Qu'est-ce qu'une vie bonne? La question est redoutable et l'auteure bien entendu n'y répond pas par une sorte de manuel de savoir-vivre ou de savoir-être. Elle préfère prolonger la question : qu'est-ce qu'une vie bonne dans une vie mauvaise? Comment ceux qu'elle appelle les sans deuil, les déclassés, les laissés pour compte, peuvent-ils mener une vie bonne alors qu'ils se trouvent, sans qu'ils en soient responsables, dans une vie mauvaise? Comment peuvent-ils tout simplement mener leur vie? La question morale d'emblée devient une question sociale, économique et politique, parce qu'on ne mène pas sa vie seul, parce que pour mener une vie bonne, certaines conditions sont nécessaires. La difficulté, c'est donc de concilier la dimension individuelle, morale, et la dimension collective, politique. Il ne s'agit pas de se sacrifier pour une cause commune. Il s'agit d'agir sur la société et sur l'économie pour qu'elles créent les conditions de la liberté pour tous et pour chacun. Suffit-il de se révolter, de protester et - le mot est à la mode - de s'indigner? Cela est certes nécessaire, mais c'est insuffisant. Il faut aussi créer une vraie démocratie, une politique qui retrouve le sens du bien commun, une économie qui permette à chacun de vivre. On ne mène une vie bonne que si l'on a une vie.
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Qu’est-ce qu’une vie bonne ? est le texte du discours que Judith Butler a prononcé en 2012, en Allemagne, lorsque lui a été remis le prix Adorno. Ce texte de circonstance examine pourtant une question qui concerne des problèmes et enjeux centraux dans son œuvre : « comment mener une vie bonne dans une vie mauvaise » ?
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Si je cherche comment vivre une vie bonne dans une vie mauvaise, je me trouve confrontée à l'idée d'une vie organisée socialement et économiquement. Si cette organisation sociale et économique est "mauvaise", c'est précisément parce qu'elle ne fournit pas les conditions d'une vive vivable, c'est parce que ces conditions ne se trouvent pas distribuées de manière équitable. Certains pourraient souhaiter tout simplement vivre une vie bonne au milieu d'une vie mauvaise, cherchant leur propre voie du mieux qu'ils le pourraient, sans tenir compte des inégalités socio-économiques générales qui se trouvent produites par les organisations spécifiques de la vie, mais ce n'est pas si simple. Apres tout, la vie que je vis, même si elle est clairement cette vie et pas celle d'un autre, est toujours reliée à d'autres réseaux de vie plus amples, et si elle ne l'était pas, je ne pourrais tout simplement pas vivre. Ainsi, ma propre vie dépend d'une vie qui ne m'appartient pas, et il ne s'agit pas simplement de la vie de l'Autre, mais de l'organisation de la vie à un niveau supérieur, social et économique. Ainsi, ma propre vie, ma survie, dépend de ce sens plus général de la vie, un niveau qui inclut la vie organique, les milieux de vie et d'assistance, ainsi que les réseaux sociaux qui soutiennent et renforcent l'interdépendance. Ces éléments font de moi qui je suis, ce qui signifie que je dois céder une partie de ma vie humaine particulière pour vivre, pour être véritablement humain.
Judith Butler, philosophe et professeure, nous parle de son ouvrage « La force de la non-violence » publié aux @Éditions FAYARD
L'ouvrage était parmi les cinq finalistes du Prix 2022 des Rencontres Philosophiques de Monaco.
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