Une histoire comme je les aime parce que il y a la Provence que j'affectionne maison y trouve aussi des sentiments purs et des personnages entiers , tourmentés mais sincères et sans faux semblants.
Le thème n'est pas très original mais le style donne de la puissance à l'histoire. Les descriptions de la vie à la campagne et l'entraide que demande les travaux des champs nous dépaysent de notre époque égoïste et du repli sur soi .
Cette histoire raconte également la fin d' une époque avec les nouvelles conditions de vie qui améliorent la vie des paysans ( au sens noble du mot ) mais qui éloignent de la terre. On sent un amour profond de l'auteur pour sa Provence .
Un livre qui se déguste comme avec plaisir même si parfois la dureté des situations nous plonge dans la réalité campagnarde de cette époque d'après guerre où l'argent manque....
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Tout en traversant l’air doux de Provence, il avait eu le temps de voir au-delà de l’horizon l’aube à peine naissante alors que, sur le Malay, c’était encore la nuit. De si haut, un seul regard lui avait suffi pour contempler à la fois la montagne, les collines et la mer sous la lumière finissante des étoiles. Cela avait été sa plus belle traversée de ciel. Il avait été immédiatement fasciné par ce fantastique petit bout de terre.
Cependant, Ninon, bien qu’estampillée à jamais d’humiliation, de malédiction et d’honneur perdu, était si vive, douce et belle qu’elle eût dû faire, même accourue de l’enfer, exploser d’amour le cœur d’une mère. Hélas, le cœur de Maria n’explosa que de haine. Et cela, bien avant que le bleu des yeux de sa fille ne fasse vaciller le canton. (...)
Certes, elle lui donna le sein pendant une année entière, parce que ses mamelles gonflées coulaient à flots mais, aussitôt soulagée de son lait, elle la laissa des heures entières ficelée dans sa caisse en bois, sans un sourire, sans une caresse. (...) houspillée pour un rien, servie la dernière et tant pis si la louche n’était plus qu’à demi pleine. Ninon, toujours fautive du désordre, coupable dans toute chicane. Ninon, à ce point déloyalement traitée que le puîné et les cadettes s’en apitoyaient et la protégeaient en sourdine. (...)
Mihoun, vieille veuve esseulée, prit Ninon dans ses bras, la berça et lui fit don des baisers maternels que l’enfant ne recevrait jamais.
Chapitre 1
Peter n’avait plus d’espoir.
Son bel amour à peine éclos avait perdu ses pétales sans même qu’un souffle les emportât. Ninon s’éloignait de lui en silence, à petits pas, si discrètement que les autres ne semblaient pas s’en apercevoir.
Une chance, une seule, d’aimer vraiment lui avait été donnée et retirée immédiatement. Désormais les années s’engouffreraient dans les replis de sa vie pour le ramener vers ses anciennes habitudes, rivières d’amertume rendues encore plus âcres avec le temps.
Chapitre 28
Mais en vérité, bien qu’elle n’en parlât jamais à personne, pas même à Giuseppe, Maria, elle, connaissait la clef du mystère…
Ninon était l’enfant que lui avait fait le diable…
Dévote comme il y en a parfois, bien plus sensible à l’omniprésence du Malin qu’à l’existence de Dieu, écrasée sous des siècles de superstitions, Maria avait grandi en compagnie de Satan et de ses adjoints, sorciers, esprits, démons de toute sorte que sa mère agitait sans cesse devant elle. Du loup-garou au coin du bois à l’esprit qui vous tire par les pieds, les générations de femmes qui l’avaient précédée avaient toujours eu une réplique sulfureuse à opposer à chaque événement de la vie. Deux doigts pointés en cornes, une prière profane pour chaque sort, du gros sel dans une poche, un bout de savon dans l’autre, elles affrontaient vaillamment toutes les peurs antiques. Et même devant l’autel, si elles se signaient mille et une fois, ce n’était que pour échapper aux démons qui, palpables dans toutes leurs prières, occupaient leurs pensées et dirigeaient leur vie.
Pour Maria, si encline aux chimères, inutile de tergiverser. Sa cervelle déjà confuse interpréta clairement l’affaire : les yeux bleus de Ninon étaient la manifestation tangible d’un sort jeté par une sorcière. Si Jésus était l’enfant de l’Esprit saint, Ninon, elle, était l’enfant que lui avait fait le diable.
Chapitre 1
Bien qu’il n’en parlât jamais, Abel était un élève brillant dont les devoirs, toujours très bien notés, ravissaient la tante Denise. Le soir, elle les lisait à mi-voix en s’appliquant à bien comprendre chaque mot. La bougie blanche s’enfonçait profondément dans ses cascades laiteuses quand elle se décidait enfin à poser le cahier.
Chapitre 18