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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dire que j'y ai cru un instant ! Suis-je bête ?

“Le grondement se fit plus fort quand la bête s'avança dans la clairière, fixant Glass dans ses yeux noirs… »

Imaginez-vous tout seul au milieu de la forêt, un fusil Anstadt (un canon court appelé aussi “fusil à silex”) chargé avec une seule balle, pour terrasser ce monstre !

Aucune bête aussi féroce devant à quelques mètres seulement ! Un animal tout en muscles avec une bosse argentée caractéristique des …

Eh bien désolé, mais vous n'aurez pas la réponse à votre interrogation dans cette critique. En effet, cette bête féroce survient dans le début très prometteur du roman de Michael Punke : « le revenant » que je viens de démarrer.

Comprenez-moi bien! Avec un titre pareil et sans connaitre encore aucun livre de cet auteur américain, j'imaginais parfaitement cette scène terrifiante en pensant à ce livre.

Eh bien non ! Que nenni !

Notre bête de scène du roman d'Edward Bunker traîne son ombre dans une prison aux Etats-Unis depuis plus de huit années pour falsification de chèques. Mais demain, la bête humaine va enfin pouvoir sortir de sa cage !

Libérée sous conditionnelle, va-t-elle réussir à dompter son tuteur, un certain Rosenthal, qui certes n'est pas à la hauteur du tuteur de Lisbeth dans Millénium mais s'en rapproche coté sadisme?

Décidé à se comporter comme un citoyen lambda à sa sortie de prison, va-t-elle se décider à bosser comme une bête de somme sachant qu'elle doit obligatoirement informer son futur employeur de son statut ?

Ou au contraire, succombant à l'alcool, aux drogues, et à l'argent facile, va t-elle s'éclater comme une bête (avec toutes ses déclinaisons possibles que je vous laisse imaginer) ?

« Aucune bête aussi féroce » commence ainsi dans ce décor carcéral où Max Dembo va se devoir se confronter très prochainement à ce monde extérieur qu'il craint tant…

Dans une vraie fausse autobiographie, écrite en prison en 1973, le détenu et écrivain non reconnu encore Edward Bunker nous livre un roman remarquablement écrit et d'une force incroyable de réalisme et de dureté dans les quartiers de Los Angeles.

Digne de comparaison avec « de sang froid » ou « Crime » (appelé bizarrement sous le titre du film « le génie du mal » dans la quatrième de couverture), « Aucune bête aussi féroce » atteint les sommets du roman noir à l'image d'un grand Thompson qui aurait troqué son humour ravageur pour une froideur totalement assumée.

Après une telle lecture dont la dernière partie s'avère être d'une intensité extrême, il me sera impossible de ne pas succomber à la suite de la trilogie avec les autres romans « La Bête contre les murs » (Animal Factory) et « La Bête au ventre » (Little Blue Boy).

Attendant patiemment dans ma bibliothèque que les beaux jours arrivent, quelle belle (mais ô combien toujours difficile) sortie de Bunker en perspective !

Ps : après les dingues de saut perche, je ne voulais pas frustrer les fans de golf !
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Si Harlequin est le champion de l'Amûûr, on peut dire que "Aucune bête aussi féroce" est LE champion des bas-fonds et des vols à main-armée.

Max Dembo vient de sortir de prison, en liberté conditionnelle, s'entend. Il a vraiment envie de mener une vie honnête et de trouver un travail. Son désir est de tirer un trait sur son ancienne vie de braqueur et de faussaire.

Mais... Il n'est pas facile pour un ex-taulard de se dégotter un travail, surtout si on doit prévenir son employeur de son ancien statut.

Pas évident non plus quand votre responsable de conditionnelle vous tient la laisse un peu trop courte et le collier trop serré car il ne vous fait pas confiance.

Peut-être que s'il avait laissé un peu de mou dans la laisse, Max n'aurait pas replongé. Bien que...

Une chose est sûre : c'est son responsable de conditionnelle qui l'a poussé à la faute, le faisant replonger dans son ancienne vie.

Dans ce roman, écrit par un ancien taulard, on comprend que le monde n'est pas fait pour la réinsertion. Confrontés, dans le meilleurs des cas à l'indifférence ou, au pire, à l'hostilité ou la haine, les anciens détenus n'ont pas facile et on leur en demande beaucoup dès le départ. C'est ce qui est arrivé à Max.

Ce roman, c'est presque une autobiographie de l'auteur. Lui qui, jusque ses 40 ans, avait passé plus d'années en cabane que libre. Bref, il sait de quoi il nous parle, rendant par-là le récit plus vivant, plus vrai, plus profond.

Là, je viens de suivre la route d'un braqueur et de deux de ses amis, j'ai commis un cambriolage et deux braquages en leur compagnie et j'étais du côté des bandits.

Oui, Edward Bunker a réussi le coup de force de nous faire apprécier Max Dembo et ses deux complices. Et tout ça sans victimiser son personnage principal. Incroyable, mais vrai !

Pourtant, aucune concession, aucunes excuses, rien. Son écriture est d'un réalisme incroyable et nous plonge dans toute la férocité et la dureté de certains quartiers de Los Angeles.

Le langage est digne des bas-fonds, mêlé d'argot des criminels, des codes du milieu. Seul un ancien taulard pouvait nous en parler aussi bien tout en critiquant le système judiciaire Américain qui colle les anciens détenus dans des "cases" et ensuite prétend les comprendre.

Les comprendre ou les aider à se réinsérer ? Que nenni ! Pour le reste de la population, les années de détention des anciens repris de justice ne représentent pas une rédemption significative et valable. À leur sortie, ils seront traité en parias, les poussant à replonger dans le crime, créant par là même le problème que la société voulait éviter.

La société est parfois responsable... et se tire elle-même la balle dans le pied. En voulant éviter un problème, elle le crée de toute pièce.

Ce roman noir ne brille certainement pas par son action trépidante, mais ce n'est pas cela qu'on cherche ici. Par contre, il brille de par son analyse psychopathologique du criminel.

Si le rythme est lent, l'écriture est nerveuse, sans concession aucune pour le politiquement correct.

Ma rencontre avec Max Dembo me marquera durablement, lui qui voulait se reconstruire et auquel on n'a pas laissé la possibilité de le faire.

Lien : http://the-cannibal-lecteur...
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Ce polar est un choc. Edward Bunker est un génie.
Voilà les deux phrases qui me sont venues à l'esprit en refermant ce roman.
L'auteur nous narre le périple de Max Dembo, un ex-taulard tout frais de retour dans la civilisation. Il n'y a pas un seul mot de trop, Bunker nous prend aux tripes du début à la fin. J'ai d'ailleurs du mal à exprimer tout ce que j'ai ressenti lors de cette lecture tant elle est... renversante !
Mister Blue a sans nul doute un don incroyable pour raconter la prison. Rien de mieux qu'un malfrat repenti pour décrire le mal de la civilisation au pénitencier et l'irrépressible appel au crime une fois dehors. Si ce premier opus domine largement le reste de sa trilogie de la bête, les suivants sont de la même trempe et tout aussi stupéfiants.
Et, gage de qualité: l'immense James Ellroy a lui même avoué son admiration pour Bunker.
Je n'ai qu'un seul conseil à vous donner: jetez-vous dessus, c'est explosif, et c'est un bijou.
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Lecteur, quand tu auras lu ce roman, tu auras certainement une idée bien plus réelle de ce que c'est , une vie de malfrat en cavale.

Max Dembo, en sortant de prison, a essayé de se plier (pas longtemps) à une vie rangée. Mais être catalogué ancien taulard et être collé aux basques par un responsable de conditionnelle qui ne pratique pas la bienveillance, ça va vite le faire re-basculer du côté obscur de L.A.

Aucune complaisance, aucun jugement, juste un constat et le déroulement clinique d'une fatalité et d'une existence vouée au vol, à la prison, au soi-disant code des bandits. Ah oui, il y a aussi l'adrénaline, le frisson, l'excitation, la vie à 100 à l'heure.
Mais plus que tout, la solitude d'un homme.

Largement autobiographique, Edward Bunker s'est inspiré de ses années de prison et de voleur pour nous offrir ce roman, d'une force et d'une écriture inouïes.
Aucune bête aussi féroce c'est comme un coup de poing dans le bide : on a le souffle coupé et on a du mal à se relever. Une vraie belle découverte.
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L'avant-propos nous décrit le personnage. Ici, nous avons affaire à du lourd et ce que nous allons lire n'est pas uniquement de la fiction.
Max Dembo est libre, mais dans sa vie, ce n'est pas à la liberté qu'il a goûté le plus souvent.
La conditionnelle est là, et tant pis pour les potes qu'il laisse en prison, il va se racheter et vivre une vie comme (presque) tout un chacun.
Mais voilà, une fois confronté à la dure réalité de la vie en liberté (car en prison, le programme est nettement moins varié), son passé de truand de première catégorie finira vite par le rattraper. Que sait-il faire sinon braquer, escroquer, violenter, et j'en passe.
Edward Bunker nous livre ici un chef-d'oeuvre qu'il a réussi à peaufiner pendant ses années de captivité. le ton est juste, enfin pour l'époque ou est sorti le roman.
C'est la vie de taulard écrit par un taulard, et on comprend que l'expérience ne manque pas, jusqu'à nous faire éprouver de la sympathie pour Max Dembo, qui pourtant, est le genre de personnage qu'il n'est pas forcément nécessaire de croiser dans la vie de tous les jours.
Excellent, mon cher Edward, vous n'êtes plus de ce monde, mais je lirais vos autres romans.
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Pour ceux qui aiment le polar noir, ils vont être servis. Bunker est à son aise, on le sent, dans ce récit. Est-ce autobiographique ? Cela y ressemble. Ce qui est sûr c'est que l'univers carcéral, les "matons", les combines et la survie, Bunker connait. En revanche tout taulard n'est pas un écrivain de cette trempe, de ce talent, un écrivain véridique, avec un style énorme et varié selon les événements. le langage taulard, le langage flic, le langage de la rue, il connait, également.
Ce qui est étonnant et remarquable c'est que ses seules études sont la rue et la prison, on se demande, même, où il a appris à écrire et à lire.
Dembo, le personnage principal du bouquin, sort après huit ans de placard. Il est en conditionnelle. Son responsable de conditionnelle le conduit, par légèreté dans la traitance du dossier, à récidiver. La machine se met en route et, tel un rouleau compresseur, plus rien ne pourra l'arrêter. Dembo n'a qu'une règle ceux qui ne sont pas avec moi, sont contre moi. Et il vaut mieux être avec lui, sinon la bête enragée ne fait aucun cadeau, même à un ami si celui-ci faute. Il n'accorde pas de seconde chance. Il ne pense qu'à lui et toutes ses actions sont régies par cette ligne de conduite.
Les amis de ses amis sont ses amis, certes, mais la confiance est précaire, jamais entière. le réflexe d'autodéfense est omniprésent - je ne le laisserai pas faire ce qu'il souhaite, j'agirai avant, et tant pis, rien à foutre.
Dembo nous promène dans ce qu'il y a de pire, les camés, les paumés, les voleurs, les receleurs, la lie de la société, de motel minable en motel minable, de bagnole en épave, de braquage en braquage, d'amitié en défection, de vol en assassinat...Le tout dans un style royal d'écrivain de grande écriture flamboyante et inoubliable.

Ce bouquin est tout autant comparable, sinon plus intense que de sang froid de Capote ou le grand nulle part de Ellroy.

Inoubliable
Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Une référence pour Où vont les ténèbres.
Max Dembo a tout d'un sale type. Ancien détenu, drogué, zonard, braqueur, cogneur. Pourtant il est le héros de ce récit. On l'aime bien grâce à sa profonde humanité malgré les situations absurdes où il peut se trouver en regagnant la rue.
Une histoire, ou plutôt un témoignage personnel d'un ancien détenu incapable de se réinsérer dans la société. Réalité ou cauchemar ? On espère jusqu'au terme du récit qu'il trouve la rédemption tant souhaitée.
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Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Edward Bunker (1933-2005) était un voleur/braqueur ayant passé plus de la moitié de son existence dans les pénitenciers de Californie. Il trouva le chemin de la rédemption en devenant auteur, puis acteur, avec comme consécration ultime le rôle de Mr Blue dans le Reservoir Dogs de Tarantino (vous savez, le mec au cheveux longs et à la moustache jaunie).

Son premier roman, aucune bête aussi féroce, prend place dans le Los Angeles des années 70. Sorti de prison après 8 années passées à San Quentin pour faux chèques, Max Dembo, alter ego de Bunker, est libéré sous conditions. Son responsable de conditionnelle lui mène la vie dure et, malgré tous ses efforts, Max ne trouvera pas le chemin de la reinsertion. Il ne maîtrise pas les codes du monde du travail et de toute façon, qui voudrait d'un ex taulard pour surveiller sa caisse ?
Son CV, c'est dans les bas fonds de la Cité des Anges qu'il va le présenter. Max est prêt à reprendre du service auprès de ses anciens collègues : tenancier de boîte de nuit louche reconvertie dans le prêt de caution, Colosse ivrogne et dépravé, vieux junkie miséreux et femmes de petite vertue ...
On va dire que ceux là n'étaient pas vraiment candidats pour gagner un prix d'entreprise. Au milieu des ces loseurs resplendissants, Max va également renouer avec un braqueur de haute volée, pourtant rangé des voitures mais prêt à se remettre en selle. S'y ajoute un compère noir tout juste sorti de prison pour former un trio de choc, paré pour le "gros coup". La suite est un road movie plein d'action quelque part entre Heat, Pulp Fiction et Telma et Louise.

Assurément un grand bouquin, plein de réalisme et doté d'une vive analyse des comportements sociaux dans le monde de la voyoucratie. L'ambiance du L.A des 70' est palpable : couchers de soleil sur Palm Springs, réfléchissant la lumière violette sur les vielles batisses d'Hollywood, ruelles et cours intérieures délabrées, mais aussi paysage de désert, cabanes décrépites aux fins fonds des mesas, habitées par les oubliés de la société, drogués, alcooliques, depenaillés, élevant tant bien que mal des nuées d'enfants sans autre perspective d'avenir que la pauvreté et le crime.
Le rythme est parfaitement maîtrisé, l'action est digne des plus grands auteurs de polars. On en apprend beaucoup sur le mode de vie de la pègre californienne, l'organisation de mauvais coups et la survie en cavale.
On ne peut dire si tout est autobiographique mais le livre sent le vécu. Peut être un mélange d'expérience vécues et d'anecdotes glanées en prison.
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Une force inouïe pour un livre à part.
Je ne me remets pas de ce bouquin. J'ai l'impression d'avoir découvert (après tout le monde) un truc phénoménal, un monument.

Après avoir purgé une peine de huit ans dans la prison d'État de Folsom, Max Dembo est bien décidé à rester dans le droit chemin et à quitter son ancien mode de vie. Mais Max est un enfant du système et il va vite se rendre compte que la société l'a destiné à mener une vie de criminel.
L'auteur, Edward Bunker, connait très bien la prison. Il y a passé de nombreuses années et fait de nombreux séjours. Avec « Aucune bête aussi féroce » il nous offre une étude réaliste sur les pressions auxquelles sont confrontés les ex-détenus alors qu'ils tentent de négocier leur retour et sur la psychologie des criminels, c'est quasiment une réflexion sur les origines même du crime.

Totalement désenchanté et révolté, incisif, très consistant et merveilleusement écrit.
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Etoiles Notabénistes : ******

No Beast So Fierce
Traduction : Freddy Michalsky
Introduction : William Styron
Postface : James Ellroy

ISBN : 9782743637774

Edward Bunker est un auteur tout à fait à part en ce sens qu'il écrivit nombre de ses romans, dont celui-ci, qui allait le rendre célèbre et apparaît en général comme le premier d'une sorte de "trilogie" appelée "Trilogie de la Bête", alors qu'il se trouvait emprisonné au pénitencier de Saint-Quentin, l'un des plus "durs" des Etats-Unis. Il s'y lie avec Caryl Chessman et ce dernier l'encourage vivement dans ses rêves d'écriture. de toutes façons, quand on découvre sa prose, même traduite, on se rend compte que Bunker, qui connut dès ses quatre ans le monde épouvantable des orphelinats, des familles d'accueil et des centres de redressement, tout ce parcours chaotique parsemé de fugues qui l'amenèrent, bien entendu, à plonger très jeune dans le monde de la rue et de la délinquance, est un écrivain-né. Cet homme qui tira de si mauvaises cartes à sa naissance et qui, toute sa vie, devait demeurer en compte avec une société contre laquelle son premier (et seul) moyen d'expression fut la rébellion irréfléchie et systématique, avait aussi reçu le Don. Assez curieusement, la centrale de "Big Q." devait l'aider à le redécouvrir car il est impossible qu'il ne l'ait jamais senti auparavant frémir au bout de ses doigts.

"Aucune Bête Aussi Féroce" est donc un roman hybride, qui contient une bonne part d'autobiographie mais qui, dans la partie qui voit son héros, Maxwell Dembo, dit Max, se rejeter dans le crime, s'apparente incontestablement à un excellent roman noir. Ce qui frappe le plus le lecteur, avant toute chose semble-t-il, c'est la rare qualité du style, lorsque, à travers son personnage, l'auteur s'essaie, avec une sagesse et une profondeur qu'on saluera, à analyser le Système tout entier - et dont il reconnaît implicitement faire partie même s'il s'y trouvait, pratiquement dès le départ, dans l'un des coins les moins heureux. Cette qualité se maintient d'ailleurs tout au long du livre, en tous cas en ce qui concerne les réflexions de Max. Les dialogues sont évidemment plus vifs mais l'on se doute bien que, lorsqu'il se déplace parmi ses pairs, Dembo se doit d'utiliser leur langage qui n'est pourtant plus tout à fait le sien.

Ce qui surprend aussi, c'est le bon sens avec lequel ce révolté pur-sang réfléchit aux circonstances qui ont fait de lui un criminel. S'il ne fait pas de cadeaux à la société dans laquelle il est né pauvre et au milieu de la Grande Dépression, il ne donne jamais l'impression de prendre la chose pour justification de ses agissements. Il admet son caractère (une vraie tête de mule mais aussi quelqu'un de fier, le nier serait mentir, qui possède un code de l'honneur indéniable) comme un facteur qui n'a pas fait grand chose pour améliorer ses tendances à devenir un asocial. Ce qu'il demande aux gens qu'il rencontre, avant de le demander à nous, lecteurs, c'est de l'accepter tel qu'il est : avec ses qualités mais aussi avec ses défauts. Il leur demande aussi de le respecter et, à ceux, très rares, à qui il accorde sa confiance, de ne pas le trahir.

Ce ne sont là, ce me semble, qu'exigences de base, qui sont aussi plus ou moins les nôtres, et comme Bunker, pas plus que son personnage, ne cherche à imposer sa vision des choses, pas plus que son mode de vie, à autrui, comme il admet (et même recherche, le lecteur le perçoit très bien) une forme de dialogue, d'échange mutuel et constructif, il paraît légitime qu'on les lui accorde. Hélas ! nous le savons tous même si nous ne sommes pas tous passés par la prison, américaine ou pas : la Vie ne fonctionne pas comme ça.

En fait, la Vie a longuement refusé à Bunker la possibilité de s'exprimer autrement que par la révolte (contre la pauvreté notamment, puisque c'est elle qui est responsable de sa séparation d'avec ses parents) et par la marginalisation. Et, longtemps, cet être tourmenté, écorché vif très jeune et doublé d'une tête de bourrique, a fui toutes les occasions de souffler un moment et d'essayer quelque chose d'autre ... Et puis, une espèce de miracle s'est produit et ce miracle s'appelle :"Aucune Bête Aussi Féroce", la "Bête" désignant ici l'homme, vous l'aurez compris - pas seulement Max mais l'homme de façon générale.

La réflexion sur le milieu carcéral est d'un très haut niveau. Tout comme l'immanquable réflexion sur les barrières raciales - Bunker appartint d'ailleurs à la Fraternité Aryenne (comme Vernon Schillinger, interprété de façon remarquable par J. K. Simmons dans la mémorable série "Oz") - non seulement au moment où se déroule l'action du roman (dans les sixties) mais aussi pour l'avenir. Si Bunker n'indique en rien que Max se soit affilié lui aussi à ce genre de "gang" (très courant dans une prison où la majorité des détenus est afro-américaine), en revanche l'un des rares prisonniers que Max considère comme son ami alors qu'il s'apprête à quitter la prison, au tout début du roman (prisonnier qu'il aidera par la suite dans sa cavale et qui "tombera" malheureusement lors d'un braquage qui tournera mal), Aaron Billings, est de race noire. Très intelligent, ayant un faible accentué pour l'étude des mathématiques, Aaron est quelqu'un de posé, pour qui l'on se prend vite de sympathie. Cette indication sur les "amis" de Max permet d'ailleurs à Bunker de nous expliquer, de manière à la fois très simple et très réfléchie, sans haine aucune, comment et pourquoi cette barrière s'est installée entre les Blancs et les Noirs dans les pénitenciers, avec la violence terrible que l'on sait.

L'essentiel d'"Aucune Bête Aussi Féroce" repose d'ailleurs sur la réflexion. Certes, l'action - polar oblige - est aussi au rendez-vous : en gros, Max sort de prison, en conditionnelle, au bout de huit ans de détention (il est tombé pour une peccadille) et est bien résolu à adopter un mode de vie plus proche des normes que dans le passé ; mais, en dépit de ses efforts les plus sincères, sa personnalité, trop forte, se heurte à celle de son officier de conditionnelle, un certain Rosenthal, prototype du fonctionnaire règlement-règlement ; on se prend un temps à rêver d'ailleurs sur ce qu'il aurait pu advenir si ce Rosenthal avait été un peu plus large d'esprit et beaucoup plus psychologue ; enfin bref, poussé à bout, Max envoie tout promener et revient à la seule forme d'existence qu'il connaît et qu'il aime désormais car elle est pour lui comme une seconde peau qui le protège tout en lui promettant, tôt ou tard (et il le sait) une fin soit dans la rue, sous la balle d'un policier, soit en prison et peut-être même sur la chaise électrique ; au début, tout lui réussit (et - tant pis si je vous choque - on se rend compte que le braquage normal, c'est-à-dire sans balle perdue et sans dérapage sanglant, est aussi sérieux que tout autre métier) et puis, bien sûr, la roue tourne ... Une seule fois mais une seule trahison suffit dans ces cas-là ...

Sincèrement, "Aucune Bête Aussi Féroce" est un livre à lire. Comme un polar, soit. Mais aussi comme une sorte de roman initiatique ou un fragment d'autobiographie. Ce sont à mon sens ces deux derniers aspects qui confèrent à l'oeuvre toute sa puissance mais aussi sa profonde sincérité. Entendons-nous : Bunker ne se vante jamais et ne fait pas la retape pour son "métier". Il se raconte un peu, lui et son univers, parfois avec colère, parfois avec humour, non sans pudeur, mais toujours sans haine (il est assez habile pour laisser la haine, le besoin de révolte à tout prix, ces deux "chiens fous" de sa jeunesse, au Max que nous obtenons au final - et à ce qu'exige la phase polardeuse de livre) et, ce qui lui a sans doute été très précieux, trouve dans son récit un certain apaisement qui explose à la figure du lecteur parce que, en dépit de toutes ses dénégations antérieures, l'auteur reconnaît ainsi que, malgré tout, l'humanité a subsisté en lui.

Si vous recherchez le polar à l'état pur, ce livre vous laissera peut-être sur votre faim. Si vous demandez un peu plus de sophistication, alors là, vous serez servi. Un peu, c'est vrai, comme dans les meilleurs Ellroy, "Le Grand Nulle Part" entre autres ou "Un Tueur Sur La Route."

Quoi qu'il en soit, lisez "Aucune Bête Aussi Féroce" : en bonne logique, vous ne devriez pas le regretter. ;o=
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