Une chaleur torride, africaine, pesait sur Rome.
Elle calcinait les pelouses, chauffait le bitume à blanc et vidait les rues. À certaines heures, l'ombre semblait immobile.
Hormis les cigarettes qu’elle consumait l’une après l’autre, elle n’avait aucun besoin et passait la plupart de ses journées à lire, à aider ses prochains, dans l’oubli de ce monde du spectacle « artificiel et frivole » qui renvoyait, disait-elle, une image « dégradée » de la femme. D’ailleurs, elle avait jeté sa télévision, craignant de tomber à l’improviste sur une rediffusion de l’un de ces films, cette part légendaire, déshabillée d’elle-même, qu’elle rejetait.
« Laura prisonnière à domicile » Tout était résumé là, sous la forme d’une procédure chorale, tous ces raccourcis journalistiques déroulaient dans leur sécheresse la chronologie d’une lente déchéance sociale.
Nous n’étions alors que deux adolescents mal définis, jetés sans boussole dans la société des hommes. On s’éveillait aux choses. On aimait les mêmes choses. Surtout le cinéma.
Quand on prétend parler des autres, on s’appuie sur des faits, on s’en empare, on les interprète. Il entre alors, dans le récit, une part d’imaginaire et la vérité, si forte soit-elle, sonnera toujours faux. Ses amis, ses proches que j’ai rencontrés, plus avisés que je ne l’étais, l’auraient peut-être, je dis bien peut-être, restituée au naturel sans préjugés ni ratures, dans la force de ses rejets, de cette claustration obstinée que l’actrice s’infligea au couchant de sa vie, vingt-cinq années durant, dans l’abjection de ses démêlés judiciaires. Années souterraines, lacunaires, qui sait les plus sereines.
"On perd toujours son temps à vouloir comprendre les autres."
Avec d’autres collègues, on pourchassait les célébrités dans la rue, on les photographiait à la volée, à leur insu souvent, on s’ingéniait à les énerver, on les poussait à bout, le résultat n’en était que meilleur.
Dans la vie de Laura A. il y avait eu ce chaos, cette arrestation violente, arbitraire, à son domicile, dans la nuit du 26 au 27 avril 1991. Une nuit froide et lugubre en parfaite résonance avec les faits qui s’y produisirent. Elle avait quarante-neuf ans.
J’avais eu plusieurs vies, superposées, calquées l’une sur l’autre, qui me laissaient une sensation d’envasement. J’avais aimé Anna, pendant dix ans elle avait accaparé toutes mes pensées, maintenant qu’elle n’était plus là, son souvenir s’évaporait, sans plus d’imprégnation que l’empreinte d’un pas dans le sable.
Au centre de l’histoire, il y a une femme, elle souffre d’amnésie, la nuit, elle s’en va marcher seule dans Rome, se rend à des soirées privées à la recherche d’une autre femme qui pourrait très bien être son double… celle qu’elle était autrefois et qui se serait perdue en route.