Citations sur Les empreintes du diable (12)
La seule chose qui compte, de toute façon, c'est le présent. C'est la seule chose qui compte, car le présent est la seule chose qui existe. La lumière. La mer. Le vent. Quel que soit le moment où on s'arrête pour regarder, il n'y a que le présent. Le présent dure toujours. p 200
C'est certainement ce qu'on entend par destinée, ce long, lent processus d'accumulation qui veut qu'un grain de sable après l'autre, un mot après l'autre, quelque chose devienne inévitable, sans que quiconque ait pu dire quand s'est produit le changement. p 90
Au bout d'un moment, je crois, l'école anesthésie la plupart des enfants - raison pour laquelle elle prépare si bien au monde du travail [...]
C'est l'un des grands moments d'une existence paisible : passer un moment dehors, dans le vent, puis rentrer et boire un thé. Accompagné de saucisses et de bacon croustillant, d'oeufs pochés, de pain grillé à la poêle, de haricots blancs. Savourer béatement la compagnie débonnaire d'aliments authentiquement malsains. Boire du thé dans une grande chope blanc cassé ou beige à la base ébréchée. Du thé fort, bien chaud, avec beaucoup de lait. Du ketchup. Les oeufs uniformément saupoudrés de poivre blanc finement moulu. Je pris mon temps pour avaler ce petit déjeuner, comme un condamné pourrait savourer son dernier repas. p 156
D'ailleurs, n'y a-t-il pas quelque chose de terrible, de terrifiant, dans le fait que, quand je repense aux morts et au cliché de la voiture incendiée, la première chose qui me vient à l'esprit, c'est que tout cela me sauva finalement d'un quotidien routinier d'angoisse vague et d'illusions banales ?
[...] lorsque le diable se met en besogne, il s'arrange pour que tout ait l'air d'un accident, du moins au début, afin de nous attirer un peu plus dans ses rets, protestant faiblement, quand encore nous protestons, mais complices consentants en fin de compte.
Moira Birni avait drogué ses deux fils avant de les conduire dans un chemin tranquille, près d’un site touristique, puis elle avait mis le feu à sa voiture, enfermée à l’intérieur avec ses deux garçons. Apparemment, personne ne savait pourquoi elle avait fait une chose pareille, mais les autorités en place n’avaient aucun doute sur sa culpabilité. L’unique question qui occupait tous les esprits était la suivante : comment une femme, une mère, avait-elle pu commettre un tel acte ? Et pourquoi n’avait-elle tué que ses fils et non sa fille de quatorze ans, abandonnée au beau milieu des champs, seule et terrorisée ?
« De temps à autre, je trouvais ma mère occupée à des travaux domestiques, en train de cuisiner ou de repriser, ou bien installée sur le palier, à côté de la grande fenêtre qui donnait sur la pointe, devant son chevalet, et je l’observais, témoin silencieux d’une existence qui était à mes yeux un complet mystère. (…) j’étais fasciné par le visage différent qu’elle avait, endormie. J’en étais à cette époque de la première adolescence où tout semblait n’être que gigantesques découvertes philosophiques : le fait que nous sommes foncièrement seuls, l’idée que nous ne nous voyons jamais tels que les autres nous perçoivent, la découverte des mensonges auxquels nous nous livrons, ceux dont nous nous berçons nous-mêmes, pour tenter en vain de tromper le temps, de tromper la mort. Tout est lié ; tout se tient, dans cette philosophie puérile : nous traversons l’existence dans un rêve, vivant une vie et en imaginant une autre, percevant notre propre voix comme personne d’autre ne la perçoit, nous contemplant de l’intérieur tel que jamais personne d’autre ne nous verra. » (…) (p. 97)
« L’autre caractéristique du mariage, c’est qu’il s’agit d’une histoire. Il faut continuellement y ajouter quelque nouvelle péripétie de temps à autre, une ligne par-ci, un paragraphe par-là, des chapitres entiers que les protagonistes, même s’ils ne restent pas jusqu’à la fin de la pièce, pourront toujours partager, indirectement, pendant qu’ils sont sur scène. » (p. 119)…
Nous traversons l'existence dans un rêve, vivant une vie et en imaginant une autre, percevant notre propre voix comme personne d'autre ne la perçoit, nous contemplant de l'intérieur tel que jamais personne d'autre ne nous verra.