov".

Vychinski : Quelle opposition ? Quand cela se passait-il ?
Racovski : Cela se passait vers le milieu de 1935 quand Laval vint à Moscou.
Vychinski : De quelle opposition parlez-vous ?
Racovski : Je parle des droitiers et des trotskystes.
Vychinski : Est-ce une opposition ? C'est un groupe de bandits contre-révolutionnaires !
Racovski : Citoyen procureur, veuillez m'excuser, mais ce terme est depuis longtemps...
Vychinski : En général, dans vos explications vous vous permettez aujourd'hui des expressions qui font croire que vous oubliez qu'il est question de vous en tant que membre d'une organisation contre-révolutionnaire de bandits, d'espions, d'agents de diversion et de traîtres. J'estime qu'en procédant à votre interrogatoire, il est de mon devoir de vous le rappeler, et je vous prie de vous en tenir au fond des crimes de trahison que vous avez commis, de parler sans philosopher et sans toutes ces choses qui ici, sont tout à fait déplacées.

A huis clos, Kamenev est de nouveau jugé et condamné à cinq ans de prison dans un procès où son frère est le principal témoin à charge. Dans le même temps des circulaires prévoient le retrait des bibliothèques publiques de tous les ouvrages des anciens opposants, Trotsky, Zinoviev, Kamenev. D'autres prévoient l'épuration du parti par la vérification de "la qualité" de tous ses membres. En Sibérie, les condamnations pleuvent sur les "trotskystes" irréductibles et le leader de la jeune génération oppositionnelle, Solntsev, meurt en janvier 1936 à la suite d'une grève de la faim. Le 5 juin 1936, la Pravda annonce la lutte pour "anéantir les ennemis du peuple, les monstres et les furies trotskystes". Les arrestations se multiplient. Les dénonciations succèdent aux dénonciations. Le 19 août enfin s'ouvre le premier procès public.