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Freddy Michalski (Traducteur)William Styron (Préfacier, etc.)
EAN : 9782869305380
405 pages
Payot et Rivages (30/11/-1)
4.18/5   292 notes
Résumé :
Le discret Mister Blue de Reservoir Dogs eut une vie avant d'étaler son faciès vérolé sur le grand écran. Bunker, le bien nommé, était l'auteur d'un traité post carcéral sans égal publié en 1973 et alors épuisé outre-Atlantique.
L'une de ces vraies fausses autobiographies qui ne s'encombre d'aucune couenne littéraire. La chair, les os et les tripes suffisent à faire de ce roman noir un aller simple pour l'enfer d'une vie toute tracée dès le berceau.
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Critiques, Analyses et Avis (40) Voir plus Ajouter une critique
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Le changement, c'est maintenant !

C'est certainement ce qu'a du se dire ( furtivement ) Max Dembo lors de ses toutes premières secondes de liberté conditionnelle. Seulement voilà, dans conditionnelle, y a... conditionnelle. Etonnant, non ?
La seule contrainte, c'est désormais de pisser droit. A la moindre incartade relayée par son inestimable et ô combien sympathique et compréhensif responsable de conditionnelle, direction la case prison sans toucher 20000 balles.

Recette d'une reconversion réussie pour une personne :
- avec la régularité d'un métronome tu pointeras.
- un boulot digne de ce nom tu trouveras.
- la drogue et autre dérivatif du même acabit tu proscriras.
- tes anciens potes tu fuieras.
- ton quartier mal famé tu oublieras.
C'est ballot, à cinq recommandations près, il avait tout bon, le Max...

Edward Bunker écrit sur ce qu'il connait le mieux, le milieu carcéral qu'il pratiqua assidument.
Encensé par Ellroy, Aucune Bête Aussi Féroce fascine autant qu'il afflige.

Captivant de voir un mec tenter d'échapper à ce qu'il est viscéralement.
Accablant de le voir replonger à la vitesse d'un phacochère en plein vol.
Max possède l'ADN d'un cambrioleur, inutile de l'imaginer en honnête VRP pour alarme anti-vol.
Et quand le besoin pressant de flouze se fait sentir, chassez le naturel...

Rageur et désabusé, ce bouquin l'est, assurément.
Un lourd passé de taulard sur un cv long comme le bras et l'indifférence, dans le meilleur des cas, à défaut de crachat à la gueule en guise de pardon, ça aide pas forcément à vouloir se ranger des bagnoles.
Max la menace va replonger. Vite et bien. Un dernier coup avant de tirer sa révérence, vivant ou mort...

Bunker est un orfèvre. Il écrit de façon chirurgicale, disséquant l'âme humaine à l'instar d'un médecin légiste surdoué du scalpel.
Privilégiant définitivement la psychologie à l'action, Bunker y décrit un milieu gangréné par la misère, la violence et la drogue. Une voie sans autre échappatoire que de tenter régulièrement le diable histoire d'accéder enfin au paradis.

L'appétit de la bête est insatiable, la curiosité du lecteur également.
Un très grand bouquin !
4,5/5
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Avant de vous faire faire un tour d'horizon des bas-fonds de L.A, je tiens à remercier Blacksad qui a eu la gentillesse de me conseiller ce roman, grâce à lui j'ai fait une super découverte et j'en suis ravie.

Mais revenons à nos moutons et causons un peu de la bête. Max Dembo est tombé dans la marmite du crime quand il était petit. Cambriolages, drogues, magouilles, tout est bon a prendre pour rafler un peu de monnaie et mener grand train. Bref, vous l'aurez compris, Max Dembo n'est pas un enfant de coeur et il s'avère que son dernier gros coup va lui valoir un aller simple pour la vie de château, mais pas vraiment celle qu'il espérait... Allé mon petit Max, remballe tes gros dollars et tes fringues de kéké, pendant les huit prochaines années tu va porter du bleu et réfléchir un peu à l'ombre!
C'est d'ailleurs ce qu'il a fait le Max, réfléchir, et quand l'aubaine d'une liberté conditionnelle se présente, nous avons affaire à un homme décidé à changer pour devenir un citoyen bien sous tout rapports. Seulement, si les gens changent en prison, ils changent aussi à l'extérieur et une fois sorti de son trou, Max est désorienté. Pris dans le collimateur par Rosenthal, son responsable de conditionnelle qui est l'archétype même du sale bonhomme moralisateur et donneur de leçons, on peut déjà dire que le chemin de la rédemption sera pour Max semé d'embûches. L'étiquette d'ex-taulard lui colle au train partout ou il passe et il se voit dans l'obligation de reprendre contact avec ses anciens amis, tous des raclures végétant dans les bas-fonds de L.A . Quand Rosenthal va apprendre la façon dont Max "reprend" sa vie en main, il prépare à son détenu un petit coup pendable histoire de lui donner une leçon. Pour Max, qui est tiraillé entre son désir de s'améliorer et la facilité que lui offre son ancienne vie, cette injustice est la goutte d'eau qui fait déborder le vase et il n'en faudra pas plus, pour que la bête se réveille...

Ce premier volet de la trilogie de la Bête est surprenant. Roman noir axé sur la psychologie du détenu et les dessous de la prison, on sent qu'Edward Bunker, ancien taulard, a mis beaucoup de lui-même dans le personnage de Max Dembo. Ne vous attendez pas à énormément d'action, le gros point fort de l'ouvrage se trouve dans la vision qu'a Max Dembo de la société et de la machine judiciaire. Cette lecture nous montre l'autre face de la carte, et nous pousse à réfléchir sur les préjugés que l'on peut avoir concernant les criminels. Sans victimiser son protagoniste principal, l'auteur nous montre simplement que le regard des autres peut-être mortel et faire voler en éclat les motivations les plus tenaces. Pourquoi faire l'effort de se renier quand c'est si facile pour les autres de coller les gens dans des cases sans se prendre la tête à essayer de les comprendre... Je ne prends pas la défense des malfrats mais ce livre dénonce aussi comment les "bons" peuvent s'avérer être aussi pourris que les "mauvais" et dans cette jungle impitoyable, chacun défend son bifteck à sa manière. N'étant pas une experte en polars, j'ai néanmoins trouvé ce livre très fort et assez unique en son genre. J'ai hâte que les deux autres volumes de cette trilogie soient disponibles à la bibliothèque car ce premier volet m'a beaucoup plu. Si vous ne l'avez pas lu, je vous le conseille car vous risquez de vous régaler.
A lire !
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Dire que j'y ai cru un instant ! Suis-je bête ?

“Le grondement se fit plus fort quand la bête s'avança dans la clairière, fixant Glass dans ses yeux noirs… »

Imaginez-vous tout seul au milieu de la forêt, un fusil Anstadt (un canon court appelé aussi “fusil à silex”) chargé avec une seule balle, pour terrasser ce monstre !

Aucune bête aussi féroce devant à quelques mètres seulement ! Un animal tout en muscles avec une bosse argentée caractéristique des …

Eh bien désolé, mais vous n'aurez pas la réponse à votre interrogation dans cette critique. En effet, cette bête féroce survient dans le début très prometteur du roman de Michael Punke : « le revenant » que je viens de démarrer.

Comprenez-moi bien! Avec un titre pareil et sans connaitre encore aucun livre de cet auteur américain, j'imaginais parfaitement cette scène terrifiante en pensant à ce livre.

Eh bien non ! Que nenni !

Notre bête de scène du roman d'Edward Bunker traîne son ombre dans une prison aux Etats-Unis depuis plus de huit années pour falsification de chèques. Mais demain, la bête humaine va enfin pouvoir sortir de sa cage !

Libérée sous conditionnelle, va-t-elle réussir à dompter son tuteur, un certain Rosenthal, qui certes n'est pas à la hauteur du tuteur de Lisbeth dans Millénium mais s'en rapproche coté sadisme?

Décidé à se comporter comme un citoyen lambda à sa sortie de prison, va-t-elle se décider à bosser comme une bête de somme sachant qu'elle doit obligatoirement informer son futur employeur de son statut ?

Ou au contraire, succombant à l'alcool, aux drogues, et à l'argent facile, va t-elle s'éclater comme une bête (avec toutes ses déclinaisons possibles que je vous laisse imaginer) ?

« Aucune bête aussi féroce » commence ainsi dans ce décor carcéral où Max Dembo va se devoir se confronter très prochainement à ce monde extérieur qu'il craint tant…

Dans une vraie fausse autobiographie, écrite en prison en 1973, le détenu et écrivain non reconnu encore Edward Bunker nous livre un roman remarquablement écrit et d'une force incroyable de réalisme et de dureté dans les quartiers de Los Angeles.

Digne de comparaison avec « de sang froid » ou « Crime » (appelé bizarrement sous le titre du film « le génie du mal » dans la quatrième de couverture), « Aucune bête aussi féroce » atteint les sommets du roman noir à l'image d'un grand Thompson qui aurait troqué son humour ravageur pour une froideur totalement assumée.

Après une telle lecture dont la dernière partie s'avère être d'une intensité extrême, il me sera impossible de ne pas succomber à la suite de la trilogie avec les autres romans « La Bête contre les murs » (Animal Factory) et « La Bête au ventre » (Little Blue Boy).

Attendant patiemment dans ma bibliothèque que les beaux jours arrivent, quelle belle (mais ô combien toujours difficile) sortie de Bunker en perspective !

Ps : après les dingues de saut perche, je ne voulais pas frustrer les fans de golf !
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Si Harlequin est le champion de l'Amûûr, on peut dire que "Aucune bête aussi féroce" est LE champion des bas-fonds et des vols à main-armée.

Max Dembo vient de sortir de prison, en liberté conditionnelle, s'entend. Il a vraiment envie de mener une vie honnête et de trouver un travail. Son désir est de tirer un trait sur son ancienne vie de braqueur et de faussaire.

Mais... Il n'est pas facile pour un ex-taulard de se dégotter un travail, surtout si on doit prévenir son employeur de son ancien statut.

Pas évident non plus quand votre responsable de conditionnelle vous tient la laisse un peu trop courte et le collier trop serré car il ne vous fait pas confiance.

Peut-être que s'il avait laissé un peu de mou dans la laisse, Max n'aurait pas replongé. Bien que...

Une chose est sûre : c'est son responsable de conditionnelle qui l'a poussé à la faute, le faisant replonger dans son ancienne vie.

Dans ce roman, écrit par un ancien taulard, on comprend que le monde n'est pas fait pour la réinsertion. Confrontés, dans le meilleurs des cas à l'indifférence ou, au pire, à l'hostilité ou la haine, les anciens détenus n'ont pas facile et on leur en demande beaucoup dès le départ. C'est ce qui est arrivé à Max.

Ce roman, c'est presque une autobiographie de l'auteur. Lui qui, jusque ses 40 ans, avait passé plus d'années en cabane que libre. Bref, il sait de quoi il nous parle, rendant par-là le récit plus vivant, plus vrai, plus profond.

Là, je viens de suivre la route d'un braqueur et de deux de ses amis, j'ai commis un cambriolage et deux braquages en leur compagnie et j'étais du côté des bandits.

Oui, Edward Bunker a réussi le coup de force de nous faire apprécier Max Dembo et ses deux complices. Et tout ça sans victimiser son personnage principal. Incroyable, mais vrai !

Pourtant, aucune concession, aucunes excuses, rien. Son écriture est d'un réalisme incroyable et nous plonge dans toute la férocité et la dureté de certains quartiers de Los Angeles.

Le langage est digne des bas-fonds, mêlé d'argot des criminels, des codes du milieu. Seul un ancien taulard pouvait nous en parler aussi bien tout en critiquant le système judiciaire Américain qui colle les anciens détenus dans des "cases" et ensuite prétend les comprendre.

Les comprendre ou les aider à se réinsérer ? Que nenni ! Pour le reste de la population, les années de détention des anciens repris de justice ne représentent pas une rédemption significative et valable. À leur sortie, ils seront traité en parias, les poussant à replonger dans le crime, créant par là même le problème que la société voulait éviter.

La société est parfois responsable... et se tire elle-même la balle dans le pied. En voulant éviter un problème, elle le crée de toute pièce.

Ce roman noir ne brille certainement pas par son action trépidante, mais ce n'est pas cela qu'on cherche ici. Par contre, il brille de par son analyse psychopathologique du criminel.

Si le rythme est lent, l'écriture est nerveuse, sans concession aucune pour le politiquement correct.

Ma rencontre avec Max Dembo me marquera durablement, lui qui voulait se reconstruire et auquel on n'a pas laissé la possibilité de le faire.

Lien : http://the-cannibal-lecteur...
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Etoiles Notabénistes : ******

No Beast So Fierce
Traduction : Freddy Michalsky
Introduction : William Styron
Postface : James Ellroy

ISBN : 9782743637774

Edward Bunker est un auteur tout à fait à part en ce sens qu'il écrivit nombre de ses romans, dont celui-ci, qui allait le rendre célèbre et apparaît en général comme le premier d'une sorte de "trilogie" appelée "Trilogie de la Bête", alors qu'il se trouvait emprisonné au pénitencier de Saint-Quentin, l'un des plus "durs" des Etats-Unis. Il s'y lie avec Caryl Chessman et ce dernier l'encourage vivement dans ses rêves d'écriture. de toutes façons, quand on découvre sa prose, même traduite, on se rend compte que Bunker, qui connut dès ses quatre ans le monde épouvantable des orphelinats, des familles d'accueil et des centres de redressement, tout ce parcours chaotique parsemé de fugues qui l'amenèrent, bien entendu, à plonger très jeune dans le monde de la rue et de la délinquance, est un écrivain-né. Cet homme qui tira de si mauvaises cartes à sa naissance et qui, toute sa vie, devait demeurer en compte avec une société contre laquelle son premier (et seul) moyen d'expression fut la rébellion irréfléchie et systématique, avait aussi reçu le Don. Assez curieusement, la centrale de "Big Q." devait l'aider à le redécouvrir car il est impossible qu'il ne l'ait jamais senti auparavant frémir au bout de ses doigts.

"Aucune Bête Aussi Féroce" est donc un roman hybride, qui contient une bonne part d'autobiographie mais qui, dans la partie qui voit son héros, Maxwell Dembo, dit Max, se rejeter dans le crime, s'apparente incontestablement à un excellent roman noir. Ce qui frappe le plus le lecteur, avant toute chose semble-t-il, c'est la rare qualité du style, lorsque, à travers son personnage, l'auteur s'essaie, avec une sagesse et une profondeur qu'on saluera, à analyser le Système tout entier - et dont il reconnaît implicitement faire partie même s'il s'y trouvait, pratiquement dès le départ, dans l'un des coins les moins heureux. Cette qualité se maintient d'ailleurs tout au long du livre, en tous cas en ce qui concerne les réflexions de Max. Les dialogues sont évidemment plus vifs mais l'on se doute bien que, lorsqu'il se déplace parmi ses pairs, Dembo se doit d'utiliser leur langage qui n'est pourtant plus tout à fait le sien.

Ce qui surprend aussi, c'est le bon sens avec lequel ce révolté pur-sang réfléchit aux circonstances qui ont fait de lui un criminel. S'il ne fait pas de cadeaux à la société dans laquelle il est né pauvre et au milieu de la Grande Dépression, il ne donne jamais l'impression de prendre la chose pour justification de ses agissements. Il admet son caractère (une vraie tête de mule mais aussi quelqu'un de fier, le nier serait mentir, qui possède un code de l'honneur indéniable) comme un facteur qui n'a pas fait grand chose pour améliorer ses tendances à devenir un asocial. Ce qu'il demande aux gens qu'il rencontre, avant de le demander à nous, lecteurs, c'est de l'accepter tel qu'il est : avec ses qualités mais aussi avec ses défauts. Il leur demande aussi de le respecter et, à ceux, très rares, à qui il accorde sa confiance, de ne pas le trahir.

Ce ne sont là, ce me semble, qu'exigences de base, qui sont aussi plus ou moins les nôtres, et comme Bunker, pas plus que son personnage, ne cherche à imposer sa vision des choses, pas plus que son mode de vie, à autrui, comme il admet (et même recherche, le lecteur le perçoit très bien) une forme de dialogue, d'échange mutuel et constructif, il paraît légitime qu'on les lui accorde. Hélas ! nous le savons tous même si nous ne sommes pas tous passés par la prison, américaine ou pas : la Vie ne fonctionne pas comme ça.

En fait, la Vie a longuement refusé à Bunker la possibilité de s'exprimer autrement que par la révolte (contre la pauvreté notamment, puisque c'est elle qui est responsable de sa séparation d'avec ses parents) et par la marginalisation. Et, longtemps, cet être tourmenté, écorché vif très jeune et doublé d'une tête de bourrique, a fui toutes les occasions de souffler un moment et d'essayer quelque chose d'autre ... Et puis, une espèce de miracle s'est produit et ce miracle s'appelle :"Aucune Bête Aussi Féroce", la "Bête" désignant ici l'homme, vous l'aurez compris - pas seulement Max mais l'homme de façon générale.

La réflexion sur le milieu carcéral est d'un très haut niveau. Tout comme l'immanquable réflexion sur les barrières raciales - Bunker appartint d'ailleurs à la Fraternité Aryenne (comme Vernon Schillinger, interprété de façon remarquable par J. K. Simmons dans la mémorable série "Oz") - non seulement au moment où se déroule l'action du roman (dans les sixties) mais aussi pour l'avenir. Si Bunker n'indique en rien que Max se soit affilié lui aussi à ce genre de "gang" (très courant dans une prison où la majorité des détenus est afro-américaine), en revanche l'un des rares prisonniers que Max considère comme son ami alors qu'il s'apprête à quitter la prison, au tout début du roman (prisonnier qu'il aidera par la suite dans sa cavale et qui "tombera" malheureusement lors d'un braquage qui tournera mal), Aaron Billings, est de race noire. Très intelligent, ayant un faible accentué pour l'étude des mathématiques, Aaron est quelqu'un de posé, pour qui l'on se prend vite de sympathie. Cette indication sur les "amis" de Max permet d'ailleurs à Bunker de nous expliquer, de manière à la fois très simple et très réfléchie, sans haine aucune, comment et pourquoi cette barrière s'est installée entre les Blancs et les Noirs dans les pénitenciers, avec la violence terrible que l'on sait.

L'essentiel d'"Aucune Bête Aussi Féroce" repose d'ailleurs sur la réflexion. Certes, l'action - polar oblige - est aussi au rendez-vous : en gros, Max sort de prison, en conditionnelle, au bout de huit ans de détention (il est tombé pour une peccadille) et est bien résolu à adopter un mode de vie plus proche des normes que dans le passé ; mais, en dépit de ses efforts les plus sincères, sa personnalité, trop forte, se heurte à celle de son officier de conditionnelle, un certain Rosenthal, prototype du fonctionnaire règlement-règlement ; on se prend un temps à rêver d'ailleurs sur ce qu'il aurait pu advenir si ce Rosenthal avait été un peu plus large d'esprit et beaucoup plus psychologue ; enfin bref, poussé à bout, Max envoie tout promener et revient à la seule forme d'existence qu'il connaît et qu'il aime désormais car elle est pour lui comme une seconde peau qui le protège tout en lui promettant, tôt ou tard (et il le sait) une fin soit dans la rue, sous la balle d'un policier, soit en prison et peut-être même sur la chaise électrique ; au début, tout lui réussit (et - tant pis si je vous choque - on se rend compte que le braquage normal, c'est-à-dire sans balle perdue et sans dérapage sanglant, est aussi sérieux que tout autre métier) et puis, bien sûr, la roue tourne ... Une seule fois mais une seule trahison suffit dans ces cas-là ...

Sincèrement, "Aucune Bête Aussi Féroce" est un livre à lire. Comme un polar, soit. Mais aussi comme une sorte de roman initiatique ou un fragment d'autobiographie. Ce sont à mon sens ces deux derniers aspects qui confèrent à l'oeuvre toute sa puissance mais aussi sa profonde sincérité. Entendons-nous : Bunker ne se vante jamais et ne fait pas la retape pour son "métier". Il se raconte un peu, lui et son univers, parfois avec colère, parfois avec humour, non sans pudeur, mais toujours sans haine (il est assez habile pour laisser la haine, le besoin de révolte à tout prix, ces deux "chiens fous" de sa jeunesse, au Max que nous obtenons au final - et à ce qu'exige la phase polardeuse de livre) et, ce qui lui a sans doute été très précieux, trouve dans son récit un certain apaisement qui explose à la figure du lecteur parce que, en dépit de toutes ses dénégations antérieures, l'auteur reconnaît ainsi que, malgré tout, l'humanité a subsisté en lui.

Si vous recherchez le polar à l'état pur, ce livre vous laissera peut-être sur votre faim. Si vous demandez un peu plus de sophistication, alors là, vous serez servi. Un peu, c'est vrai, comme dans les meilleurs Ellroy, "Le Grand Nulle Part" entre autres ou "Un Tueur Sur La Route."

Quoi qu'il en soit, lisez "Aucune Bête Aussi Féroce" : en bonne logique, vous ne devriez pas le regretter. ;o=
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Citations et extraits (83) Voir plus Ajouter une citation
Mes lettres de demande d'emploi, pour sincères qu'elles étaient, masquaient l'entière vérité. Les visages auraient blêmi devant l'intégralité des faits dans leur brutalité. "Monsieur" songeai-je, "Auriez-vous un emploi disponible pour un cambrioleur saisonnier, arnaqueur, faussaire, et voleur de voitures? justifiant également d'une certaine expérience en tant que voleur à main armée, maquereau, tricheur professionnel, et autres petites choses. J'ai fumé la marie-jeanne à douze ans (dans les années quarante) et je me piquais à l'héroïne à seize. Je n'ai aucune expérience du LSD et de la méthédrine. Ils sont venus au goût du jour depuis mon emprisonnement. J'ai enculé de jeunes et jolis garçons ainsi que des homosexuels féminins (mais uniquement lorsque j'étais enfermé, privé de femmes). Dans le jargon des geôles, des prisons et des bas-fonds (certains bas-fonds très sélects), je suis un enfoiré capable de baiser sa mère. Pas vraiment en fait, puisque je ne me souviens pas de ma mère. Dans le monde qui est le mien, ce terme, dans l'emploi que j'en faisais, était la revendication orgueilleuse et vantarde d'être un démon en marche, aux réactions imprévisibles, scandaleuses et outrancières, un véritable virtuose du crime. Naturellement, le fait d'être un enfoiré dans ce monde-là fait de moi une raclure de poubelle dans le vôtre. Disposez-vous d'un emploi pour moi?"
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Ecoute un peu Max, dit-il. Ch'suis déjà passé par les merdes que tu traverses en ce moment - en esprit - jusqu'à ce que je décide de ne pas lutter contre le destin, et mon destin c'était d'être criminel et de passer les trois quarts de ma vie en prison. Peut-être que ton destin à toi est différent. Mais un jour, peut-être même demain, et peut-être bien d'ici vingt ans, quand t'auras cinquante balais, tu vas te rendre compte de ce que t'es, et ce que t'auras fait, ça n'aurait pas pu être très différent. Tu verras que la vie te commande de faire ça et pas autre chose, et quand tu seras au bout du chemin, quand le moment sera venu de faire le bilan, c'est ça que t'auras été, et pas autre chose, quoi que ça puisse être. L'espoir est encore devant toi - mais un jour il sera derrière toi.
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Il existe en toute chose un facteur X imprévu, mais dans le domaine du crime, il faut le réduire à un minimum. Il ne sert à rien de gagner pratiquement à tous les coups ; un unique échec annule toutes les victoires précédentes. La hardiesse, toutes choses bien considérées, était habituellement un atout - mais même l'audace devait se calculer avec une grande précision de sorte que ce qui donnait l'impression d'une inspiration téméraire du moment ne devait en fait rien au hasard.
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La société avait fait de moi ce que j'étais (et elle m'avait rejeté dans son ostracisme par peur de ce qu'elle avait crée) et je me complaisais à ce que j'étais. S'ils refusaient de me laisser vivre en paix, leur paix, je n'en voulais plus. (...) Qu'elle aille se faire foutre, la société ! La partie qu'elle jouait, qu'elle aille se faire foutre ! Et si les probabilités contre moi étaient immenses, ça aussi, ça pouvait aller se faire foutre !
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- Pauvre Jerry. Il donne tout ce qu'il a pour quelque chose qu'il va inévitablement perdre.
- Comme tout un chacun...tôt ou tard.
- Bouge plus, pense pas plus loin, arrête-toi là !
- Là où ?
- Sur toutes ces conneries de philosophie poids lourd. Je te parle d'ici et de maintenant et de toutes les choses quotidiennes et importantes grâce auxquelles les gens survivent. Si tu extrapoles tout - rien n'a plus d'importance.
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