Ils ne virent rien venir. Bien évidemment. On ne passe pas ses journées à guetter les ennuis. On détourne le regard, aussi longtemps que possible. Le gouvernement lui-même ne vit rien venir. Plus tard peut-être, quand les gens du coin se souviendraient que personne n'avait jamais été jugé pour le meurtre d'Adrian, le jeune ouvrier, quand ils repenseraient à ces rubans rouges noués autour des arbres ou à la statue de le Vierge détruite par des coups de pistolet, ils se regarderaient et diraient: Ah oui, il y avait des signes avant-coureurs.
Parce-que j'étais Odelle et parce-que Quick était Quick. Et parce-qu'il faut être idiot pour croire qu'il y a une autre voie.
"Je ne suis jamais allé à Londres", dit-il en lestant le nom de cette ville d'une sorte d'émerveillement. Londres en lettres calligraphiques, Henri VIII, laTour, Middle Temple. Le Londres d'Olive ne ressemblait pas à cela, c'était un trajet solitaire à travers St James's Park, puis le long du Mall,jusqu'à la National Portrait Gallery, afin de voir son tableau préféré de Holbein; un petit pain chez Lyon's dans Craven Street ensuite, ou une promenade dans Enbankment Gardens. Voilà ce qui lui manquait, et certainement pas l'autre Londres, les bavardages étouffants des cocktails, la peau trop rose des femmes, l'odeur citronnée des hommes d'un certain âge qui venaient de se faire raser chez Trumper; les poussées d'acné des garçons d'Oxford, qui n'avaient rien à dire.
Dans la cuisine, Teresa cognait les plats en étain contre l'égouttoir; on se serait cru dans une armurerie.
...j'ai fait l'apprentissage d'une chose plus profonde, plus sombre , par laquelle nous sommes tous passés -- et si ce n'est pas le cas, elle nous attend -- ce moment indélébile où nous nous apercevons que nous sommes seuls. (p 482 )
Le passé de l’Espagne est un morceau de viande qui verdit sur l’étal du boucher. Après la guerre, on a interdit aux gens de regarder en arrière, afin qu’ils ne voient pas voler les mouches. Pourtant ils n’ont pu détourner la tête très longtemps, et ils ont découvert que leur douleur n’avait droit à aucun langage. Mais les tableaux, eux, demeurent : Guernica, les œuvres de Dalí et de Miró, et maintenant Rufina et le lion, une allégorie de l’Espagne (...).
Un grand sourire a fendu son visage et la gêne s'est installée. Mon émotion me faisait honte. Comment pouvais-je, moi, une adulte, être aussi enfantine, exubérante ? Mon coeur battait la chamade en sa présence, elle me faisait tourner la tête, une ivresse amplifiée par le fait qu'elle semblait éprouver la même chose.
Mon coeur s'est emballé en découvrant Cynth aussi resplendissante. J'ai été submergée par tout le chemin que j'avais parcouru seule, en voyant son visage, mon amie, ma plus vieille amie. Cynth a capté mon regard alors que je marchais vers elle, bras écartés comme un oiseau qui ne sait pas encore voler et qui tente de battre des ailes.
Un tel mutisme était le pire cauchemar de Harold. Pour lui, les gens devaient parler, exprimer leur douleur. (p. 417)
Depuis le moment où elle avait rencontré cet homme, il restait accroché à son imagination. Il avait amplifié ses sentiments, doublé la profondeur de ses horizons. Pour une fois dans sa vie, quelqu'un lui avait donné l'impression d'être grandiose. (p. 218)