Pour une pensée qui s'envolerait vers celui qui n'est plus...
Une vallée lointaine. Une vallée isolée...
Une vallée qui vit encore au rythme des saisons, reniant un mode de vie endiablé, se tenant éloignée des attraits qui pourraient attirer une certaine forme de tourisme calqué sur les saisons. Une vallée perchée sur son quant-à-soi, un peu rebelle mais tout en authenticité.
Une vallée dont les yeux et la bouche sont ces petites habitations disséminées dans le hameau, accrochées à la montagne, comme autant de points de suspension d'existences en sursis.
Une vallée qui vit au rythme de la nature, au son des trilles des passereaux, dans l'harmonie du vol des rapaces, dans le pépiement enjoué des messagers ailés qui annoncent le redoux.
Une vallée qui sait encore regarder, observer, un instant s'appesantir, sur la vision de ces hardes de cerfs et de biches qui se meuvent au fil des saisons, tantôt à découvert, tantôt sous la futaie, tantôt en brame, tantôt en silence pour que nul ne suppose où ils sont.
Une vallée peuplée d'être rivés à quelques terres, à quelques arbres, quand ce n'est pas à quelques souvenirs, des êtres en attente, en attente du déclin de cette vie qui se fait de plus en plus discrète, en attente du bouleversement qui fera que la vie rebondira pour s'éclairer d'étincelles d'espoirs en des lendemains plus cléments.
Ils sont nés là ou sont arrivés pour s'installer en quête de solitude et d'isolement...
Un peu à l'image des marionnettes que certains fabriquent au village, ils prennent vie dans un décor changeant, sous les gestes de ceux venus de loin qui ne visitent le hameau que pour en exploiter ses beautés. Ils sont intimement liés les uns aux autres comme si tous les fils qui devaient les mouvoir s'étaient emmêlés. Sans le savoir, ils avancent ensemble, vers un demain et un ailleurs qu'ils embellissent de leurs rêves sous le ciel qui leur sèment les étoiles comme autant d'éclats de possibilités de partage qu'eux seuls font exister ou resplendir.
Au coeur de ce hameau, aux coeurs de ces vies, un emblème brasille, un animal sacré veille sur eux et sur la vie qui palpite ici-bas : un vieux cerf que tous convoitent, certains pour juste l'apercevoir comme un signe d'une vie qui se ferait meilleure, autre, légitimée, et d'autres pour le trophée qu'il représente.
Comme ceux qui s'accrochent encore à ces prairies et à ces bois qui contiennent autant d'histoires qu'ils distillent de couleurs changeantes au fil de l'année, ce vieux cerf détient le trésor de la sagesse qui sait puiser dans la vie des autres et dans la rencontre, le feu qui permet à l'existence de s'embraser, l'élan qui permet aux esprits de se comprendre, le recul qui permet de voir sans juger et de s'en remettre à cette nature qui en sait bien plus long que l'homme sur ce qui devrait être...
Dans un texte qui est tout en poésie, dans une écriture presque enivrante comme la première neige qui annonce l'hiver,
André Bucher, nous conte quelques saisons d'une vie qui préfère la richesse d'un regard sur la nature, qui dit les bienfaits de se laisser porter par les éléments et cette faune toujours changeante, toujours renaissante, toujours en symbiose avec ces arbres et cette rivière qui murmurent ou fredonnent ce qui pourrait apparaître comme un guide de vie, ensemble.…
Comme un hommage à cet écrivain, à sa plume qui savait faire scintiller les mots, à ces phrases qui nous guidaient le regard...
Et dorénavant, une pensée pour lui et ses pages en entendant l'orage, on se redira cette dernière citation :
"(...) l'éclair c'est un renard aux dents qui brillent et qui vole la foudre - une poule tombée de son perchoir en plein rêve."