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EAN : 9782919117093
Livres du monde (25/05/2012)
4/5   4 notes
Résumé :
Le voyage, c’est quoi, c’est comment ?
Douze auteures et voyageuses ont eu « carte blanche » pour répondre à cette question.
Clara Arnaud, Anne Brunswic, Yanna Byls
Aude Créquy, Karen Guillorel, Evelyne Jousset
Gaële de La Brosse, Sylvie Lasserre, Alice Plane
Caroline Riegel, Aude Seigne, Ingrid Thobois
apportent leurs réponses dans ce livre collectif où chacune fait part de ses expériences, raconte sa façon de partir, de vo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Qu'est ce qui différencie une femme qui voyage d'un homme qui voyage ? Sédentaires ou nomades les femmes doivent se confronter à des systèmes sociaux et politiques qui ne les considèrent pas comme les égales de l'homme. Dans les systèmes phallocrates, un voyageur est un aventurier, une voyageuse une fille perdue, au propre comme au figuré ! « Mille et une fois on promit de prier pour mon salut : c'est à dire que je trouve un bon mari. » écrit Caroline Riegel. On pourrait dire, en paraphrasant Orwell, que les voyageuses et les voyageurs sont égaux mais les voyageurs sont tout de même un peu plus égaux que les voyageuses ! On peut donc affirmer que voyager est plus difficile et plus dangereux pour une femme que pour un homme.
En lisant ce livre on constate très vite que ces voyageuses sont toutes des écrivaines. Chacune a pour traiter son sujet une manière personnelle, un style spécifique, une tonalité originale. Narration romanesque, style journalistique, récit d'aventure, envolées lyriques, dialogue théâtralisé, interview, vibrations poétiques, pensées philosophiques, avec diverses variantes, incises, nuances et déclinaisons. Aucune de ces voyageuses ne se borne à l'évènementiel, à l'anecdotique ou à l'exotique, tous les événements relatés sont porteurs de sens, ils éveillent notre curiosité et font souvent naître en nous une profonde émotion. Quand l'écriture de voyage est une écriture sur le voyage on peut parler de littérature de voyage. Ce qui caractérise la littérature c'est sa capacité à dépasser son objet, quel qu'il soit, tout en faisant corps avec lui. En littérature, matière et manière sont liées l'une à l'autre. Dans la littérature de voyage, littérature et voyage n'échappent pas à cette règle.
Voici les thèmes principaux qui traversent l'ensemble de ces douze textes.

Le voyage n'est pas une somme de kilomètres ni un inventaire de destinations lointaines. Voici ce qu'en dit Clara Arnaud : « Il est des bergers qui voyagent plus dans leurs pâtures que les touristes boulimiques. » Cela nous rapproche de Franck Michel qui nous dit que « le voyage commence au bout de sa chaussure. »
Bouger c'est faire bouger quelque chose en soi. Tous les voyageurs savent que le voyage les transforme sans qu'ils puissent forcément identifier, et encore moins maitriser, les forces qui agissent sur eux. Aude Créquy écrit : « En voyage, rien ne se maitrise et c'est le propre du voyage que de se laisser façonner par ce qui nous entoure. » Nicolas Bouvier l'avait bien compris : « On croit qu'on va faire un voyage mais bientôt c'est le voyage qui vous fait ou vous défait. » Un voyage imprévu ? C'est un pléonasme !
La voyageuse, pour découvrir le monde, est disponible et attentive. Pour pouvoir se nourrir de l'imprévu la voyageuse est curieuse de tout et réceptive à tout. Gaële de la Brosse cite Éluard : « Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous. » C'est le « laisser advenir » des bouddhistes, qui n'est pas passivité mais disponibilité.
Pour comprendre le monde il faut l'aimer, pour aimer le monde il faut le comprendre. Toutes les voyageuses le savent et le vivent. Yanna Byls l'exprime de la manière suivante : « Je dédierai ma vie à glaner les fabuleuses histoires des peuplades de la terre afin d'offrir une mosaïque étincelante des visages du monde. Et pour une lanterne d'espoir dans le coeur des gens… » La passion du voyage c'est la passion amoureuse. Pourtant Caroline Riegel écrit : « l'amour peine à trouver sa place dans un tel emploi du temps. » Il faut rappeler ici qu'il existe trois sortes d'amour, l'amour érotique (éros), la tendresse (philia) et le don de soi (agapè). Éros et philia exigent (ou du moins espèrent) une contrepartie alors qu'agapè est un amour sans attente de retour. Voyager n'est-il pas synonyme de donner ? La voyageuse est une amoureuse qui certes n'a pas à faire l'impasse du sexe et de la tendresse mais qui fondamentalement accepte d'offrir aux autres le don de son voyage sans forcément recevoir une rétribution affective en retour. L'absence de contrepartie est ce cadeau précieux qu'on nomme détachement et aussi humilité.
Voyager c'est avoir un regard neuf sur toute chose. le cinéaste Mitzoguchi dit qu'il faut se laver les yeux entre chaque regard. Chaque pas dans le voyage doit être un premier pas, chaque regard un regard neuf, chaque regard un regard d'enfant.
Lire la littérature de voyage c'est commencer le voyage et l'écrire c'est le continuer. Karen Guillorel cite Alexandra David-Néel qui, parlant des récits de Jules Verne, écrit : « Leurs héros peuplaient de leurs exploits mes rêveries enfantines (…) Ma résolution était prise… Comme eux et mieux encore si possible, je voyagerais. » Cette phrase tous les voyageurs peuvent la dire en parlant d'eux-mêmes. Ingrid Thobois résume parfaitement bien ce qu'est le triptyque voyager - écrire - lire : »La lecture, le voyage, l'écriture, c'est l'histoire d'une passion en boucle. » Chez ces voyageuses, l'écriture est étroitement liée au voyage. Pour certaines c'est la cause, pour d'autres la conséquence, pour d'autres enfin les deux à la fois. Clara Arnaud : « J'ai mis des mots sur mes petits chevaux de voyage pour ne pas oublier le rythme de leurs pas chaloupés. »
Le retour a une durée : se « retrouver » chez soi et avec soi peut prendre des années. Tout attachement se solde par un arrachement. Alice Plane écrit : « Je suis de ces gens qui s'attachent vite et très fort à toute amitié nouvelle et qui ont tant migré qu'ils savent qu'il ne faut pas attendre le dernier moment pour se livre à l'autre. » le retour est aussi un voyage.
Aucune des voyageuses ne sait pourquoi on contracte le « virus » du voyage. Elles savent qu'elles doivent partir mais ne savent pas pourquoi. Elles peuvent identifier le déclic – souvent comparable à un coup de foudre amoureux – mais pas la cause profonde. À cette question récurrente du pourquoi, bien peu trouve une réponse. Aude Créquy ne trouve pas plus de raison à son amour du grand Nord qu'à son amour du voyage. « L'arctique est une évidence. Ne me demandez pas pourquoi, je n'en ai aucune idée. » Elle exprime bien ce que toutes ressentent et disent d'une manière ou d'une autre : elles ne savent pas pourquoi elles partent ; c'est ce qui fait la beauté des départs !
Voyager est-ce fuir ? Aude Seigne : « Ce n'est pas parce qu'il est fuite que le voyage n'est pas merveilleux. » On peut comprendre que la fuite soit l'élément déclencheur mais un voyage ne devrait jamais être un voyage par défaut. Fuir n'est pas voyager. Un fuyard n'a pas le temps de s'émerveiller. Ou alors il doit transformer sa fuite en voyage.
Voyager est un acte politique. La réalité du monde c'est sa beauté et sa laideur. On ne peut pas rendre compte des beautés du monde sans rendre compte de ses laideurs. On ne peut pas profiter de ce qui va bien et occulter ce qui va mal. On trouve cette phrase chez Anne Brunswic : « À Ramallah j'ai tout de suite découvert ce que cela faisait de vivre sous l'occupation (…) À Ramallah j'ai perdu cette innocence de principe j'ai appris à penser et je l'espère plus juste. » Voyager est un acte politique. La voyageuse ne peut pas échapper à l'Histoire qui s'écrit sous ses yeux, d'autant qu'en tant que femme elle est bien placée pour savoir ce qu'endurent les opprimés. « On écrit parfois simplement (…) pour rendre justice. Aux morts jetés à la fosse commune, aux vivants qu'on piétine. Mais on ne le sait qu'après. » (Anne Brunswic) Voyager fait découvrir de « terribles pays des merveilles. » (Alice Plane) Issues de sociétés démocratiques les voyageuses ont à adapter leur comportement aux régimes dictatoriaux qu'elles parcourent. de même qu'étant issues de pays riches elles doivent savoir se comporter dans les pays pauvres.
Voyager c'est se détacher de ses certitudes. Gaële de la Brosse écrit : « Un pèlerin part avec des certitudes et revient avec des questions. » Ce qui vaut pour les pèlerins qui ont un but spirituel vaut aussi pour tous les voyageurs humanistes.
Voyager c'est apprendre à vivre ensemble. Karen Guillorel parle du « désir très fort d'apprendre à vivre ensemble, justement. » Sylvie Lasserre : « Ma vie allait devenir un véritable kaléidoscope, s'enrichissant à chaque nouveau voyage. » Évelyne Jousset : « Voyager c'est aussi accepter d'être bousculée par les cultures. » Voyager c'est comprendre les autres et les comprenant à apprendre à mieux vivre avec eux.
Ne plus voyager ? Clara Arnaud nous dit : « Un jour sans doute, je n'aurai plus besoin de voyager. »Peut-être faut-il rapprocher cette cessation des voyages de la cessation des transmigrations bouddhistes ? Quand l'être vivant a éteint en lui tout désir, toute activité, toute passion, il triomphe du cycle incessant des renaissances (le karma) Il sort du cercle des changements de vie pour entrer dans la vie et la paix éternelles. Est-ce possible pour une voyageuse ? Et est-ce souhaitable ?
Pour bien voyager il faut être en bonne santé aussi bien physiquement qu'intellectuellement et psychiquement. La fatigue est l'ennemi du voyageur. Il faut voyager reposé. Mais il faut bien comprendre que le voyage est une sorte d'investissement énergétique. le voyageur revient fatigué mais chargé en énergie. le voyage a une fonction dynamisante.

Littérature féminine de voyage ou littérature de voyage au féminin : c'est comme on voudra. En tout cas il s'agit bien ici de littérature de voyage. Les régions du monde que les douze voyageuses ont parcourues sonnent comme les mots d'un poème parfois doux, parfois rocailleux, parfois pacifiques, parfois dangereux… Afghanistan, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Iran, Tadjikistan, Himalaya, Soudan, Zanskar, Inde, Groenland, Sibérie, Moldavie, Palestine, Bénin, Tibet et d'autres encore… La lumière que le récit de l'expérience des voyageuses apporte sur le voyage est plus importante que le récit du voyage lui-même. Un récit montre un chemin et c'est bien ; la lumière sur le récit montre un foisonnement de chemins et c'est mieux. Non seulement ce livre nous parle des voyages de douze voyageuses mais il nous interroge sur les voyages que nous lecteurs nous devons entreprendre. Il est urgent de lire ce beau livre écrit par ces grandes voyageuses qui sont toutes de belles personnes.

Voyageuses. Partir avec…
Ouvrage collectif. Les auteures : Clara Arnaud, Anne Brunswic, YannaByls, Aude Créquy, Karen Guillorel, Évelyne Jousset, Gaële de la Brosse, Sylvie Lasserre, Alice Plane, Caroline Riegel, Aude Seigne, Ingrid Thobois.
Éditions Livres du Monde 2012. G. B. le 26-07-2012
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Pas toujours évident d'être une voyageuse, de se confronter, seule, à des cultures différentes, à une autre image de la femme. A chacune sa façon de voyager, si c'est souvent en solo, c'est rarement sans but, le dépassement de soi, la découverte, ou bien la rencontre de l'autre. Voici 12 portraits, 12 voyages ou plus, mais surtout 12 écritures. Car au delà des séjours au long cours, toutes ces femmes ont en commun d'écrire, c'est aussi cela qu'elles racontent. Comment devient-on « voyageuses » ? Mais surtout, comment le raconte-t-on ? Est-ce le déclencheur ou bien le résultat du voyage ? Voyagent pour écrire, ou bien cela vient-il plus tard ? Pas de longueurs ni de répétitions, elles ont chacune leur personnalité, leur vécu et donc leurs mots, ainsi nous lisons la rêveuse et poétique Yanna Byls, influencée par son goût de l'art et du théâtre dans ses textes comme dans sa vision du voyage. Mais il y a aussi Anne Brunswick, plus professionnelle, plus terre à terre, mais tout aussi captivante. Une foule d'expérience qui nous touche par sa force et sa simplicité, c'est un peu de douceur dans le monde des rudes aventuriers !
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Il y a eu cette phrase brutale, un matin, assise sur le pont où je venais de dormir, cette conscience qu’on pouvait vivre autrement, puis insidieusement, en trois semaines, la vie s’infiltrait partout (…) Le voyage rappelle à nous un instinct qui favorise l’intuition (…) Je ne crois pas au mythe du voyageur-né, qui n’est pas fait pour s’enraciner, qui pousse mieux ailleurs. Car ailleurs, même en mouvement, devient un jour ici
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Je sentais la crasse sur mon corps comme si mille douches n’avaient pas suffit à me laver de cette histoire. Et tard, au coeur des nuits d’angoisse, je sentais mes jambes fourmiller des kilomètres non parcourus. (…) Une fois que les mots ont bu toute la sève du vécu, que l’on se retrouve exangue au port d’attache, il ne reste plus qu’à repartir
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Il devient alors vital de construire quelque chose de terriblement personnel, comme une conspiration des hasards où les sens et les talents sont en jeu, et où l’on est pleinement habité par la réalisation suprême de son âme. Comme un karma qui arrive à maturité, il n’existait alors d’autres chemin, et celui qui s’ouvrait devant moi comme un parterre de pétales de fleurs, paraissait fortement protégé et peuplé de guides
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La seule chose qui différencie la voyageuse du voyageur, c’est le regard que lui porte la société dont il vient. Pour ma part, c’est précisément le voyage qui m’a donnée le goût d’être une fille. Parce que le voyageur n’a pas de genre, parce qu’il est un éphémère à la surface de ce monde, j’ai eu envie de féminité, de tenues ajustées et de maquillage léger
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Peu importe la destination, il y en a une qui saura provoquer ce sentiment imprévisible au creux du ventre, comme quand vous tombez amoureuse
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