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EAN : 9782869300200
Payot et Rivages (08/01/2006)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Une idée habite ce livre comme elle habite les films de Wenders : le film a quelque chose à voir avec la vie, avec les angoisses et les espoirs des hommes ; le film enfin, est plus qu'un produit de l'industrie du divertissement — c'est le moyen de connaître l'état des choses au fil du temps.

« Buchka a réussi un essai brillant qui trouve son origine, à l'évidence, dans une profonde affinité spirituelle avec l’œuvre de Wenders et avec la position esthé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Voici la traduction française (publiée en 1986) d'un essai particulièrement "fouillé" de Peter BUCHKA, compatriote et ami de Wim Wenders ; fort de ses quatre premières parties de 1983, auxquelles s'ajouta la cinquième exclusivement consacrée en 1985 à "Paris, Texas", ses grandes richesses analytiques "se méritent", comme on dit... Notre amie Michfred vous l'a déjà présenté céans en 2015. Cet ouvrage ne vous sera certes pas d'un abord aussi aisé que peut l'être le très lyriquement descriptif mais également passionnant ouvrage grand format du cinéphile français Michel BOUJUT (dans son édition originelle de 1982, qui sera augmentée, elle aussi, d'un chapitre "Paris, Texas" en 1986) consacré lui aussi au cinéaste-chantre de l'errance et du voyage intérieur : Wim WENDERS, natif de Düsseldorf (Rhénanie du Nord-Westphalie) en 1945.

Tout comme "l'ami Boujut", Peter BUCHKA possède une très grande culture : cinématographique et littéraire, mais aussi - et c'est ce qui le distingue - philosophique et spécifiquement "germaniste". Quelqu'un qu'on qualifierait volontiers d' "intellectuel pur" : ses phrases sont longues et sinueuses mais leurs démonstrations assez implacables...

Grâce aux 90 photographies extraites de la pellicule cinématographique (dont on perçoit parfois "le très gros grain" charmeur des pellicules 16 mm) parsemant ces 200 pages de la version française due à Christophe Jouanlanne, les associations de ces images avec le texte (à l'appui de ses thèses) deviennent éloquentes, imposent des évidences et nous rappellent le charme des plans de ses six premiers court-métrages (réalisés de 1967 à 1970), de son unique moyen-métrage tourn pour la télévision ("Aus der Familie der Panzerchsen"/ "Die Insel" ou "La Famille Crocodile" / "L'île", 1974) et bien sûr, de ses inoubliables onze premiers longs-métrages (tournés de 1970 à 1984).

Un exemple ? La juxtaposition en vis-à-vis (quasi-pleine page) pages 68 et 69 de la reproduction noir-et-blanc du fameux tableau "Der Wanderer über dem Nebelmeer" /"Voyageur contemplant une mer de nuages" (1818), huile sur toile 94,4 × 74,8 cm de notre cher Caspar David FRIEDRICH (1774-1840), peintre dit "romantique allemand" [qui inspira quelques pages de notre "Grand Large" personnel & fictionnel de 2013] et du cliché noir et blanc extrait de la pellicule cinéma couleurs du plan final de "Falsche Bewegung"/"Faux Mouvement" (1975) de Wim WENDERS. Ce type d'intuition géniale et ce sens de l'observation extraordinaire rendent immédiatement proches deux personnages pareillement vus de dos et contemplant des splendeurs : pour le tableau, l'ami précocement disparu du peintre Friedrich contemplant dans les brumes le massif gréseux de l'Elbe avec à l'arrière-plan le Zirkelstein et le mont Rosenberg ou le mont Kaltenberg ; pour l'acteur du film, Rüdiger Vogler (interprétant le "moderne" apprenti-écrivain/dramaturge Wilhelm Meister de GOETHE, serré dans son trench-coat et valise à la main, faisant face au Zugspitze, point culminant de l'Allemagne situé au coeur de la Bavière alpestre.

La patrie de "Herr" Johann Wolfgang von GOETHE (1749-1832) quasi-disparue, décevante, souillée par la médiocrité des crimes planétaires du "Drittest Reich" ; si l'Allemagne défaite a dû renaître de ses cendres en 1945, soutenue par l'argent des Américains, le cinéma a lui-même a été l'objet du d'une renaissance "miraculeuse" (en tout cas inespérée) au début des années 1970.

Le Chapitre 1, "Evolutions", retrace tout le parcours artistique du cinéaste Wenders. L'aspect volontiers précaire (mais point) chaotique de la production, la constance de l'idée directrice - un être humain tente d'échapper à la gangue de sa "patrie" en s'improvisant voyageur : Hans (Hanns Zischler), fraîchement sorti de prison dans "Summer in the City" (1970)... l'assassin de circonstances Bloch (Arthur Brauss) errant dans "L'angoisse du Gardien de but au moment du pénalty"... La courageuse Hester Prynne (Senta Berger), portant fièrement la lettre de l'Adultère et bravant le puritanisme des villageois, s'évadant enfin avec sa fille Pearl au plan final de "la Lettre écarlate" (1972) dans cette très brillante et très fauchée adaptation en couleurs du roman de Nathaniel HAWTHORNE... L'apprenti-journaliste Philip Winter (Rüdiger Vogler) explorant en 1973 l'Amérique, armé d'un appareil-photo Polaroïd avant de devoir passer ses journées à retrouver les traces de la mère disparue (Lisa Kreuzer) puis sillonnant les ruelles de Wuppertal à la recherche de la maison qu'habitait la grand-mère de la jeune Alice (Yella Rottländer) d' "Alice in den Städten"/ "Alice dans les villes" (1973)... Wilhelm Meister (Rüdiger Vogler) mis doucement mais fermement à la porte de chez lui par sa mère dans leur ville si provinciale de Heide, mis en devoir de partir explorer l'Allemagne des années 1970 de "Falsche Bewegung"/ "Faux mouvement" (1974) sur un scénario de l'ami écrivain autrichien Peter HANDKE...

Le Chapitre 2, "Patrie naufragée", explore l'arrachement impossible aux liens de culpabilité qui s'impose à tous ces apprentis-voyageurs...

Le Chapitre 3, "L"énergie de la vie", fait la part belle aux tribulations des personnages inoubliables et désespérés de "Der Amerikanische Freund/ "L'ami américain" (1977) adapté du roman "Ripley's Game"/ Ripley s'amuse" (1974) de l'écrivaine américaine Patricia HIGHSMITH : l'encadreur leucémique Jonathan Zimmermann (Bruno Ganz), le trafiquant Tom Ripley (Dennis Hopper), l'épouse patiente Marianne Zimmermann (Lisa Kreuzer), le peintre new-yorkais faussement décédé Derwatt (Nicholas Ray), le gangster Minot (Gérard Blain)... Suivent les interrogations existentielles des membres de l'équipe de tournage "ensablée" à Sintra (Portugal) face à l'Atlantique et ses rêves (déçus) d'Amérique dans "Der Stand der Dinge" / "L'état des choses" (1982), distingué par une récompense festivalière (à Venise : "Lion d'Or"). On suit également de très près les quatre années (1978-1982) d'âpres luttes du cinéaste germano-européen suite à la "commande" du producteur Francis Ford COPPOLA, tenant tête à ce dernier pour finalement imposer sa vision personnelle de "Hammet" (histoire d'un détective employé par l'agence Pinkerton se lançant — tel un Wilhelm Meister qui aurait lutté plus âprement — dans une carrière d'écrivain de "romans noirs" autant que "policiers")...

Le Chapitre 4, "La force des signes" est une magistrale analyse de la sémiologie d'une esthétique cinématographique.

Le Chapitre 5 [additionnel], "La dimension nouvelle : Paris, Texas", traite longuement du tournant artistique que constitua dans la carrière déjà passionnante de W.W. son "Paris, Texas" (1984), dûment ponctué par la bande originale du maître-guitariste Ry Cooder et aussitôt couronné par une nouvelle récompense festivalière (à Cannes : "Palme d'Or").

Quoi qu'on pense de l'évolution future (à partir de 1986) de l'artiste, le "Wenders Nouveau" était donc advenu — celui qui deviendra l'artisan de la poésie en images de "Das Himmel über Berlin"/ "Les ailes du désir" en 1987, ... mais se rendra également responsable du calamiteux "Jusqu'au bout du monde" (1991) et de quelques autres pathétiques boursouflures ultérieures, sortes d'objets d'allure cinématographique, bavards et sentencieux... Il y eut encore au fil du temps (Dieu merci !) de très émouvantes réussites telles son nostalgique "Lisbon Story" (1994), sa fameuse redécouverte des artistes héritiers du "son" cubain dans "Buena Vista Social Club" (1999) et, en co-réalisation avec Juliano Ribeiro Salgado, "Le Sel de la Terre" (2014), hommage au travail exceptionnel du photographe Sebastião Salgado.

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Un essai un peu ancien mais toujours pertinent sur le grand cinéaste allemand, si discret et si profond, si sombre et si humaniste.

Documenté, plein d'éclairages littéraires, politiques ou cinématographiques intéressants. Pour revoir l'Ami américain ou Les Ailes du Désir...ou pour courir découvrir le Sel de la Terre -dont bien sûr cette monographie ne parle pas...
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Je suis las de mon existence d'esprit.

Je veux être maintenant et non plus depuis toujours et à jamais.

Ne plus côtoyer toutes les senteurs d'un monde impalpable et interdit.

Abolir un voyeurisme étouffant que l'on ne supporte plus.

Émerger d'un coma léthargique privé de véritables larmes ou de sourires que seuls les enfants perçoivent sans en définir le sens.

Un ange ne fait toujours que passer.

Cesser dans un état imaginaire de contempler la joie, la nostalgie ou la misère des autres dans une ville décolorée et poussiéreuse, accablée par le souvenir sombrant lentement dans ses interrogations et son mal de vivre.

Briser ma détresse ou je n'appartiens à rien ni à personne.

Être illuminé par le mouvement.

Sortir de ma virtualité ou tout n'est que solitude et abandon.

Partager la joie et la misère de ceux que je peux enfin soutenir et côtoyer.

Me blottir concrètement au creux d'une épaule sereine ou désespérée.

Conquérir une histoire dans l'espace et le temps.

Pour arriver à cela, il faut être mortel et se réaliser dans le seul concept susceptible d'entretenir la vie sans en définir la véritable chose en soi.

La thématique des sens et de leurs diversités, tonifiant un archange carbonisé par le désir et son impossibilité de le formater dans la réalité.

Préférant accepter sa mortalité en se tissant concrètement dans le nomadisme de ses contemporains et de leurs errances continuelles.

Les ailes du désir Wim Wenders 1987.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Cesare Pavese a décrit les lieux de l'enfance comme des lieux saints, parce qu'ils possèdent pour chaque homme l'aura de l'unicité de l'expérience individuelle. « Telle était l'origine des lieux sacrés. Et ainsi reviennent à la mémoire de chaque homme les lieux de son enfance, car s'associent à eux des événements qui en font des lieux uniques et les distinguent du reste du monde au moyen de ce sceau mythique ». (*)

(*) Cesare PAVESE, "Über Mythos, Symbol und anderes", in "Schriften zur Literatur", Düsseldorf, 1977, p. 329.

[Peter BUCHKA, "Wim Wenders", éd. Carl Hanser Verlag, 1983 ; Fischer Taschenbuch Verlag, 1985 (incluant le chapitre 5) - traduit de l'allemand par Christophe Jouanlanne, éditions Rivages (Paris), coll. "Rivages/Cinéma", 1986 - Chapitre 2 : "Patrie naufragée", page 35]
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Lorsque l’enfant était enfant,
Il marchait les bras ballants,
Il voulait que le ruisseau soit rivière
Et la rivière, fleuve,
Que cette flaque soit la mer.
Lorsque l’enfant était enfant,
Il ne savait pas qu’il était enfant,
Tout pour lui avait une âme
Et toutes les âmes étaient une.
Lorsque l’enfant était enfant,
Il n’avait d’opinion sur rien,
Il n’avait pas d’habitude
Il s’asseyait souvent en tailleur,
Démarrait en courant,
Avait une mèche rebelle,
Et ne faisait pas de mines quand on le photographiait.
Lorsque l’enfant était enfant, ce fut le temps des questions suivantes :
Pourquoi suis-je moi et pourquoi pas toi ?
Pourquoi suis-je ici et pourquoi pas là ?
Quand commence le temps et où finit l’espace ?
La vie sous le soleil n’est pas qu’un rêve ?
Ce que je vois, entend et sens, n’est-ce pas simplement l’apparence d’un monde devant le monde ?
Le mal existe t-il vraiment avec des gens qui sont vraiment les mauvais ?
Comment se fait-il que moi qui suis moi, avant de le devenir je ne l’étais pas, et qu’un jour moi qui suis moi, je ne serais plus ce moi que je suis ?
Lorsque l’enfant était enfant,
lui répugnaient les épinards, les petits pois, le riz au lait
et la purée de chou-fleur.
et maintenant il en mange même sans être obligé.
Lorsque l’enfant était enfant,
Les pommes et le pain suffisaient à le nourrir,
Et il en est toujours ainsi.
Lorsque l’enfant était enfant,
Les baies tombaient dans sa main comme seule tombent des baies,
Les noix fraîches lui irritaient la langue,
Et c’est toujours ainsi.
Sur chaque montagne, il avait le désir d’une montagne encore plus haute,
Et dans chaque ville, le désir d’une ville plus grande encore,
Et il en est toujours ainsi.
Dans l’arbre, il tendait les bras vers les cerises , exalté
Comme aujourd’hui encore,
Etait intimidé par les inconnus et il l’est toujours,
Il attendait la première neige et il l’attend toujours.
Lorsque l’enfant était enfant il a lancé un bâton contre un arbre, comme une lance,
Et elle y vibre toujours.
Peter Handke.
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Une force singulière pousse tous les personnages de Wenders vers le lieu de leur enfance, mais tous sont saisis par le même sentiment d'angoisse et de tristesse infinies, lorsqu'ils y sont réellement revenus: car ce qui aurait dû changer est demeuré aussi abîmé et mutilé qu'avant; ce qu'ils auraient voulu voir conservé s'est dégradé de la même façon que les cinémas ou a été brutalement refoulé et détruit par la logique utilitaire de la reconstruction; Toutes les retrouvailles avec les lieux de la jeunesse ne montrent que leurs aspects négatifs: ce qu'ils avaient espéré a disparu, ce qui leur avait fait peur est toujours là.
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