Les mères thaïes instillent une obéissance totale dans l’esprit de leurs enfants, une dépendance que même la mort ne peut briser. Tout le monde sait que, dans ses vieux jours, on peut bien plus compter sur un enfant mâle émotionnellement asservi que sur la Sécurité sociale.
Elle était de taille moyenne pour une Thaïe, un peu moins d’un mètre soixante, la trentaine approchant ou juste passée. Elle me semblait jolie, les traits légèrement accusés, mais sa personnalité frappait d’entrée, avant même qu’on ait eu le temps de s’interroger sur son sex-appeal. Même sans ses mignonnes lunettes à monture noire, pareilles à deux fenêtres miniatures éclaboussées de pluie, on devinait la petite rusée appartenant à la nouvelle génération de Thaïs.
Bizarre : terrorisme mis à part, un criminel recourt à la violence de la décapitation parce qu’il doit punir et détruire l’Autre, une projection de lui-même en somme, à qui il impute tout ce qui est allé de travers et continuera à le faire dans son monde tourmenté. Généralement, le visage est défiguré. Ici, non seulement il est intact, mais il ne présente aucun signe de traumatisme. Il est délicat, joliment modelé, la peau est mate, de grands yeux, le cou gracile, comme la tête dorée d’un bouddha en albâtre.
Rien ne vaut un bon petit meurtre pour servir de prétexte à une pause, donner l’occasion de bavarder un peu et s’offrir un en-cas. Aucun patron thaï ne serait insensible au point d’obliger ses employés à travailler sous la pression d’une telle curiosité, car le commérage est une force de la nature aussi indéniable que la gravité.
Un jour, quelqu’un écrira une thèse digne de louanges montrant pourquoi l’information d’origine proche est invariablement plus confuse que celle venue de loin. Dans une affaire dont l’épicentre est plus distant, je me serais attendu à des détails plus précis, à avoir en face de moi un informateur nommément désigné et des ordres clairs de mener l’enquête.
« Les Phénomènes ne sont pas porteurs de signes. »
Bouddha (corroboré par Ludwig Wittgenstein)