Citations sur Vanda (70)
Vanda a admis très tôt qu'elle était seule, comme on est seul au jour de sa mort. Elle en a consommé la douleur jusqu'à s'en faire une identité, une armure. Les autres comptent un peu, mais ils s'en vont, disparaissent.
Dans son rêve, Vanda ressent une tristesse infinie et une impuissance terrible. Elle se dit qu'elle n'aurait jamais pensé que ça leur arriverait à eux, dans cette époque-là, la sienne et celle de Noé enfant. Elle aurait imaginé que la fin du monde viendrait dans des centaines ou des milliers d'années, qu'elle n'était pas concernée. Et pourtant ils y sont, c'est maintenant et c'est inéluctable.
On sait qu'elle est arrivée ici il y a plus d'une dizaine d'années, et certains l'ont connue à l'époque. Avant ça, rien. Elle s'est immergée dans la ville jusqu'à en faire partie, comme vierge d'un avant.....
Beaucoup savent qu'elle vit dans un cabanon, et c'est pas courant. Personne ne dit rien mais il y a des chances pour que ce soit interdit, même avec l'au potable. Ici, l'interdit est mouvant...
Les vieux la regardaient avec méfiance, au début, et puis elle s'est fondue dans le bleu.
Vanda a admis très tôt qu’elle était seule, comme on est seul au jour de sa mort.
Elle en a consommé la douleur jusqu’à en faire une identité, une armure. Les autres comptent un peu, mais ils s’en vont, disparaissent. Regarde sa meilleure amie d’école primaire, celle avec qui elle jouait sous les draps, et la petite bande du lycée dont la principale préoccupation était de fuir le coin au plus vite. Elle ne sait pas ce qu’ils sont devenus, ils n’ont pas résisté au temps, à l’absence. Et les amours terribles, de celles qui donnent du sens aux pulsations, pour qui on pense pouvoir mourir, ou qui nous ont tué en partant. C’est des conneries, on n’en meurt pas.
Quand son fils est né, quand elle l’a reçu contre elle pour la première fois, ça a déchiré quelque chose, en dedans. Il était là et il n’avait qu’elle. Il va t’aimer toute sa vie, elle se répétait, et elle ne savait pas si c’était Un bonheur ou une putain de malédiction.
Mais il se refuse à juger sa mère, sa tante, ses cousins. Il l'a beaucoup fait avant de s'en aller, persuadé de mériter plus, conscient tout de même que les encouragements de sa mère, ses espoirs, son engouement l'ont façonné ainsi-à désirer mieux, à porter le regard vers une autre existence qui ferait briller les yeux de ceux qui restent. Il aimerait s'être fait tout seul, il doit tant à sa mère.
Elle a dansé avec Noé ils étaient beaux, elle dans sa robe aussi fine que du calque et lui brun et blondi par les journées de soleil. Ils riaien à cause de la musique, des gens, du vertige à force de tourner.
... c'était une évidence que cette ville-là ressemblait à une ancre, la terre plissée de rides sèches, le bleu -céleste ou maritime- aussi lisse qu'une joue d'enfant. On pouvait choisir d'y renaître ou d'y vieillir, ce qui revient au même.
Le corps de son fils la rassure, une réalité palpable, ce qu'elle a de meilleur. Eux deux,, tout seuls. Rien que son fils et elle, il n'y a que ça qui compte vraiment, au final. Son visage dans sa nuque, elle renifle son odeur comme une bête, se retient de le mordre.
Peu à peu, les gens qui ont échappé aux coups iront se carapater et rejoindre une voiture, un bus, un bar. Les autres fileront aux urgences pour tenter d'expliquer l'attaque, la violence, se faire soigner. Certains médecins écouteront, d'autres pas. Et puis il y a tous ceux qui passeront la nuit en garde à vue, pleureront pour pouvoir téléphoner, qui à une ex-femme pour récupérer les gosses à l'école, qui à un parent pour ne pas qu'il s'inquiète, à un amoureux qui ne comprendra pas comment c'est possible, de se retrouver au poste si on n'a rien fait. Alors ceux qui ont encore leurs jambes, leurs yeux, leurs mains, et qui ont réussi à se cacher dans une anfractuosité de la ville, ressortiront à la nuit tombée. Ceux là n'auront pas envie de rentrer chez eux. Ils auront tant de rage en eux qu'ils brûleront tout ce qu'ils trouveront, entasseront des pneus, des poubelles, et mettront le feu. Ils ne portaient peut être pas de capuches, avant, mais ils vont s'y mettre.
On compte tellement pour rien. C'est même plus du cynisme, c'est au- delà.