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Critique de encoredunoir


Andy est un zombie comme les autres : ses parents ont honte de lui depuis qu'il est revenu à la vie et l'ont exilé dans la cave à vin de papa, les passants lui jettent de la nourriture en l'insultant quand il n'essayent pas de lui voler un membre, son groupe de soutien et les consultations avec son psychologue ne l'aident pas forcément à se sentir mieux et, bien entendu, il est privé des droits civiques les plus élémentaires. Sa rencontre avec Ray, un mort-vivant qui a décidé de ne pas se laisser marcher sur les pieds et lui fait découvrir le merveilleux goût du chevreuil en conserve, change littéralement la non-vie d'Andy qui, peu à peu, se fait plus velléitaire et entend bien faire en sorte que les principes de la Constitution s'appliquent enfin aux zombies, car ce n'est pas parce que nos organes pourrissent et se liquéfient que l'on a pas un coeur, ce n'est pas parce que l'on est obligé d'ingérer du formol et que l'on sent la viande avariée que l'on a pas de dignité.

Les zombies ont la côte, ces derniers temps. Voilà plusieurs années que le cinéma fourmille de films de zombies, alors que l'on pensait le genre tombé en désuétude après George Romero, qu'une frange de ce cinéma aime à jouer la carte de l'humour (on pense notamment à Shaun of the dead, Bienvenue à Zombieland ou encore Fido) et qu'un pan de la littérature d'horreur suit le mouvement (en particulier Max Brooks, apparemment, que nous n'avons pas encore eu l'occasion de lire). Reste qu'à part quelques rares exceptions (notamment Fido, justement) et souvent de manière superficielle, ces oeuvres laissent peu de place à l'étude de la personnalité du zombie (oui, je sais, j'ai moi aussi du mal à prendre cette phrase au sérieux).

La très bonne idée de S.G. Browne est donc de nous faire un récit à la première personne sur le quotidien de ces morts-vivants rejetés par la société et qui, pourtant, pensent et éprouvent des sentiments même s'ils ne sont pas capables d'apprécier un bon vin et qu'il est aisé d'imaginer que pour les vivants (les Respirants, comme les appellent les zombies) il doit être difficile de se confronter au quotidien à ce à quoi l'on ressemblera après quelques jours ou quelques semaines de décomposition. Bref, on vit de l'intérieur la condition de ces zombies rejetés par la société (alors que bon, ils ont tout de même fait partie des premières vagues de G.I. à débarquer en Normandie) et victimes des préjugés colportés par le cinéma de genre : « Je me fais peut-être des idées, mais un groupe de cadavres réanimés qui se balade dans un cimetière après 22 heures un vendredi soir, ça ne va pas améliorer l'image stéréotypée que les humains ont de nous. » explique Andy lors d'une virée.
C'est que le zombie est un humain comme les autres, qui suit approximativement le même régime alimentaire, même s'il tend à tout trouver fade et qu'il mange surtout par habitude puisqu'il n'a plus aucune capacité digestive, et ne mange a priori pas de chair humaine. Mais les stéréotypes ont la vie dure et les morts-vivants sont traités comme les animaux errants, à ceci prêt que si la vivisection est interdite, les expérimentations menées à l'aide de zombies sont courantes : «J'ai passé deux jours dans une cage de la SPA avant que mes parents ne viennent me récupérer. Aller réclamer votre enfant mort-vivant et le ramener à la maison peut causer de sérieux ravages à votre statut social, alors je ne pouvais pas leur en vouloir de ne pas s'être précipités pour venir me délivrer. Un jour de plus, par contre, et on m'utilisait comme mannequin crash-test. »

C'est donc avec joie que l'on suit le parcours militant d'Andy : sa prise de conscience de la condition indigne dans laquelle sont rejetés lui et ses congénères, ses premières manifestations timides en faveur de ses droits civiques et l'écho médiatique qu'il finit par recevoir jusqu'à être reçu sur le plateau d'Oprah Winfrey. Avec quasiment une bonne idée par paragraphe, un décalage constant et un humour qui va du plus graveleux au plus fin, S.G. Browne écrit un livre hilarant auquel il réussit malgré tout à donner un peu plus de relief qu'à une simple pochade en y insufflant assez de sentiments pour le rendre émouvant sans pour autant sombrer dans le bête mélo. Car ces personnages, pour aussi caricaturaux qu'ils puissent paraître (ce sont des zombies, bon sang !) sont avant tout des gens normaux devenus des parias, privé d'amour, mais aussi du droit d'aimer comme le montre la situation d'Andy rejeté par son père et auquel il est interdit de communiquer avec se fille, bien vivante. Et puis, Browne sait construire une belle histoire d'amour zombiesque sans pour autant abandonner l'humour et les questions existentielles : « Est-ce de la nécrophilie, si on est morts tous les deux? ».
Bref, voilà un roman plus que recommandable dont l'esprit et la lettre ne sont pas sans rappeler les meilleurs moments de Christopher Moore. de quoi passer d'excellents moments et piquer quelques fous rires incontrôlables.

Profitons-en pour signaler qu'il s'agit d'une troisième roman publié par les jeunes mais prometteuses éditions Mirobole, basées à Bordeaux et spécialisées dans le fantastique et le polar. Si la suite de leur programme est à l'avenant, on ne peut que leur souhaiter une longue vie.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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