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EAN : 9782727401162
306 pages
Sindbad (01/01/1999)
4.42/5   6 notes
Résumé :
Voici une synthèse magistrale pour connaître et comprendre le rôle des arts en islam.

Titus Burckhardt part des principes généraux des arts islamiques : alliance de la pratique artistique et de la quête spirituelle ; « aniconisme », et non refus de l’image ; rôle fondamental de la langue arabe et de sa prédisposition à la calligraphie ; étude des formes et « alchimie de la lumière » ; génie de l’espace architectural (présenté ici à travers un choix d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
2021 Ce livre essaie de donner une vue synthétique de l'art de l'Islam dans ses principes et dans ses formes. L'étendue et la diversité de l'aire musulmane dans le monde ne peut que rendre un peu superficielle l'entreprise mais ce livre permet au non initié de découvrir les grands principes et certains aspects de la splendeur de cet art. le lecteur y est aidé par les superbes photographies de Roland Michaud. le texte est tout à fait accessible.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Lorsque le Prophète eut conquis La Mecque, il se rendit d’abord dans l’aire sacrée et accomplit, monté sur sa chamelle, la circumambulation autour de la Kaaba. Les Arabes païens avaient entouré le parvis d’une couronne de 360 idoles, nombre qui correspond aux jours de l’année lunaire. Le Prophète frappa ces idoles de sa canne et les abattit l’une après l’autre, tout en récitant le verset coranique : « La vérité est venue ; la vanité s’est évanouie ; certes, la vanité est évanescente » (XVII, 33). Puis, il se fit donner la clef de la Kaaba et y entra. Les parois intérieures étaient ornées de peintures exécutées par un artiste byzantin sur commande des seigneurs païens de La Mecque ; elles représentaient des scènes de la vie d’Abraham combinées à des coutumes idolâtres ; s’y trouvait aussi une image de la Sainte Vierge à l’Enfant. Le Prophète recouvrit cette image de ses deux mains et ordonna d’effacer toutes les autres. L’icône de la Vierge fut détruite plus tard par un incendie(1).

Le récit traditionnel indique le sens et la mesure de ce qu’on appelle, à tort, « l’iconoclasme musulman » et que nous préférons désigner par le terme d’« ani-conisme » : si la Kaaba est le cœur de l’homme, les idoles qui la peuplaient représentent les passions qui obsèdent le cœur et l’empêchent de se souvenir de Dieu. Dès lors, la destruction des idoles — et par extension le rejet de toute image susceptible de devenir une idole — est pour l’Islam la parabole la plus évidente de la « seule chose nécessaire », à savoir la purification du cœur en vue du tawhîd, du témoignage ou de la conscience qu’« il n’y a pas de divinité hormis Dieu ».

Une iconographie musulmane se superposerait à cet exemple et le rendrait inefficace. Ce qui prend la place de l’icône, en Islam, c’est l’écriture sacrée : elle est, pour ainsi dire, le corps visible du Verbe divin.

(1) D'après AI-Azraqi, auteur de la plus ancienne histoire de La Mecque. L’icône représentait la Sainte Vierge tenant l’Enfant sur les genoux. (pp. 22-23)
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La forme cubique est connexe de l’idée de centre, car elle est comme la synthèse cristalline de la totalité de l’espace, chacune des faces du cube correspondant à une des directions principales : le zénith, le nadir et les quatre points cardinaux (...) le centre du monde terrestre est le point que traverse l’« axe » du ciel : le rite de la circumambulation (tawâf), dont la Kaaba est l’objet et qui se retrouve, sous une forme ou sous une autre, dans la plupart des sanctuaires anciens, reproduit alors le mouvement circulaire autour de son axe polaire.
(...)
Le caractère « axial » de la Kaaba est toutefois affirmé par une légende musulmane bien connue, selon laquelle l’« ancienne maison », d’abord bâtie par Adam, puis détruite par le déluge et rebâtie par Abraham, se situe à l’extrémité inférieure d’un axe qui traverse tous les cieux; au niveau de chaque monde céleste un autre sanctuaire, visité par des anges, marque le même axe, le prototype suprême de tous ces sanctuaires étant le trône divin autour duquel évoluent les esprits célestes. Mais il serait plus juste de dire qu’ils évoluent à l’intérieur de celui-ci puisque le trône divin englobe toute la création.

Cette légende met en évidence le rapport qui existe entre « l’orientation » rituelle et l’Islam en tant que soumission ou abandon (islam) à la Volonté divine : le fait de s’orienter en priant vers un point unique, insaisissable comme tel mais situé sur terre et analogue, dans son unicité, au centre de tous les autres mondes, exprime bien l’intégration du vouloir humain dans le vouloir universel : « Et c’est vers Dieu que retournent les esprits » (Coran, III, 108) (...) la convergence de tous les gestes d’adoration en un seul point, cependant, ne devient apparente que dans la proximité de la Kaaba, lorsque la foule des croyants dans la prière commune se plie de tous côtés vers le centre unique; et il n’y a peut-être pas d’expression plus immédiatement perceptible de l’islâm(1).

(1) A l’intérieur de la Kaaba il n’y a plus d’« orientation » rituelle : la différence des directions convergentes est abolie et la tradition prophétique veut que l’on y récite quatre brèves oraisons en se dirigeant tour à tour vers les quatre côtés du sanctuaire. Ainsi, au centre spirituel du monde, les contrastes ou oppositions qui caractérisent ce dernier ne sont plus subis mais librement assumés. Selon une interprétation soufie, la Kaaba correspond au coeur, en tant que siège de la « Présence » divine, et le mouvement circulaire des pèlerins autour de la Kaaba rappelle le mouvement des pensées ou méditations qui évoluent sans cesse autour de l’insaisissable centre de l’âme. (pp. 19-20)
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Il est de mode de contester l’authenticité des hadîth préconisant le port du turban. Or, que la parole : « Le turban est la couronne de l’Islam » soit du Prophète ou non, elle exprime en tout cas l’intention inhérente à cet élément du costume masculin, élément qui affirme en même temps la majesté du croyant, « représentant de Dieu sur terre » et sa soumission (islam) à la volonté de Dieu. En milieu sémite, se couvrir la tête est toujours signe de crainte révérentielle, sans doute parce que l’exposer au soleil ardent équivaudrait symboliquement à l’exposer à la rigueur divine.
(...)
Le costume masculin des pays d’Islam tend à effacer les différences sociales, exception faite de certaines extravagances vestimentaires, qui émanent soit du raffinement des cours princières, soit au contraire de milieux d’ascètes en rupture avec le monde. Ces derniers peuvent d’ailleurs se référer à l’exemple du Prophète qui portait occasionnellement une robe faite de morceaux d’étoffe rapiécés.
(...)
L’art vestimentaire est un art essentiellement collectif ; il est donc soumis à des fluctuations et obéit plus ou moins à cette loi psychologique que mentionne déjà Ibn Khaldûn et qui veut que les peuples vaincus imitent les mœurs et les vêtements de leurs vainqueurs. Malgré cela, le vêtement musulman manifeste une telle continuité historique et géographique, que l’on doit le rapprocher de cette qualité positive de l'umma, la collectivité religieuse, qui a fait dire au Prophète : « Ma communauté ne sera jamais unanime dans l’erreur ».
(...)
On pourrait croire que le costume européen moderne a été inventé tout exprès pour détruire les formes de vie musulmanes : il rend difficiles les ablutions prescrites par le Coran et empêche directement, par ses plis rigides, les gestes et les positions de la prière canonique. S’il n’est pas dans son pouvoir de détruire la valeur intrinsèque de ces rites, il n’en amoindrit pas moins le rayonnement en leur associant son inévitable trivialité.

La morale inhérente au costume traditionnel de l’Islam est en somme celle-ci : le corps de l’homme, créé « selon la forme » de Dieu, est une sorte de révélation. Cela est vrai pour l’homme tel qu’il était avant sa chute, et qu’il est encore virtuellement, tout en portant sur lui les marques de sa déchéance, que seul l’amour pardonne. Il convient donc de voiler le corps, au moins partiellement, mais non pas de lui imposer des formes qui ne sont pas les siennes. En voilant le corps, on ne le nie pas mais on le relègue, comme l’or, dans le domaine des choses qui demeurent cachées aux yeux de la foule. (pp. 141-170)
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L’interdiction de l’image, en Islam, ne vise à rigoureusement parler que l’image de la divinité. Elle se situe donc dans la perspective du Décalogue ou, plus exactement, du monothéisme abrahamique que l’Islam entend renouveler : dans sa dernière comme dans sa première manifestation — au temps de Mohammed comme au temps d’Abraham — le monothéisme s’oppose directement au polythéisme idolâtre(1), de sorte que l’image plastique de la divinité se présente pour lui, selon une « dialectique » à la fois historique et divine, comme la marque de l’erreur qui « associe » le relatif à l’absolu, ou le créé à l’incréé, en rabaissant celui-ci à celui-là. La négation de l’idole, ou mieux encore sa destruction, est comme la traduction en termes concrets du témoignage fondamental de l’Islam : la formule Lâ ilâha illâ Allâh (« Il n’y a pas de divinité hormis Dieu »). Et, de même que ce témoignage, en Islam, domine tout ou consume tout à l’instar d’un feu purificateur, la négation de l’idole, effective ou virtuelle, tend à se généraliser : ainsi, l’on évite de représenter les envoyés divins (rusul), les prophètes (anbiya) et les saints (awliya), non seulement parce que leurs images pourraient devenir l’objet d’un culte idolâtre, mais aussi par respect de ce qu’il y a en eux d’inimitable. Ils sont les vice-régents de Dieu sur terre ; « Dieu créa Adam dans Sa forme » (parole du Prophète) et cette ressemblance de l’homme à Dieu devient en quelque sorte manifeste dans les prophètes et les saints, sans toutefois qu’on puisse la saisir sur le plan purement corporel. L’image inanimée et figée de l’homme divin ne serait qu’une coquille vide, une imposture, une idole.
(...)
En somme, l’aniconisme islamique comporte deux aspects : d’une part, il préserve la dignité primordiale de l’homme dont la forme faite « à l’image de Dieu »(2) ne sera ni imitée ni usurpée par une œuvre d’art, nécessairement limitée et unilatérale ; d’autre part, rien qui puisse devenir une « idole », ne serait-ce que d’une manière relative et toute provisoire, ne doit s’interposer entre l’homme et l’invisible présence de Dieu. Ce qui prime, en définitive, c’est le témoignage qu’il n’y a « pas de divinité hormis Dieu » ; il dissout toute objectivation du divin avant même qu’elle ait pu se produire.

(1) Ce n’est pas un pléonasme que de parler de « polythéisme idolâtre », ainsi que le montre l’exemple de l’hindouisme qui est polythéiste mais nullement idolâtre puisqu’il reconnaît à la fois la nature provisoire et symbolique des idoles et la relativité des « dieux » (devas) comme « aspects » de l’Absolu. Les ésotéristes musulmans, les soufis, comparent parfois les idoles à des Noms divins dont les païens auraient oublié la signification.

(2) Du point de vue islamique, la « forme divine » d’Adam est essentiellement constituée par les sept facultés universelles, que l’on attribue également à Dieu, à savoir : la vie, la connaissance, la volonté, la puissance, l’ouïe, la vue et la parole ; elles sont limitées en l’homme mais non en Dieu. Même attribuées à l’homme, elles ne sont pas visibles et dépassent sa forme corporelle qui, seule, peut être l’objet d’un art. (pp. 65-66 & 70)
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L’extraordinaire puissance normative de la langue arabe provient à la fois de son rôle de langue sacrée et de son caractère archaïque, ces deux choses étant du reste connexes : c’est son archaïsme qui prédestinait l’arabe au rôle de langue sacrée, et c’est la révélation coranique qui actualisa en quelque sorte sa substance primordiale. L’archaïsme, dans l’ordre linguistique, n’est d’ailleurs pas synonyme de simplicité structurale, bien au contraire : les langues s’appauvrissent généralement avec le temps, elles perdent peu à peu la richesse du vocabulaire, la faculté de varier les divers aspects d’une seule et même idée, ainsi que le pouvoir de synthèse et la faculté d’exprimer beaucoup de choses en peu de mots. Pour compenser cet appauvrissement, les langues modernes se compliquent sur le plan rhétorique ; elles gagnent peut-être en précision superficielle mais non pas en contenu. Les historiens des langues s’étonnent que l’arabe ait pu conserver une morphologie qu’atteste déjà le code d’Hammourabi, du XIXe ou du XVIIIe siècle avant l’ère chrétienne, et un phonétisme qui perpétue, à un son près, la très riche gamme sonore attestée par les plus anciens alphabets sémitiques retrouvés(1), et cela sans qu’une « tradition littéraire » fasse le pont entre cette lointaine époque des Patriarches et le temps où la révélation coranique devait à tout jamais fixer la langue.

L’explication de cette pérennité de l’arabe réside précisément dans le rôle conservateur du nomadisme : c’est dans les villes qu’une langue s’effrite ; elle s’use avec les choses et les institutions qu’elle désigne. Les nomades, qui vivent en quelque sorte hors du temps, conservent mieux leur langue ; elle représente du reste le seul trésor qu’ils puissent emporter avec eux dans leur vie pastorale ; le nomade garde jalousement son héritage linguistique, sa poésie et son art d’orateur.
(...)
La langue arabe comporte la possibilité de condenser toute une doctrine en une formule brève et concise comme un diamant. Cette possibilité expressive, il est vrai, n’est actualisée pleinement que dans le Coran ; elle n’en est pas moins congénitale de l’arabe et se reflète à sa manière dans l’art arabo-musulman, car celui-ci n’est pas seulement rythmique, il est aussi cristallin (...) affirmer que le Coran est de la poésie arabe, parce qu’il comporte des passages à rime monotone comme le rajaz bédouin, serait une erreur ; mais nier que ses monotonies et ses discontinuités abruptes ne correspondent pas profondément à l’âme arabe, en serait une autre (...) de même, l’état d’harmonie intérieure qu’engendrent les paroles et la magie sonore du Coran se situe sur un tout autre plan que la satisfaction que peut offrir, par exemple, la poésie parfaite. Le Coran ne satisfait pas, il donne et il enlève en même temps ; il élargit l’âme en lui prêtant des ailes, puis la terrasse et la dépouille. Pour le croyant, il est, tel un orage, réconfortant et purificateur à la fois. L’art purement humain n’a pas cette vertu. C’est dire qu’il n’existe pas de « style » coranique qui puisse être transposé tel quel dans l’art. Mais il existe un état d’âme que la récitation du Coran entretient, qui prédispose à certaines manifestations formelles et en exclut d’autres. Le diapason coranique allie toujours la nostalgie enivrante à la plus grande sobriété : rayonnement du soleil divin sur le désert humain.

(1) Les plus anciens alphabets sémitiques comptent 29 sons ou lettres, dont l’arabe a conservé 28, le son « perdu » étant une variante du s. Il se peut que la réduction de l’alphabet à 28 lettres traduise une intention symbolique, car certains auteurs arabes font correspondre les sons aux 28 mansions lunaires ; le cycle phonétique allant des gutturales aux palatales, dentales et labiales retrace les « phases lunaires » du son primordial émanant du soleil. (pp. 81-82, 88 & 90-91)
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