On raconte qu'à sa mort le corps d'Alexandre VI devint tout noir, aussi noir que son âme, que son visage enfla, que sa langue, devenue énorme, remplit sa bouche grande ouverte, comme si, déjà, ce pape payait aux yeux du monde, avant même d'être porté en terre, le tribut de sa vie scandaleuse.
«Chacun disait qu'on n'avait rien vu de si horrible», note Burckard, le cérémoniaire du défunt, tenu à la réserve de sa fonction et qui n'en écrit jamais trop sur les frasques du pape et de sa progéniture,
De César et Lucrèce Borgia, son fils et sa fille, de Giulia Farnese, sa maîtresse.
Il faut lire entre les lignes pour sentir toute l'indignation contenue de ce serviteur de l'Eglise qui assiste, impuissant, au spectacle de la papauté vautrée dans la débauche.
Le «mal français», introduit, dit-on, par les troupes de Charles VIII et de Louis XII, fait des ravages parmi les cardinaux plus ardents à la compagnie des courtisanes qu'à la fréquentation des offices.
Le pape Alexandre n'est que l'arbre qui cache la forêt des moeurs dissolues et des assassinats inexpliqués.
Chef de l'Eglise, le Borgia est aussi chef temporel d'un territoire que lui disputent les princes italiens et le roi de France.
Le contexte politique lourd de ce temps-là, au noeud des XVe et XVIe siècles, se conjugue donc à la crise qui couve au sein de l'institution ecclésiale et que le pape croit étouffer en envoyant Savonarole sur le bûcher de Florence.
Ce n'est que partie remise. Des libelles commencent à circuler, comme celui que Burckard révèle en 1502 et qui annonce les foudres de Luther.
source : Lire
par
Daniel Bermond
Lire, septembre 2003
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