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Critique de Antyryia



"Selon le vieil adage de la marine anglaise : le pire est toujours certain."

Ainsi s'achève mon cent seizième Serge Brussolo, auteur découvert en 1994 avec Cauchemar à louer.
L'oiseau des tempêtes pourrait se classer en roman d'aventures historique puisqu'après ses thrillers se déroulant au moyen - âge, au temps des vikings ou encore de l'Egypte antique, c'est à la marine sous Louis XIV que s'intéresse cette fois l'auteur.
Mais Brussolo fait avant tout du Brussolo. Je rejoins totalement les critiques qui le définissent comme un genre littéraire à lui seul. Qu'il s'agisse de science - fiction, de fantasy, de fantastique, de littérature générale, de policier, de romans jeunesse, de thrillers modernes ou historiques un roman de Serge Brussolo ne ressemble à aucun autre, si ce n'est à un autre roman du même auteur et ce quel que soit le genre auquel on le rattache.
Idées uniques poussées à leur paroxysme, rebondissements imprévisibles, écriture reconnaissable en quelques lignes : L'oiseau des tempêtes ne fait pas exception à la règle.

Dès les premières pages, le lecteur fait connaissance de différents protagonistes.
Artus de Bregannog est de retour des Amériques, que la France s'efforçait alors de coloniser. Baron en disgrâce, il s'est rendu jusqu'en Floride pour mâter les rebellions indiennes afin de retrouver les faveurs du roi. Pendant le conflit, il a été blessé par une flèche empoisonné.("Une mauvaise fièvre ramenée de là bas, et qui lui démantèle le cerveau" ) Depuis, il est en proie à de nombreuses visions, et croit notamment distinguer la figure de proue qui s'est détachée de son navire ( "Le lion qui s'est détaché de l'étrave du navire pour s'en aller chasser ... Il est là, le talonnant, monstre sculpté d'un ciseau naïf par quelque imagier espagnol." ).
Son médecin attitré - qui est en réalité vétérinaire - se prénomme Alexandre. de retour en Bretagne, ce dernier va prendre pour épouse la folle Marie - Laurence qui est obsédée par l'amour que lui a porté le roi par le passé. ( "J'étais la plus belle (...) le roi me l'a dit... Il s'est incliné vers moi et m'a tendu la main pour m'aider à prendre pied sur la berge, au sortir de la gondole. J'ai senti la chaleur de ses doigts sur ma peau. J'ai touché le roi et le roi m'a touchée..." ). Et cette ancienne comédienne revêt régulièrement ses atours de sirène pour rejoindre les canaux de Versailles, provoquant la superstition chez les différents témoins.
Sa fille - et héroïne du roman - se prénomme Marion. Elle a quatorze ans.
Quand Artus de Bregannog construira un bateau ( L'oiseau des tempêtes, surnom de l'albatros ) pour s'improviser pirate, son garde - chasse profitera de ses accès de folie pour lui faire croire qu'une proue à l'image de la jolie Marion permettrait de déjouer tous les dangers. Cependant, cela exige le sacrifice sanglant de la jeune héroïne.

Et ce ne sont que les premières pages de toute une succession d'évènements où il sera question entre autres d'une chasse au trésor totalement inédite sous un volcan à grand renfort de boyaux de porc, de faux - monnayeurs, de mariage par tirage au sort à des colons français, de dragons ( les soldats ), de scalps, d'araignées et de multiples autres sujets se succédant sans cesse au rythme du long périple de Marion ( qui traversera la France puis l'Atlantique ) et de l'imagination enfiévrée de l'auteur.

Il ne s'agit cependant pas d'un roman sur la piraterie à proprement parler, même si la marine de l'époque sert effectivement de toile de fond.
Aucune date n'est indiquée, mais au vu des éléments historiques l'histoire semble se dérouler autour de 1670. Brussolo évoque les célèbres Lully, Racine, Molière ou Colbert et nous fait partager sans prétention sa culture historique comme pour ancrer davantage son récit délirant dans la réalité de l'époque. On y apprend par exemple que le café avait du mal à s'implanter en France au XVIIème siècle, que deux mille cinq cents arbres étaient nécessaires à la construction d'un trois-mâts, que dès douze ans les hommes pouvaient être condamnés à ramer sur des galères à vie ( souvent courte ), ou encore pourquoi les médecin étaient parfois représentés à cette époque avec un masque en forme de bec d'oiseau.

Si le roman a le mérite de nous faire vivre quantité de scènes inédites et d'évènements déments, il souffre pourtant d'un manque de psychologie. C'est souvent le cas avec cet auteur. Les caractères sont grossièrement esquissés et mis à part Marion à laquelle on peut s'attacher, le lecteur reste indifférent aux sorts souvent funestes des différents personnages, presque interchangeables. Les hommes sont des bêtes et l'empathie est quasiment impossible. En outre il s'agit ici vraiment d'une succession d'évènements étranges sans qu'ils ne convergent - à une ou deux exceptions près - vers un final grandiose où le moindre élément prendrait son sens. On est à la limite davantage dans un recueil de nouvelles des aventures de Marion avec quelques traits d'union les reliant parfois.

Un tome 2 verra probablement le jour mais le prolifique Brussolo publiera d'abord l'inédit "Les geôliers" en février 2017 ( Folio SF ) puis "Cheval rouge" en mai aux éditions du masque.

"J'ai connu un vieux matelot qui avait survécu à un naufrage en s'accrochant à un radeau, avec trois de ses amis. Il m'a raconté qu'ils avaient dérivé comme ça pendant des semaines. Et comme ils n'avaient rien à se mettre sous la dent, ils ont fini par manger l'un d'eux qui s'était ouvert les veines par désespoir. Eh bien il affirmait que, par la suite, de toute sa vie, il n'a plus jamais goûté de viande aussi savoureuse... Ca lui restait comme une espèce de nostalgie, tu vois ?"





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