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Éric H. Kahane (Traducteur)Gérard-Georges Lemaire (Préfacier, etc.)
EAN : 9782070422371
334 pages
Gallimard (31/03/2002)
3.43/5   709 notes
Résumé :
Auteur emblématique de la Beat Generation, William Burroughs a marqué de son empreinte sulfureuse la littérature américaine des années soixante. Le manuscrit du Festin nu est un tel fatras de notes éparpillées qu'aucun éditeur n'accepte de le publier, d'autant que le contenu est d'une obscénité rare et qu'il heurte à peu près tous les principes de bienséance. Ce n'est qu'avec l'aide de Jack Kerouac et d'Allen Ginsberg que Burroughs parviendra à en tirer une matière ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (56) Voir plus Ajouter une critique
3,43

sur 709 notes
Relecture.
William S. Burroughs écrit « le festin nu » entre 1954 et 1957 alors qu'il séjourne à Tanger. Il a fui les Etats-Unis où il a accidentellement tué son épouse, Joan Vollmer, lors du jeu de Guillaume Tell auquel ils se sont livrés, ivres-morts. Désespéré, l'auteur de « Junky » sombre dans la drogue sous toutes ses formes. Ses études de médecine en Autriche l'ont forcément aidé dans sa consommation et ses connaissances d'hallucinogènes, opiacés, cocaïne ou héroïne. C'est sous l'emprise de ces drogues qu'il décrit les situations entre réalité et fiction que vivent ses personnages imaginaires. Ce monde inventé, où les lois de la physique n'ont aucune influence, est l'alternative, échappatoire à son drame personnel, qui devient son quotidien, se mettant en scène lui-même par l'entremise de ses chimériques héros.
Il s'affranchit de toute cohérence, s'autorise toutes les libertés de langage et de construction. « le festin nu » est une expérience stylistique nouvelle, celle du « cut-up » qu'il met au point avec son ami Bryon Gysin. Sous les encouragements de Kerouac et de Ginsberg, il reprend ses notes et les réassemble dans ce qui constituera le manuscrit qu'il titrera « Interzone » dans un premier temps, mais dont Kerouac suggèrera le titre définitif « le festin nu ».
« Interzone » est pour Burroughs le pays fantastique où évolue son monde interlope, c'est son Atlantide, c'est le Tanger des années 50. C'est aussi le territoire de toute les expériences chimico-médicamenteuses, de tous les fantasmes, de toutes les extrémités sexuelles, des performances démentielles, le terrain de jeu où son homosexualité toxique se répand et où sa démence maitrisée invente un courant littéraire à l'origine de ce qui sera la beat génération.
Il est presque impossible de classer l'oeuvre de Burroughs dans une catégorie. L'intemporalité du « festin nu », le caractère expérimental de la démarche pourrait placer le manuscrit entre roman de science-fiction, d'anticipation et fantastique.
Ainsi qu'il l'écrit : « le festin nu est un bleu, un Manuel de Bricolage… Rut noir d'insecte découvrant le paysage infini d'autres planètes… concepts abstraits, aussi nus qu'une formule algébrique, qui se réduisent à un étron noirci, à une paire de cojones vieillissantes… livre de recettes, traité du savoir-faire qui étend l'expérience à d'autres niveaux, à d'autres plans, portes ouvertes au fond d'un couloir immense… des portes qui n'ouvrent que sur le silence… le festin nu exige du lecteur un Silence absolu sans quoi il n'entendra que son propre pouls…»
L'absence d'histoire, les verbigérations de l'auteur, énurésie verbale, sont particulièrement déstabilisantes si l'on ne tient pas compte de la genèse de l'ouvrage, de la vie de l'auteur et de sa démarche. Résumer les écrits de Burroughs aux simples délires d'un drogué sous emprise serait bien trop réducteur et immature. Burroughs est un poète maudit. Même si la provocation est son arme maitresse pour pourfendre la bienpensance, la qualité immense de son écriture fait du « festin nu » un monument de la littérature contemporaine et une référence dans l'invention d'un style. le lecteur ne peut qu'être ensorcelé par cet univers glauque. La vision de l'auteur ne s'égare jamais à faire l'apologie de la drogue, bien au contraire, elle ouvre la voie sur une autre compréhension de l'environnement, la photographie aux rayon X des caractères déviants et enfouis d'individus banals, leurs interactions rêvées, fantasmées. William S. Burroughs écorche, trépane ses personnages et observe les mécanismes psychologiques qui les animent.
Sous sa plume, le Verbe est magnifié, aucun espace pour le moindre ersatz de vulgarité (ou presque), la douce mélodie de la petite horreur quotidienne du camé transporte le lecteur au pays des mille et une extases surréalistes.
Traduction d'Éric Kahane.
Editions Gallimard, Folio, 335 pages.
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Le festin nu est assurément atypique. Écrit sous influence de la drogue, ce livre rassemble des morceaux de récits inachevés, mêlant débauche homosexuelle, délires psychédéliques, critiques politiques et craintes paranoïaques.

Difficile de prétendre comprendre quoi que ce soit. On a affaire à de l'écriture automatique, et l'auteur lui-même avoue ne pas se souvenir d'avoir pu écrire tout ça. Malgré tout, ces textes font forte impression : on s'amuse, on est pris de vertige, on plonge dans l'enfer que vivent les dépendants.

Lire le festin nu est une expérience étrange, à tenter pour les curieux. Prenez une bonne respiration, plongez-y et laissez-vous porter où l'auteur le souhaite sans vous poser de questions.
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Comme le dit un lecteur babeliote, ce ne sont pas les divagations et les délires d'un drogué. C'est beaucoup plus que cela. Le Festin nu est un monde à lui tout seul. C'est l'émanation d'un esprit hors norme. Tout y passe. Il serait vain de vouloir expliquer et énumérer tout ce qui se passe dans ce livre. Dans la droite ligne de ses amis Ginsberg et Kerouac, grâce à qui ce livre a pu être publié, ces écrivains de la contre-culture américaine, dont Burroughs a d'ailleurs toujours voulu se démarquer. Il reniait ses amis de la Beat Generation. Pourtant, le lien est indéniable. Il s'agit de bousculer les valeurs conformistes bourgeoises, dont il était lui-même issu. Cependant, ce n'est vraiment pas facile à suivre. Parfois, on ne sait même pas ce qu'on lit. Pas beaucoup de liens entre les chapitres, style décousu. C'est macabre à souhait. Complètement déroutant. J'ai tenu jusqu'aux deux tiers du livre, le reste en diagonale puis arrêt. Je me suis senti complètement perdu. Dans un ailleurs qui ne me correspond pas. Mais il faut vraiment tenter de lire ce livre, au moins pour savoir qu'une telle écriture existe !
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Au début, j'ai rien compris à l'histoire. A la fin non plus d'ailleurs. Mais je me suis laissée porter quand même sans chercher à m'accrocher au fil des personnages. Si je ne suis pas physionomiste, c'est sans doute pour une bonne raison.


C'est un livre destiné à narrer la vie des camés, commencé d'écrire le jour où William Burroughs s'estima guéri de ses addictions. Il dit ça sans doute pour rigoler parce que comme il décrit ce monde, on voit bien qu'il lui tient à coeur, on voit bien qu'il l'aime encore, qu'il le regrette. On ne décrirait pas le monde des camés d'une manière aussi attachante et exaltée si on ne l'aimait pas.


Le Festin nu, avant d'être un livre pour moi, c'était un film de David Cronenberg dans sa période dégueulasse. J'aimais bien cette période, avant qu'il se mette à faire des films comme « History of violence », « A dangerous method » ou « Cosmopolis » (qui sont bien quand même mais ça ressemble davantage à du n'importe quoi d'autre). Comme pour le livre, je n'avais rien compris au film mais j'aimais les passages de cul bizarres et dérangeants bien plus excitants que dans les films pornographiques où on sait toujours ce qui va se passer puisqu'en général, c'est déjà indiqué dans le titre, les passages de monstruosité organique, d'inconfort physique, de miracles coïtaux, tout ça construisant un monde de sensations hurlantes.


« Les changements physiques furent lents au début, puis tout se précipita, explosa en détritus noirâtres qui coulaient au fond de sa chair amollie, effaçant toute forme humaine… Dans la nuit absolue de la réclusion, la bouche et les yeux ne font plus qu'un organe qui déchiquette l'air de ses dents transparentes… mais les organes perdent toute constance, qu'il s'agisse de leur emplacement ou de leur fonction… des organes sexuels apparaissent un peu partout… des anus jaillissent, s'ouvrent pour déféquer puis se referment… l'organisme tout entier change de texture et de couleur, variations allotropiques réglées au dixième de seconde. »


S'il n'y a rien à comprendre à ce livre alors j'ai tout compris. Ne retenez pas l'essentiel, vous feriez fausse route.
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Burroughs (William S.) : Petit fils de William Seward Burroughs I, l'inventeur de la machine à écrire, William S. Burroughs est, avec Allen Ginsberg et Jack Kerouac, l'un des membres fondateurs de la Beat Génération, avec Jack Kerouac et Allen Ginsberg, amateur d'armes en tous genres (blanches, contendantes mais surtout les armes à feu), William Burroughs, également connu sous le nom Bill Lee, son avatar littéraire, c'est un auteur américain connu pour sa créativité originale et subversive, principalement dans domaine de la, littérature et des arts divers comme le cinéma, la musique et les enregistrements sonore.
Voir : Beat Generation et Cut up et Shotgun Art
Sa vie a été chaotique, un peu comme une succession de vacillements et de trébuchements gracieux. Parmi les événements tragiques, il tue accidentellement sa femme d'une balle dans la tête, en 1951, en voulant exercer un exercice d'adresse, en état d'ivresse avancée, en tirant sur un verre posé sur sa tête. Il a séjourné au Maghreb, à Tanger, à Paris (un hôtel miteux rue Gît-le-Coeur, surnommé le Beat-Hotel), au Mexique, à New York, à Londres et un peu partout où sa vie le conduisait.
Voir : Beat Hotel
Il a tantôt été détective, en relation avec la pègre new-yorkaise, exterminateur de nuisibles, avant d'attaquer franchement sa carrière artistique d'écrivain, principalement, mais aussi dans de nombreux domaines. Il est à noter que sa collaboration avec Brion Gysing
Cet auteur provocateur en est venu à la conclusion, rendue publique par un essai, que c'est les opiacés qui l'ont rendus plus résistant et lui ont permis de vivre mieux. Il prétendait que les modifications internes de son organismes générés par les prises de substances et les états de manque l'ont renforcé et lui ont permis une vie longue et en relativement bonne santé, même à son plus vieil âge.
Voir : Opium, Pavot, Héroïne
Sa bibliographie est trop énorme et bourrée de collaborations pour tout détailler. Nnous noterons ici les plus importants de ses ouvrages

Junky – Les lettres du Yage
– le Métro Blanc – La Machine folle
Le Festin nu – le ticket qui explosa
– Dead Finger Ker – Oeuvres croisées
– La Cité de la Nuit Ecarlate – Interzone
L'Ombre d'une Chance – Mon Education
Queer – Terres Occidentales
Exterminateurle Porte-lame

NOTE : Son premier ouvrage, "Junky", devrait être lu par le personnel soignant de tous les services hospitaliers spécialisés en addictologie : c'est une véritable bible en matière de consommation, de vente et de transport des substances illicites, principalement l'héroïne est certains opiacés. Y sont décrites les magouilles, moyens de planquer, de passer de la came depuis l'extérieur dans un milieu fermé. Mais aussi les signaux corporels typiques de la prise de produits et/ou de l'état de manque et d'overdose sous toutes leurs formes.

Dans le domaine de la musique, ce personnage mythique a collaboré avec certains musiciens, engendrant des projets magnifiques dans lesquels la voix de Burroughs, à la signature unique, est mise avant. Voici une liste des principales collaborations mais également de certains enregistrements vocaux sans musique, dont certains dans des labels légendaires comme Shandar, Fresh Sound, Ronald Feldmann Fine Arts, Sub Rosa.

William BURROUGHS "Dead City Radio" *
Kurt COBAIN & W. BURROUGHS "The Priest they call him"
MINISTRY & W. BURROUGHS "Just one Fix"
MINISTRY & W. BURROUGHS "Quick Fix”
Tom WAIT & W. BURROUGHS "T'Aint no Sick"
Iggy POP & W. BURROUGHS "The Western Lands"
John GIORNO & W. BURROUGS "Giorno Poetry Systems" **
John GIORNO & W. BURROUGS "The best of Burroughs” **
R.E.M. & W. BURROUGHS "Star me Kitten"
MATERIAL & W. BURROUGHS "Words of Advice"
MATERIAL & W. BURROUGHS "Seven Souls"
Laurie ANDERSON & W. BURROUGHS "Home of the Brave"
Laurie ANDERSON & W. BURROUGHS "Sharkey's Night"
Laurie ANDERSON & W. BURROUGHS "Big Science"
Gus VAN SANT & W. BURROUGHS "The Elvis of Letters"
T.O & William BURROUGS "Berlin/Cut-up" (2014 – Post Mortem)
William BURROUGHS "Call me Burroughs"
William BURROUGHS "Break Through In Grey Room"
William BURROUGHS "Revolutions per Minute"
William BURROUGHS "Old Lady Sloan”

Ghislain GILBERTI
"Dictionnaire de l'Académie Nada"
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Citations et extraits (86) Voir plus Ajouter une citation
Bouddha ? Un camé métabolique, tout le monde te le dira... Il fabrique sa blanche lui-même, vois-tu ? Aux Indes, ils ont pas la notion du temps, le Camelot a des fois un mois de retard et plus... « Voyons voir, c’est-il la deuxième ou la troisième mousson ? C’est que j’ai rancart à Ketchupore à peu près plus ou moins dans ces eaux-là. » Tu vois tous les camés qui poireautent dans la position du lotus, ils bavent par terre en guettant l’arrivée du Camelot... Et Bouddha part en bombe :
— J’en ai plein les sandales... Nom de Dieu, je vais métaboliser ma propre came.
— Fais pas ça, camarade, tu vas avoir le fisc sur le dos.
— Mon cul, oui ! J’ai trouvé le joint, vise un peu : me voilà passé Saint Homme à partir de tout de suite.
— Merde alors, ça c’est la belle combine !
— Oui, mais voilà, sur tous les citoyens qui viennent s’inscrire à la Nouvelle Religion, il y en a qui déconnent que c’est à peine croyable. Des frénétiques, ils savent pas se tenir. Ils ont pas de classe, quoi... Du reste, ils se feraient lyncher que ça m’étonnerait pas, le public aime pas voir des types la ramener avec des airs d’être plus vertueux que les autres... « Et alors quoi, Boubou, on emmerde le monde ? » Tu vois le topo... C’est pourquoi il faut y aller mollo, tu m’entends, mollo-mollo... « Voilà ce qu’on vous offre, Messieurs-dames, c’est à prendre ou à laisser. On vous l’enfonce pas dans l’âme comme un lavement, vu qu’on n’emploie point les méthodes de certains va-de-la-gueule qui méritent pas leurs noms et que je vois pas beaux d’ici peu... Videz-moi la grotte, il me faut du champ pour mettre mon métabolisme en route, je vais fabriquer une dose-canon et après ça je vous balance recta le Sermon du Feu...

Mahomet ? Tu veux rire ou quoi ? Il a été fabriqué de toutes pièces par le Syndicat d’Initiative de La Mecque, et c’est un agent de publicité égyptien, un pauvre mec paumé par la picole, qui a torché le scénario.
— Remets-moi la même chose, Gus, et puis je rentre à la maison, c’est l’heure de ma sourate... Par Allah, attends les journaux du matin, ça va faire du bruit dans les souks. Je vais dénoncer le scandale des Desseins Animistes !
Le barman lève la tête de sa feuille de P. M. U. :
— Ouais ! il dit. Leur châtiment sera terrible.
— Hein ?... hum... tu l’as dit. Alors c’est d’accord, Gus, je te fais un chèque ?
— Vous signez assez de chèques pour tapisser tous les murs de La Mecque, c’est bien connu. Je suis pas un mur, moi, M’sieur Mahomet.
— Écoute voir, Gus, j’ai deux échantillons de publicité, la bonne et puis l’autre. C’est pas des fois de l’autre que tu cherches, non ? Je risque de me faire révéler une sourate au sujet des loufiats qui point ne dispensent la charité aux infortunés qu’Allah élit...
— Ouais, et leur châtiment sera terrible... L’Arabie aux Arabes... (Gus saute par-dessus son comptoir.) J’en ai ma claque, Maho. Ramasse tes sourates et taille la route. Attends que je te donne le coup d’envoi. Et que je te revoye plus !
— Ça va être la fête à ton bistro, figure de con sans foi ni loi. Je vais le faire boucler d’autor, tu vas te retrouver aussi sec qu’un intestin de camé. S’il le faut, par Allah, je ferai interdire l’alcool dans toute la péninsule !
— M’en fous, c’est déjà un continent...

Confucius ? Tu peux ranger ses boniments sur le même rayon que Les Deux Orphelines et les bandes dessinées.

Lao-Tseu ? Ça fait beau temps qu’on l’a mis à la poubelle... Et puis assez causé de ces faux saints tout poisseux, avec leur air d’innocence ahurie comme s’ils se faisaient enculer tout en pensant à autre chose. Je vois pas pourquoi on permettrait à ces vieux cabots ratés de nous enseigner la Sagesse !
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Les jeunes voyous du rock'n'roll chambardent les rues du monde entier. Ils envahissent le Louvre et vitriolent la Joconde, ils ouvrent les grilles des zoos, des prisons et des asiles d'aliénés, ils crèvent les conduites d'eau au marteau pneumatique, défoncent à la hache le plancher des toilettes dans les avions de ligne, tirent à la cible sur les phares, liment les câbles d'ascenseur jusqu'au dernier toron, relient les tuyaux d'égouts aux canalisations d'eau potable, jettent dans les piscines requins et pastenagues, anguilles électriques et candirous (minuscule poisson de la famille dl'urogymnys qui hante certains fleuves malfamés du bassin de l'Amazone, ressemblant à une anguille miniature dont la taille varie de quelques millimètres à cinq centimètres, le candirou s'insinue dans l'urètre ou l'anus du baigneur imprudent - ou encore, faute de mieux, dans une chattière de dame - et s'y cramponne à demeure avec ses petites griffes acérées, tout cela dans un dessein qui reste quelque peu obscur étant donné que nul ne s'est offert jusqu'ici pour étudier in situ le mode de vie du candirou), s'affublent en pirates pour éperonner le Queen Mary de plein fouet dans le port de New-York, jouent aux James Dean au bord des falaises avec des autocars et des avions de transport, infestent les hôpitaux (déguisés en internes avec blouses blanches, hachoirs, scies et scalpels longs de trois pieds, ils démoulent les paralytiques de leurs poumons d'acier, singent leurs hoquets de suffocation en se trémoussant sur le carrelage les quatre fers en l'air, la langue pendante et les yeux révulsés, administrent des clystères avec des pompes à bicyclette, débranchent les reins artificiels, coupent une femme en deux avec une scie chirurgicale à quatre mains), lâchent des hordes de cochons grognonnants dans les coulisses de la Bourse, font caca sur le plancher de la salle de séances des Nations Unies et se torchent avec les traités, les alliances et les pactes...
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Je m’envoie une dose en présence de D. L. Je cherche la veine sous la crasse de mon pied nu. Les camés n’ont pas d’amour-propre. Ils sont indifférents à la répugnance d’autrui. Je doute que l’amour-propre puisse exister en l’absence de toute vie sexuelle. Il disparaît de l’univers du camé en même temps que le goût et la possibilité de rapports platoniques, qui ne sont eux aussi qu’affaire de libido... Le drogué considère son propre corps de façon tout impersonnelle, comme un instrument destiné à absorber l’élément dans lequel il vit, et il jauge sa chair avec les mains froides d’un maquignon. « Inutile d’essayer de piquer ici... » Des yeux de poisson mort qui glissent sur une veine ravagée...
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Et voilà que le coup de bourdon nous tombe dessus, le vrai bourdon noir et nauséeux made in U.S.A., pire que tout au monde, pire que le bourdon des Andes (villages de haute altitude, le vent glacé qui descend des montagnes de cartes postales, l'air raréfié qui te prend à la gorge comme la mort, et l'Equateur avec ses petites villes en bordure du fleuve, la malaria grise comme la came sous le bord noir et empoissé du panama, les escopettes qu'on charge par la gueule, les charognards qui piochent du bec la boue séchée des rues). (...)
Mais le bourdon à l'américaine est pire que tout. Tu ne peux pas mettre le doigts dessus, tu ne sais pas d'où il vient. Prends un de ces bars préfabriqués au coin de grandes casernes urbaines (chaque bloc d'immeuble a son bar, son drugstore et son supermaket). Dès que tu ouvres la porte, le bourdon te serre les tripes. Tu as beau chercher, c'est impossible à expliquer. ça ne vient pas du garçon, ni des clients, ni du plastique jaunasse qui recouvre les tabourets de bar, ni du néon tamisé. Pas même de la TV... et les habitudes se cristallisent en fonction de ce bourdon quotidien, tout comme la cocaïne finit par durcir l'organisme contre le coup de bâton en fin de parcours...
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(... Le docteur Benway est en train d'opérer dans un amphithéâtre bondé d'étudiants.)
Jeunes gens, vous n'aurez pas souvent l'occasion d'assister à cette opération, et la raison en est simple... Voyez-vous, elle est inutile sur le plan médical. Pourquoi l'a-t-on inventée ? Nul ne le sait. Personnellement, je crois que c'est une création purement artistique... comme le torero montre son art et son adresse en se tirant du danger qu'il a lui-même provoqué, de même, ici, le chirurgien met délibérément son patient en danger de mort puis, avec une promptitude foudroyante, il le sauve du trépas à la dernière fraction de seconde...
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Vidéo de William S. Burroughs
Le 18.01.18, Jérôme Colin (Entrez sans frapper - RTBF) recevait Gérard Berréby pour évoquer "Révolution électronique" de William S. Burroughs.
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