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Critique de Antyryia



En navigant sur Babelio, je suis tombé à l'instar de bien des internautes sur l'annonce suivante :
"A l'occasion de la sortie du roman Au soleil redouté de Michel Bussi, les éditions Presses de la cité et Babelio organisent une rencontre avec l'auteur aux Iles Marquises.
Tous les frais de transport, d'hôtellerie et de restauration seront pris en charge par l'éditeur.
Une fois sur place, les six lecteurs sélectionnés pourront échanger avec Michel Bussi, faire dédicacer leurs livres et participer à un atelier d'écriture.

Qui ne tente rien n'a rien, c'était l'occasion ou jamais de passer un moment privilégié avec un auteur que j'apprécie beaucoup et qui mérite son succès.
Mon nom faisait donc partie des 50.000 candidats inscrits. Je soupçonne d'ailleurs quelques uns d'entre eux d'avoir été davantage attirés par ces quelques jours en Polynésie aux frais de la princesse que par la rencontre avec le second auteur le plus lu en France.
Alors quelle ne fut pas ma surprise et mon enthousiasme en recevant un mail m'annonçant que je faisais partie des élus !
J'allais voir Michel Bussi en slip de bain ! Pouvoir discuter de ses romans, en particulier de ce fameux soleil redouté ! ( ce qui me fait penser que je ne dois pas oublier d'emmener une casquette et de la crème solaire ), et peut-être enfin apprendre à écrire de façon plus ordonnée, plus concise, sans partir dans tous les sens.

Dans l'avion qui nous emmène d'abord faire une escale à Tahiti, une hôtesse nous remet le fameux sésame : le nouveau roman de Michel Bussi, dans lequel nous plongeons tous à coeur perdu.
La durée du voyage nous laisse amplement le temps de venir à bout des 420 pages de l'intrigue machiavélique encore une fois concoctée par l'auteur.
Le secret professionnel m'empêche de vous révéler qui m'accompagnait ce jour-là.
Mais je vous donne quand même un indice, les cinq lectrices ont une photo de chat illustrant leur profil sur Babelio.
Hasard ou fait exprès, je voyais en mes partenaires d'aventure les sosies des héroïnes inventées par l'auteur dans son livre. Je surnommais donc notre aînée très active sur les réseaux sociaux Martine, la jolie et très discrète femme assise à côté de moi ressemblait à Eloïse. La femme ambitieuse qui ne parlait que d'écrire un jour son propre roman m'a rappelé Clémence, la riche bourgeoise auréolée de bijoux m'a automatiquement fait penser à Marie-Ambre, et enfin, en apprenant que la dernière des lectrices était policière comme la Danoise Farèyne du roman, le rapprochement était facile à effectuer.
Mais moi, qui étais-je donc ? Je n'étais ni gendarme, ni tatoueur ni jardinier comme les rares protagonistes masculins du livre.

Un second avion nous emmène de Tahiti vers les Marquises, l'archipel le plus isolé du monde.
A l'aéroport Jacques Brel, Michel Bussi nous accueille, vêtu d'un bermuda à fleurs et d'une chemise hawaïenne largement ouverte sur une pilosité qui me complexe, moi qui n'ai jamais eu un seul poil sur la poitrine.
Chacun rejoint son bungalow pour s'installer en attendant de se restaurer avec l'auteur de Nymphéas noirs et d'Un avion sans elle. Au menu les traditionnels poisson cru, popoi et fruits exotiques.
- Alors, vous avez une idée du premier exercice que je vais vous demander de réaliser les filles ? demanda l'écrivain comme si je n'étais pas là.
- Rédiger la liste de toutes les choses que nous aimerions faire avant de mourir, comme dans Au soleil redouté ! s'exclama une Clémence très sûre d'elle.
- Pas pour l'instant. Comme vous êtes toutes des lectrices de Babelio j'aimerais plutôt que vous me rédigiez chacune une critique de mon nouveau livre. Soyez les plus sincères possible même si vous n'avez pas aimé, restez naturelles, écrivez avec votre coeur votre ressenti. Soyez brèves ou exhaustives, peu importe, mais choisissez vos mots avec minutie pour mieux faire passer vos impressions aux internautes qui vous liront. L'heureuse élue qui aura rédigé le plus bel avis pourra dormir avec moi dans ma garçonnière demain soir.
- Sauf si c'est vous, ajouta-t-il en me fixant d'un regard noir.

Le lendemain notre petit groupe s'éparpille aux quatre coins de l'île d'Hova Oa, armés de feuilles et de stylos.
Deux de mes consoeurs s'installent sur la plage, une troisième au cimetière, une quatrième en pleine forêt tropicale et la cinquième en centre-ville entre le musée Gauguin et l'espace Jacques Brel. Quant à moi, qui décidément ne supporte pas la chaleur, je reste enfermé dans ma chambre à la recherche d'inspiration.

Le soir venu, après avoir dégusté des litchis et des ananas, nous restons attablés tandis que la tenancière qui me fait évidemment penser à la Tanaé du roman débarrasse la table.
Michel nous demande qui veut prendre la parole en premier. Et c'est "Marie-Ambre" qui s'y colle.

- Au soleil redouté raconte l'histoire de cinq lectrices venues participer à un atelier d'écriture organisé par l'éditeur du plus grand écrivain français : Pierre-Yves François, PYF pour les intimes. Celui-ci est là pour les aider à peaufiner leur style, leur proposant des exercices, leur donnant des astuces. Chacune rédigera ainsi un testament de ce qu'elles aimeraient encore accomplir avant de mourir. Et puis tout commence à partir en couilles quand l'écrivain disparaît. C'est Yann, gendarme et époux de la commandante de police Farèyne Mörssen, qui va mener les investigations, son épouse étant trop occupée avec un vieille affaire irrésolue.
"- J'ai l'impression que votre écrivain veut que vous participiez à un jeu, une sorte d'enquête."
A la fin de la seconde partie ...
- STOP !! J'en ai assez entendu. Dîtes, vous n'aviez pas l'intention de raconter tout le livre et de révéler le nom du ou des coupables en prime ? intervient Michel Bussi
"Marie-Ambre" reprend sa feuille, passe un paragraphe ou deux avant de reprendre sa lecture.
- A l'issue d'un incroyable twist révélant qu'en réalité ...
- STOP !! le principe d'une critique n'est pas de faire un résumé du roman, et surtout pas du début à la fin. Et évitez aussi les vulgarités. Quelqu'un qui vous lirait connaîtrait toute l'histoire ... sans même savoir le plus important, c'est à dire ce que VOUS vous en avez pensé en tant que lectrice. Ce qui vous a emporté, ce qui vous a moins emballé, ce qu'il vous a apporté ...

C'est au tour de "Martine" de prendre la parole.
- Dans son nouveau roman, Michel Bussi nous emmène chez les effroyables papous cannibales.
- Ce sont des Marquisiens et ils ne mangent plus de chair humaine depuis plus d'un siècle, la coupe sévèrement l'écrivain. Mais reprenez, je vous en prie.
- Euh .. Eh bien ce que j'ai particulièrement apprécié dans ce livre, c'est la façon dont j'ai été emmenée aux îles Marquises alors que je n'y avais jamais mis les pieds avant hier. L'auteur a un immense talent pour nous immerger dans leur culture méconnue. Tout d'abord, on a énormément de références gastronomiques. On sait que les fruits qui y sont principalement cultivés sont les noix de coco, les fruits de la passion, les litchis. Qu'y poussent des fleurs telles que l'Ylang-ylang ou la fleur de tiaré. Qu'il existe des perlicultures destinées à l'élevage d'huîtres perlières.
Entre autres informations j'ai également appris l'importance artistique des tatouages guerriers dont beaucoup d'hommes sont recouverts. J'ignorais avant ma lecture ce qu'étaient des tikis, d'anciennes statues représentant des créatures mi-hommes mi-dieux, très anciennes, taillées grossièrement, et qui parsèment les îles Marquises de leur présence.
J'ignorais également que la très faible densité des îles Marquises était liée aux explorations subies durant le seizième siècle qui exposa les Polynésiens à de multiples maladies contre lesquels ils n'étaient pas immunisés et qui a failli les décimer, tout comme je ne savais pas que beaucoup d'habitants de l'île ont servi de main d'oeuvre durant les essais nucléaires français de Mururoa, ce qui leur aura valu bien des cancers mortels.
Je ne me doutais pas qu'il existait une monnaie appelée le franc pacifique.
Enfin, j'ai adoré en savoir davantage sur Gauguin et sur Jacques Brel, et leur lien avec les îles Marquises où ils sont tous deux enterrés. le livre est d'ailleurs parsemé d'exraits de chansons du grand Jacques, à commencer par "Les femmes sont lascives, au soleil redouté / Et s'il n'y a pas d'hiver, cela n'est pas l'été" extrait de son dernier album et qui bien sûr donnera son titre au livre, petite tradition à laquelle Michel Bussi reste fidèle.
Je précise d'ailleurs à tous les lecteurs munis d'un smartphone qu'avec les applications Lisez ! et un abonnement à Deezer ou Spotify, il vous suffira de scanner chaque extrait de chanson de Jacques Brel pour y avoir immédiatement accès. On est loin des listes de chansons écoutées par Chattam ou Werber pendant la rédaction de leurs oeuvres ! Cette fois c'est du live !
Et sous nos yeux ébahis Martine se mit à chanter :
"J'avais vingt ans et nous étions cent vingt
A être le suivant de celui qu'on suivait
Au suivant au suivant"
Et nous comprîmes que sa critique était terminée et qu'elle laissait sa place ... Au suivant.

- C'était pas mal, mais on croirait que j'ai écrit un guide de voyage et je ne crois pas que mon roman se résume à ça. Quelqu'un d'autre ?
Au tour de "Clémence" de se lever et de nous lire sa prose à voix haute.
- Tout d'abord, j'aimerais remercier les éditions Presses de la cité de m'avoir offert ce voyage et l'opportunité de rencontrer mon auteur préféré. J'ai lu tous les romans de Michel et à chaque fois je me demande s'il pourra encore me piéger, d'autant que je connais par coeur toutes ses ficelles désormais. Eh bien devinez quoi ? Il m'a eue cette fois encore ! J'ai failli dégringoler de ma chaise quand j'ai découvert le pot-au-feu !
- Le pot-aux-roses, mais poursuivez l'encouragea l'écrivain.
- Eh bien il m'a été tout simplement impossible de lâcher le livre. Chaque courte partie se termine sur un nouveau rebondissement ou une nouvelle pièce de puzzle qui s'additionne à une tonne d'informations sans qu'on ne puisse les relier entre elles. Le voyage littéraire et féérique se transforme bientôt en plein cauchemar avec un premier cadavre retrouvé. On est à huis clos sur une île gigantesque où il n'y a pas d'autre policier que Fayrène et son gendarme d'époux.
"C'est pour cela que cette île, même si je l'aime tant, est une prison."
On est à mi-chemin entre le thriller et le roman policier, les allusions à Agatha Christie sont d'ailleurs nombreuses.
"Tu te souviens des Dix petits nègres ? Le coupable se fait passer pour mort."
Alors j'ai essayé de deviner quel personnage n'était pas vraiment décédé, j'ai essayé de comprendre pourquoi il existait cinq tikis représentant chacune des lectrices invitées sur l'île, de relier entre eux les meurtres avec la vieille affaire du violeur parisien ou encore le vol du collier de perles, mais plus j'essayais de comprendre et plus je m'enfonçais dans des sables mouvants.
En tout cas c'est sans hésiter que je mets cinq étoiles au nouveau chef d'oeuvre de monsieur Bussi.

- C'était un peu confus parfois mais très encourageant ! On travaillera sans doute dessus encore un peu ce soir dit notre hôte à une "Clémence" rougissante.
- Je peux vous lire ce que j'ai écrit sur la plage ? demanda la discrète "Eloïse".
- Mais je vous en prie.
- Au soleil redouté n'est pas seulement riche culturellement, riche par son rythme qui empêche le lecteur de souffler un seul instant, il est également riche émotionnellement. Michel Bussi est un magicien des mots, un maître en intrigues tarabiscotées ( et c'est un compliment ! ). En quelques mots il parvient à donner une identité à ses personnages, très rapidement identifiables, et tous attachants à un degré ou un autre. En particulier la jeune Maïma, la fille adoptive de Marie-Ambre, qui jouera les apprenties détectives du haut de ses seize ans. C'est un livre rempli d'émotions. J'ai ri à chaque intervention totalement décalée de l'éditrice Servane Astine, j'ai tremblé à chaque fois qu'un de mes personnages préférés était en danger, j'ai même pleuré parfois relate "Eloïse avec hyperémotivité.
En larmes, elle ne parvient même pas à conclure, ce qui n'empêche pas Michel de la contempler en songeant sans doute à la façon dont il pourrait la réconforter.

"Farèyne" cherche dans ses poches ce que je pensais être sa critique du Soleil redouté mais à la place elle sort une paire de menottes.
- Michel Bussi, je vous arrête pour les meurtres de Laëtitia Sciarra et de d'Audrey Lemonnier. Vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz sera retenu contre vous."
Ca y est, elle a complètement pété un plomb en s'identifiant à la commandante du roman.
"Les livres sont plus dangereux qu'une arme à feu, se manipulent avec plus de précaution qu'un poison, les écrivains sont de terribles tueurs en série."
Finalement, on parvient à lui faire comprendre qu'il y a un terrible malentendu et que tout le monde est bien intentionné sur cette île paradisiaque et sans criminels.

Il ne reste plus que moi.
Je levais le doigt afin de prendre à mon tour la parole.
- Vous, vous ne devriez même pas être ici, gronda l'auteur de N'oublier jamais. Mon éditeur m'avait promis de ne sélectionner que des femmes pour cet atelier d'écriture. Mais bon, tant que vous êtes là, allez y.
- Eh bien je ne vais pas répéter tous les commentaires élogieux des cinq Babeliotes qui m'ont précédé. Je suis d'accord avec elles pour ce qui est du riche aspect culturel qui n'a pas été sans le rappeler Ne lâche pas ma main, j'ai encore une fois été bluffé par ce revirement final totalement inattendu, et je suis resté comme suspendu aux pages tout au long de ma lecture, aussi divertissante qu'enrichissante. Cependant, quelques petits détails m'ont chagriné, à tort ou à raison. En premier lieu, je n'ai pas compris pourquoi c'était le gendarme qui enquêtait sur une série d'homicides. Certes, son épouse est préoccupée par une autre affaire mais c'est elle qui a le grade et les compétences pour prendre les choses en main, or elle ne fait strictement rien comme si elle n'était pas du tout concernée par cette série de crimes sur l'île d'Hiva Oa.
Ensuite, les tikis sont des statues symboliques aux traits abstraits, et j'ai beaucoup de mal à concevoir que l'une d'elle puisse avoir un visage humain reconnaissable. On est quand même loin d'Auguste Rodin !
Et pour finir j'ai quand même trouvé que le comportement des différents protagonistes n'était pas totalement crédible. Certains vont perdre un proche durant leur séjour dans des conditions atroces et c'est à peine si ça leur fait mal au coeur deux minutes avant qu'ils ne repartent de plus belle. En outre si un tueur ou une tueuse erre dans les environs, personnellement ça me coupe toute envie d'aller boire un coup sur la plage avec mes amis ou d'aller me promener seul à la recherche d'indices. Je ne suis sûrement pas aussi courageux que vos lectrices mais je me barricade dans mon bungalow en attendant que la police arrive. Et à ce sujet, l'explication de son retard est assez bancale même si elle était nécessaire à l'intrigue.
Alors je me répète, mais même si j'ai été épaté et que j'ai lu votre petit dernier quasiment d'une traite, je trouve dommage que vous ayiez autant privilégié l'action pour qu'il n'y ait aucun temps mort tout en rendant les réactions des personnages trop peu émotives et trop peu crédibles pour qu'on puisse croire totalement à cette histoire tirée par les cheveux.

* * *

Le lendemain matin, c'est "Marie-Ambre" qui vient nous alerter et nous demande de l'accompagner.
Au bord de la baie des traîtres, nous reconnaissons tous la chemise, le bermuda et le slip de bain de l'auteur de best sellers.
Mais pas la moindre trace de celui-ci.
"Ce salaud se planque quelque part, nous épie, et nous force à jouer au jeu dont il nous a énoncé les règles."
- Il s'est noyé à cause de toutes les méchancetés que tu lui as dites hier soir ! m'accuse "Clémence".
- Moi je pense qu'il faudrait plutôt chercher avec qui il a passé la nuit propose "Farèyne".
Une longue journée commence sous le soleil tant redouté.

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