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EAN : 9782725633176
304 pages
Retz (28/08/2014)
4.83/5   3 notes
Résumé :
L'écriture est un processus de résolution de problèmes complexes et très lents : l'élève doit gérer à la fois l'orthographe, la graphie, la mise en page, l'ordre des idées, leur développement, leur pertinence, le choix des mots, de la syntaxe, le genre du texte, etc. Elle nous renseigne ainsi sur les divers calculs d'ordre cognitif, linguistique, psychologique, socio-affectif, identitaire mis en œuvre par le cerveau. Or il existe un double paradoxe étonnant au sein ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Compte-rendu des activités d'écriture mises en place et analysées sur le site.
Pour progresser en écriture, il faut s'entraîner à écrire, non à lire. La lecture développe des compétences en compréhension écrite, pas en expression écrite... Aujourd'hui, l'élève, que ce soit en classe ou à la maison, écrit de moins en moins (photocopies, internet, débats, vidéos, moins de devoirs à la maison)... L'écriture se limite finalement souvent au contrôle de connaissance (les démonstrations en sciences se sont amincies). Or, pour l'auteure, l'écriture devrait être AU CENTRE DE TOUS LES APPRENTISSAGES, en tant que premier outil de participation à la vie intellectuelle : condition d'une démocratie, et donc objectif premier de l'Education nationale, que chaque citoyen puisse "lire, écrire et se faire publier". L'acquisition d'une culture nationale, le repérage et la formation d'une élite, la préparation à la vie professionnelle doivent redevenir des objectifs secondaires (car fortement idéologiques, normalisateurs, peu motivants et destructeurs).
Dominique Bucheton opère ainsi un premier renversement, l'écriture vient d'abord, la lecture ensuite. du point de vue cognitif, c'est parce que l'élève sait écrire un mot qu'il le reconnaîtra (au lieu de le déchiffrer, stratégie lente et trop énergivore pour permettre une compréhension simultanée). En cela, elle rejoint les stratégies d'alphabétisation (l'adulte va commencer par reconnaître son nom dans un texte puis s'entraîne à écrire les mots qu'il utilise familièrement, puis les repère…), le français langue étrangère et seconde (où le travail d'expression est préalable à la réception) et même les pédagogies alternatives (c'est dans l'action qu'on apprend, la théorie vient par la suite). L'expression de soi, l'action intellectuelle, la participation au monde de la pensée deviennent les points les plus importants du processus d'apprentissage, et non plus la réception, l'acceptation et l'intégration de codes et savoirs existants. La lecture qui permet l'apport de nouvelles informations, un enrichissement, tout comme un support vidéo, visuel ou audio, l'apport technique (ce qu'on considérait autrefois comme le cours), les exercices, les discussions de classe, s'intègrent à la super-activité ayant un but d'expression, de participation au monde.
Le chapitre 17 ("lanceurs multiples et intermédiaires") est en cela représentatif des conceptions de l'auteure : si le thème est artistique (cours d'arts plastiques) et l'objectif pédagogique de comprendre un artiste et ses techniques, l'écriture est un outil de travail puissant qui n'a pas seulement pour but la production finale d'un texte (ou écrit oralisé). L'écriture réflexive permet de poser sur le papier des idées et intuitions, donc de les mettre à distance en les objectivant, puis de relativiser, de combiner, d'affiner sa pensée. C'est ainsi toute une série de micro-activités d'écriture qui peuvent émailler une séance et permettent à l'élève de s'exprimer et de structurer ses pensées et son discours par la même occasion. On écrit pour mieux penser.
Bucheton transpose l'attention pédagogique du travail fini (et noté) aux travaux intermédiaires : brouillons, plans, nuages de mots, premier jet, phase de correction, phase de relecture… le brouillon a longtemps été considéré comme un simple buvard contenant des tâches illisibles, indignes d'intérêt. Et si les professeurs demandaient aux élèves de faire un brouillon, c'était uniquement dans le but d'obtenir moins de ratures dans le travail final à évaluer. L'attention à cette première étape qui est à la fois mise au travail, introspection, combat contre l'auto-censure, essais de formulation, intuitions géniales… rappellera Antoine Albalat (Le Travail du style enseigné par les corrections manuscrites des grands écrivains, 1902) qui presque le premier s'intéresse aux brouillons des écrivains pour en tirer des leçons de « travail » de l'écriture. A un autre degré, la publication des Carnets de Zola, réunissant plans, résumés, premiers jets, fiches persos, croquis, études de terrain, entretiens, photos, extraits de journaux, propose presque une activité d'écriture décomposée. le brouillon est le premier pas de l'écriture, et il est fondamental.
Autre point est l'apport considérable de la méthode des ateliers d'écriture. Cette pratique apparue d'abord comme un outil de thérapie (cf. Et je nageais jusqu'à la page d'Elizabeth Bing, avec des enfants difficiles), et popularisée plus tard dans les quartiers (rap, slam), amène par son aspect "hors-école" les participants à se réconcilier avec la culture de la parole et de l'écriture, à surmonter les troubles et blocages personnels, à cultiver l'imagination et la créativité, mais elle demeure selon Bucheton mal adaptée à un cadre scolaire (nombre d'élèves, tissage à un programme, progression, conceptualisation et théorie qui sont les moyens de l'abstraction intellectuelle, délaissement des activités sérieuses et impersonnelles)… La plupart des activités d'écriture analysées dans l'ouvrage en reprennent certains éléments caractéristiques comme la liberté du premier jet (tout est accepté, fautes et mots familiers), rituels et espaces dédiés, les déclencheurs et astuces d'écriture (qu'on retrouve dans tout livre décrivant les ateliers), le partage au groupe (lecture de son écrit non fini), l'écoute des retours (feedback) et propositions qui vont inviter à une poursuite de l'écriture (continuation, modification, nouvelle écriture). le recours au mini-groupe d'écriture/lecture (4 ou 5) permet de retrouver les possibilités de publication et feedbacks personnalisés pour tous et de casser le face à face prof/élèves. le chapitre 15 ("atelier dirigé au CP") pousse la réflexion pour profiter encore davantage du dispositif atelier en classe : la résolution d'un problème d'écriture sera notamment accompagnée par une discussion de groupe sur les attentes, les solutions et aides possibles, les liens avec les outils et apports du cours… et par une avancée synchrone dans les diverses étapes, permettant des zooms et attentions particulières sur les gestes concrets adaptés.
Mais plus que tout, Dominique Bucheton insiste dans ses analyses d'activités de classe sur la question des "écritures longues" : totale réécriture du texte (le professeur par exemple ne rend pas le premier travail, et impose une nouvelle contrainte) et lente maturation du travail (un jour, une semaine parfois entre deux versions). C'est bien dans cette étape, celle qui paraîtra la plus inutile aux élèves et peut-être même aux professeurs (à quoi bon refaire un travail déjà à peu près abouti ?), que l'auteure place le plus grand potentiel de progression. Parce que, comme elle le remarque au chapitre 3 ("votre plus mauvais souvenir"), la seconde écriture, en plus de se faire plus facilement (allègement de la charge cognitive : le scripteur sait ce qu'il a à faire) et de consolider des outils en cours d'acquisition (apports vus pendant le cours), permet de mettre à distance les affects, donc de censurer les excès, de réordonner de manière logique, d'éliminer le futile, de renoncer aux positions de principe (provocation, identitaire), aux expressions faciles et séductrices (jeu de clins d'oeil aux autres élèves). Or, c'est bien là le point fondamental de l'écriture scolaire, clef de l'entrée dans la littératie : être capable de produire un discours froid et distancié (l'efficacité psychiatrique de l'atelier d'écriture se situe dans cette projection, objectivation de soi ou d'un trauma par l'écriture), discours calculé pour répondre à des contraintes et des objectifs donnés. C'est le discours de l'intellectuel, de la communication scientifique, à distinguer de l'oral spontané dirigé par l'affect (cf. le Parler ordinaire, de Labov), et de l'écrit demeurant trop souvent pour les élèves un simple enregistrement de la parole orale (Dans les niveaux avancés, on observe le surgissement de marqueurs d'oralité sans signification comme « Bas » pour « baaah (euh) » en début de phrase, témoignant de la persistance de l'usage de l'écrit comme encodage).
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
L'hétérogénéité discursive comme objectif, p. 43 :
C’est à partir du moment où les élèves entrent dans l’hétérogénéité discursive qu’ils entrent véritablement dans l’écriture, une écriture qui est utilisée comme mode de pensée sur des registres différents : raconter, mais aussi expliquer, commenter. [...]
L’hétérogénéité discursive est la capacité à circuler dans divers modes de dire – raconter, expliquer, décrire, commenter, etc. – pour exprimer une pensée plus complexe. Elle est une marque du développement des compétences de pensée et d’écriture. Elle est peu enseignée.
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Les Gestes d’étude, p. 204 :
Gérer son brouillon, avoir recours à un dictionnaire, à un correcteur orthographique, savoir et pouvoir se relire à haute voix, emprunter des idées, des citations, des mots, à des auteurs, etc. - demander conseil à un camarade, à l’enseignant, à ses parents, lire et évaluer le texte d’un pair, inventer un synopsis, interagir sur un blog, etc.
Ces gestes d’étude s’enseignent. Ils doivent devenir conscients chez les élèves et l’enseignant (« Dis-moi comment tu t’y prends pour relire ton texte »).
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L'importance du sens, p. 123 :
Considérer la dimension symbolique de l’écriture est à l’opposé de la traditionnelle séparation entre forme et contenus ; c’est chercher à considérer le jeu des interactions entre pensée, langage et sujet. Dans le codéveloppement de ces différentes dimensions, les contenus et les enjeux sont au premier plan et sont le moteur de l’engagement de l’élève dans son travail d’écriture. L’élève apprend à écrire parce qu’il a quelque chose à écrire, quelque chose qui ne se révèle à lui que dans le travail de l’écriture. Ce foyer central du sens, issu de tous les arrière-plans de son histoire, de ses savoirs, de ses désirs ou non de grandir, nourrit son écriture mais aussi lui échappe en partie, comme il échappe en partie à ses lecteurs. C’est cela précisément que l’on appelle la dimension symbolique de l’écriture.
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Le talent de raconter, p. 43 :
La mimésis du temps, c’est l’art même du récit : celui de faire vivre au lecteur le temps de la fiction, lui en faire ressentir la durée, les accélérations, les ellipses, retours en arrière ou projections en avant ; ou l’art de conduire plusieurs récits en parallèle. Un art et des compétences inscrits dans la culture de la parole. Conteurs ordinaires ou jeunes enfants y parviennent.
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L'écriture réflexive, p. 184 :
Le langage ne constitue pas seulement un moyen d’enregistrer et de communiquer les résultats du travail de la pensée ; une de ses fonctions essentielles est de rendre possible cette activité même, de lui permettre de se développer, de s’intensifier et de s’organiser. Les anglo-saxons utilisent l’expression : « critical thinking through writing » (Bizzel 1999). Faire parler, faire écrire dans la classe, c’est avant tout mettre les élèves en activité de manière particulièrement intense, leur permettre de réfléchir mais aussi d’apprendre plus efficacement et, parallèlement, de se construire comme sujets scolaires.
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