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Critique de topocl



"Il m'a demandé pourquoi je voyageais. J'ai dit que j'écrivais. Il a voulu savoir quoi. « Juste ce que je vois, ce que je comprends, ce qui m'étonne. - Ah, a-t-il fait, chez nous, il n'y a rien d'intéressant. » Ensuite il m'a raconté un grand bout de sa vie »

Un voyage en Sibérie. Un de plus. Qu'allons nous appendre sur cette terre aux ressources naturelles colossales, où la nature est chaque jour plus hostile, que le pouvoir oublie, « dans cette région à l'abandon où tout est exigu, déglingué et lamentablement rafistolé » ? Et bien, c'est une fois de plus un regard personnel qui va nous mener main dans le main à la découverte des habitants,autochtones ou descendants de victimes et de bourreaux, « les deux faces d'un même peuple,[dont les] histoires s'entremêlent aux sein des familles, souvent au coeur des individus eux-mêmes », où la religion tente de renaître sous de multiples formes, « par réaction contre cet athéisme absurde qu'on nous a inculqué de force ». Anne Brunswick, ancienne communiste d'origine juive, fait sienne la citation de François Maspero, qu'elle met en tête de son 3e chapitre :

«  La plus belle récompense d'un voyage extraordinaire est bien de rencontrer des gens ordinaires, disons comme vous et moi. Des gens qui ont traversé comme ils l'ont pu, sans faire d'histoire et sans faire forcément l'histoire, des événements pas ordinaires. Qui nous rappellent que ces événements auraient pu aussi bien nous arriver à nous, en leur lieu et place. Et vraiment, on ferait bien, avant toute chose, de se demander ce qu'on aurait fait en leur lieu et place. le sentiment de se retrouver partout au milieu de la grande famille de l'espèce humaine n'a pas de prix – ne serait-ce que parce qu'il confirme que celle-ci existe. Ce qui n'est pas toujours évident. C'est peut-être cela le pari du voyage : au-delà de tous les dépaysements, des émerveillements et des angoisses de l'inconnu, au-delà de toutes les différences, retrouver soudain, chez certains, le sentiment d'être de la même famille. D'être, les uns et les autres, des êtres humains. Parfois ça rate. Parfois même, ça tourne mal. Mais le pari vaut d'être fait, non ? »



Anne Brunswic va à la rencontre des habitants, écartelés entre peur, haine et ferveur pour leur pays, des journalistes et professeurs, défendant avec ardeur le français, mais aussi un jeune militaire bizuté, des chauffeurs de bus, des compagnons de voyage, des logeuses.... Des femmes surtout, dans ce pays où, depuis les guerres et les déportations, et maintenant de par l'alcoolisme et la violence intrinsèque du pays, les hommes semblent perpétuellement absents. Des personnalités ordinaires ou sortant du commun, comme cette fille adoptive d' Iéjov, bras droit de Staline dans les grandes purges, discrédité, exécuté puis réhabilité, père merveilleux toujours adoré...

Que ses interlocuteurs soient désespérés ou battants, confiants en Poutine ou effrayés par lui (on est en 2004/2005...), il ressort, sous l'unanimité patriotique, une impression de désolation.


« C'était beau de la beauté terrible des grosses machines puissantes, compliquées, insatiables, cette beauté qui a ébloui Zola. »


À côté des habitudes scènes de bureaucratie, du pèlerinage au pays des zeks , de la description d'un pays de misère et de corruption où certains s'accrochent encore à la culture et à l'hospitalité, auxquelles la sensibilité d'Anne Brunswic donne sa touche personnelle, on relèvera un chapitre consacré à Birobidjan, où survit, voire renaît, une communauté juive issue des tentatives de Staline pour créer une Région Autonome Juive, ainsi que la visite d'une mine d'or.

Sans oublier un petit album photo encarté entre les pages.
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