Voici enfin mon compte-rendu de ce roman, qui a gagné le Prix du livre gay 2020 dans la catégorie roman érotique et qui m'a été gracieusement fourni par les Éditions Clair de lune, que je voudrais saluer pour leur gentillesse constante, leur disponibilité et surtout leur excellent catalogue.
Ici, c'est l'histoire d'un jeune Parisien, bien sous tous rapports, fils unique d'une famille bourgeoise (on devine qu'ils n'ont jamais connu de problèmes de fins de mois), que le lecteur rencontre lorsqu'il est encore au lycée (je me corrige aussitôt – on remonte jusqu'aux années collège). Sympathique, facile à vivre, joli garçon, plutôt entouré, il connaît ses premiers émois avec un jeune garçon d'à peu près son âge avant de se mettre en couple avec la fille la plus en vue de son lycée, Mercedes. C'est avec elle qu'il va coucher pour la première fois ; quand il rompt finalement avec elle, il va s'inscrire sur un site de rencontres gays et tomber sur son premier vrai mec et possiblement son premier amour homosexuel, Nicolas.
Après la fin de cette relation s'ensuivent de nombreuses autres histoires, en France et en Espagne, qui nous font traverser les années d'études, les débuts de la vie professionnelle, et nous amènent à la trentaine du protagoniste, qui raconte ses exploits, ses hauts, ses bas, ses questionnements, ses angoisses, ses espoirs à la première personne (par ailleurs, son nom est-il cité à un moment dans le livre ? je ne saurai le dire…). Enfin, il rencontre un mannequin suédois, Ludvig, un être beau comme un ange tombé des cieux, éthéré, impassible à première vue, énigmatique, et qui pourrait être la fin d'une recherche du Prince Charmant qui a beaucoup fait réfléchir et souffrir notre héros.
De plusieurs choses une, d'emblée : ce roman m'a parfaitement envoûté, du début à la fin. Une plume alerte et fraîche, un récit construit par un pro des découpages et du rythme, aucune longueur, aucun temps mort. Pour être honnête, j'ai dû aller vérifier quel prix le livre a gagné au juste, car la catégorie « roman érotique » n'était pas évidente au premier coup d'oeil, pour moi. Oui, il y a du sexe, et plutôt deux fois qu'une. Mais à aucun moment, j'ai trouvé des descriptions affriolantes ou lourdes ou techniques. On est loin de
Catherine Millet et ses énumérations froides ou d'
Arthur Dreyfus et ses, euh, énumérations-fleuves (je ne peux pas encore m'exprimer sur le style, mais son livre qui est sur ma liste À lire, et je vais, je l'espère, le terminer d'ici mes 70 ans tellement il est volumineux…). On est loin aussi du simple livre de cul dont le but primaire serait de faire bander. Non, ici, tout est plutôt stylé, bien écrit, sans froideur, mais sans recherche d'un facile effet anatomique chez le lecteur. Très agréable, je dois dire, car plutôt frais et nouveau pour moi.
Que j'aie eu un temps d'hésitation quant à la catégorie vient du fait que, pour moi, le cul n'a donc pas primé, dans ce roman. Son sous-titre n'est-il pas L'Éducation sentimentale d'un jeune garçon du XXIe siècle, d'ailleurs ? C'est donc pour moi avant tout ça : l'histoire d'une maturation sentimentale, d'un apprentissage des sentiments, une découverte des attentes, maintes fois déçues, quant à l'être aimé qui nous compléterait (peut-être) et nous comblerait. Et ça, ça m'a happé, ça m'a parlé, malgré le fait que je ne voudrais peut-être pas être ami avec le protagoniste. Je ne l'ai pas tellement aimé, à vrai dire, c'est dire la force du récit, que j'ai beaucoup aimé, en revanche (notez que je ne pense pas qu'en tant qu'auteur(e), l'on soit forcément obligé(e) de présenter un narrateur ou une narratrice sympa).
Petit aparté : J'ajouterai peut-être « bourgeois » au sous-titre cité plus haut, qui en l'état fait croire à une universalité que le protagoniste ne saurait en aucun cas incarner. Il est tout à fait et exemplairement un rejeton de la moyenne, voire haute bourgeoisie. Les vrais soucis de fric, pour le dire de façon vulgaire, il ne les connaît pas vraiment. Les questions sociales sont, elles aussi, absentes de ses réflexions et de son monde (c'est un des apanages de la bourgeoisie de pouvoir faire abstraction de tout ce qui est social). Ça ne m'a pas dérangé, mais il vaut mieux le préciser. En tout état de cause, encore un très bon exemple de la production de Coeur de lune, un livre très agréable à lire, et un jeune auteur au très joli nom, qu'il faudrait retenir.
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