Avant d'aborder
Un été cruel, un premier rappel s'impose concernant la production du tandem Brubaker /Philips, les maîtres du récit noir baptisés la dream team par Delcourt, leur éditeur français, auteurs de la série devenue culte Criminal série en 7 tomes dont le premier parut en France 2007. À la série initiale viennent s'ajouter 3 hors séries à savoir deux récits de 80 pages Mes héros ont toujours été des junckies en 2019 et Sale weekend en 2020, et enfin un pavé de 284 pages,
Un été cruel paru un l'an dernier. Nos deux acolytes ont parallèlement collaboré sur Incognito, un polar superhéroïque en 2 tomes en 2010-2011, Fatale une série noire aux accents fantastiques et lovecraftiens publié en 5 tomes en 2012-2015 et qui vient d'être rééditée en intégrale en 2 volumes, Kill or be killed, un thriller sombre en 4 tomes dont le héros est un jeune forcé d'assassiner des criminels et des sales types afin de survivre en 2018-2019, et enfin
Reckless la toute récente série en cours dont 2 tomes viennent de paraître l'un en octobre dernier l'autre en janvier de cette année et qui a pour héros un privé rattrapé par son passé d'étudiant radical. Aux côtés de ces séries, ajoutons 2 récits complets
Fondu au noir, sublime thriller hollywoodien de 300 pages paru en 2017 et
Pulp, un thriller mettant en scène un écrivain de
pulps au passé violent paru, lui, l'an dernier.
Le deuxième rappel concerne lui la série Criminal, fresque réaliste noire, très noire, se déroulant dans une ville fictive Center city, terrain de jeu favori de tous les malfrats du coin et dans laquelle braquages, meurtres, trahisons se ramassent à la pelle. C'est aussi la saga d'une famille au nom très évocateur Les Lawless sur plusieurs générations dont le destin est étroitement liée à une autre famille les Patterson, sans oublier les Hyde, la famille maffieuse qui a la main mise sur toute la ville. le concept de base de la série est très simple : Chaque tome peut être lu indépendamment des autres. le récit se concentre à chaque fois sur un personnage, les personnages secondaires étant appelés à devenir personnage principal dans un volume ultérieur ou pas. Ces personnages centraux évoluent dans le même monde, fréquentent le même bar l'Undertown ancien clandé, point de rendez-vous des malfrats tenue par la grogne, personnage récurrent également et partagent une histoire commune de deux générations de crime. Pour chaque tome, également, cherchez la femme fatale ou non. Ces récits indépendants qui s'enchevêtrent s'éclairent mutuellement et viennent enrichir le portrait des différents protagonistes…
Alors les fans de la série vont se régaler avec
Un été cruel ce flashback qui revient sur le passé de Léo, Ricky et Tracy et la génération des pères. Quant aux néophytes, nul doute qu'après l'avoir découvert, ils vont se précipiter sur Criminal pour connaître le destin de Léo, Ricky, Tracy et les autres… Quant à moi, faisant partie de la 2ème catégorie, je dois avouer que j'ai été tellement emballée, non seulement je me suis précipitée sur Criminal mais aussi sur tout le reste.
Mais revenons à
Un été cruel, magistral récit choral au cours duquel toutes les pièces du puzzle vont se mettre en place. On va apprendre ce qui réellement passé cet été 88 ou Teeg Lawless dont l'ombre plane sur la série d'origine a été tué. On va revenir au moment où tout a commencé. Adolescents, Leo Patterson, Ricky et, Tracy Lawless ainsi qu'un quatrième larron, Jacob Kurtz, évoluaient dans l'ombre du monde violent des adultes et étaient témoins des méfaits de leurs pères. On va alors assister à leurs débuts dans le monde des malfrats, débuts malheureux avec un cambriolage commis par Ricky dont les conséquences vont être lourdes pour tout le monde. Son père, quant à lui, un père absent, un père violent, un père peu enviable, mais un père malgré tout qu'il aime et qu'il déteste va mettre au point le plus gros braquage de sa carrière non seulement pour sauver sa peau mais aussi pour les beaux yeux de Jane, Eh oui Tegg la, teigne, le violent est tombé profondément amoureux. Ajoutez à cela un détective Dan Farraday aux basques de la belle. Violence, histoire de famille tordue, trahisons, meurtres, tous les ingrédients sont réunis pour un final en apothéose !
Ed Brubaker se joue des codes, maîtrise la narration à la perfection et nous livre un mélange subtil d'action et de psychologie en conjuguant des récitatifs percutants, des dialogues ciselés et une mise en scène impeccable. La voix off vient nous éclairer sur les états d'âme et les pensées des différents protagonistes de l'histoire.
Le tout est sublimé par le trait réaliste et élégant, l'efficacité du découpage et la mise en scène cinématographique du dessinateur britannique Sean Phillips qui n'a pas son pareil pour retranscrire les ambiances sombres des grands polars épaulé en cela par son fils Jacob qui signe une colorisation somptueuse avec un noir profond jouant avec les contrastes et la lumière.
Les meilleurs choses ont une fin. L'été s'achève, la série aussi, mais pas la collaboration Brubacker/Phillips. Vivement le tome 3 de
Reckless !