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Critique de JeffreyLeePierre


Ce livre est daté, mais reste excellent.

C'est de la science fiction prospective. L'auteur se projette 40 à 50 ans plus tard et nous immerge dans ce futur. Sauf qu'il a été écrit en 1969 et nous plonge dans les années 2010. le futur, c'est le début du XXIe siècle. Déjà, ça fait un peu bizarre.

Évidemment, comme il extrapole les grandes tendances de ses 20 dernières années, donc des 50s et 60s américaines, cela donne un monde dans lequel la consommation de masse a atteint des sommets dans le jetable, où diverses drogues légalisées sont devenues partie prenante de la vie des gens, où le raccourcissement des jupes a abouti aux vêtements transparents, et où la libération sexuelle a développé la catégorie sociale des "minettes" (je ne sais pas de quel terme anglais ce mot est la traduction), ces jeunes femmes qui voguent d'un appartement à l'autre au gré de leurs aventures. Mais il oublie de nous raconter ce qu'il en advient lorsqu'elles vieillissent.

Comme il a raté le retour du conservatisme moral et surtout le développement d'internet (il y a un ordinateur surpuissant mais solitaire), cela ressemble aujourd'hui davantage à une uchronie. Aussi parce que les guerres de Corée puis du Vietnam sont devenues une "guerre du Pacifique" perpétuelle, un peu à la façon de la guerre perpétuelle dans le 1984 d'Orwell.

Ce qu'il n'a pas raté, c'est le développement des multinationales, du complexe militaro-industriel, et de leur emprise sur le monde.

Ce qu'il a amplifié, le principal sujet du livre, c'est l'eugénisme issu de la surpopulation : le contrôle des naissances, initié de façon privée par la pilule des 60s, est devenu un régime très strict encadré par les législations et la pression sociale. Et c'est devenu du coup le grand sujet de préoccupation des gens.

Le point fort du livre, c'est la multiplicité des points de vue. Il y a bien sûr une intrigue principale, quelques personnages dont on suit le parcours et qui pourraient bien avoir infléchi la course de ce monde. Mais elle se développe au milieu d'une grande fresque impressionniste, sautant vers des personnages et intrigues mineures, incluant des flashs tv ou radio et des encarts publicitaires. Et du coup, l'effet d'immersion est totale.

Il y a d'ailleurs en entrée un sommaire fascinant qui répertorie les (courts) chapitres en les reclassant en catégories : l'intrigue principale, les personnages mineurs, les éléments du contexte, et dont les paginations s'intercalent. Je ne sais pas si l'intention de l'auteur est de suggérer qu'on pourrait aussi lire plusieurs "livres" différents en suivant cette classification, plutôt que de passer de l'une à l'autre catégorie en lisant dans la continuité. Cela donnerait un roman principal, un ou des recueils de nouvelles, et un machin impressionniste bizarre, un peu cut-up. Je devrais essayer mais je n'en ai pas le courage.

Finalement, pourquoi il mérite de survivre aux outrages du temps ? Parce qu'à force de réflexions sur l'hédonisme forcé et la recherche du bonheur, l'eugénisme, la filiation et la famille, la surpopulation, les inégalités et les pétages de plomb type amok, les différences culturelles et le racisme, il y a une belle interrogation sur ce qu'est l'humain.
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