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Michel Butor (Préfacier, etc.)Pierre Albouy (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070420858
265 pages
Gallimard (30/04/2002)
  Existe en édition audio
4.07/5   123 notes
Résumé :
Avec "Chansons des rues et des bois", recueil de vers publié en 1865, Victor Hugo (1802-1885), auteur des "Misérables" et de "Notre-Dame de Paris", monstre sacré de la littérature, apparaît comme un poète sensuel et frivole, épicurien. Il y dépeint la nature, sa gaieté, le rire des filles et la fraîcheur des bosquets.

Humain, attendri, il l'est aussi dans l' "Art d'être grand-père" (1877) où, octogénaire, en regardant vivre ses petits-enfants, il red... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
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● Je crois en la magie de la littérature-de la vraie Littérature, avec un l'majuscule. Je crois qu'il est miraculeux que certains hommes, que certaines femmes, ait le don, d'écrire, de dire, toute l'Humanité, toutes les passions, toute la vie, avec ce que nous avons de plus banal, de moins extraordinaire en apparence, avec ce que nous utilisons tout le temps : les mots.
Victor Hugo fait partie de ces magiciens des mots. En peu de mots, souvent peu explicites, en suggérant, il dit ce que ne pourrait dire cent discours. Ces mots sont bien choisis ; ils sont percutants, émouvants, et tant d'autres choses. "L'art d'être grand-père" est si riche que chaque vers pourrait susciter dix dissertations ; c'est une oeuvre-monde, baroque, c'est vrai, mais lyrique, géniale, d'une beauté sans pareille.
Victor Hugo écrit là l'un des recueils de poésie les plus émouvants, les plus grands, qu'il m'ait été donné de lire.
Il montre un vrai panache dans sa manière d'écrire ; et, surtout, surtout, il y a les vers qui résonnent dans ma tête comme une musique ; il y a les vers et le rythme, ce vers qui, de par le rythme, de par ce génie propre aux grands poètes, d'être concis et pourtant de tout dire, en peu de mots mais qui signifient tant, émeut d'une manière propre, vraiment propre à la poésie hugolienne.
"L'art d'être grand-père" est un chef-d'oeuvre. Je le pense sincèrement.

● "L'art d'être grand-père" est un très beau recueil de poèmes, de Victor Hugo, si profondément poétique, au sens le plus grand du terme. C'est vrai que c'est un recueil qui, à sa manière, est déroutant, et cela le rend difficile d'accès, d'une certaine manière ; on croit le comprendre et il s'avère aussitôt qu'on ne le comprend pas ; on croit percevoir son secret, et aussitôt, on comprend qu'on ne l'a pas perçu.
Mais, c'est justement, cela, qui fait, pour moi, toute la force de "L'art d'être grand-père" ; il faut vivre ce mystère-peut-être le mystère est-il l'essence même de la poésie ?-, le vivre jusqu'au bout, et profiter du vers hugolien.
Je le trouve unique. Il y a quelque chose de romantique et quelque chose de surréaliste avant l'heure, dans ce vers. Quel souffle ! Quelle puissance ! Quel caractère épique ! La manière dont Hugo parle de tout ce qu'il conte, ferait penser à une succession d'hypotyposes, si c'était là le véritable objet. Mais il y a bien plus.
Il y a cette puissance, il y a ce mystère, unique et si plaisant, simplement sans pareil ; il y a cette complexité, cette grandeur, cette mystérieuse beauté qui nous pénètre, d'on ne sait où.
"L'art d'être grand-père" est un grand moment de poésie.
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Parmi toutes les facettes de Victor Hugo, il en est une très importante, et pourtant ce n'est pas toujours la plus mise en avant, c'est celle de l'homme dans sa famille : ne l'oublions pas, si Victor Hugo fut écrivain photographe, homme politique, etc., il fut aussi fils, mari, père… et grand-père. Souvenez-vous « Mon père, ce héros… » en hommage au général Hugo, « Lorsque l'enfant paraît » en hommage à sa femme Adèle, et à la vie de famille en général, « Demain dès l'aube » en hommage à sa fille Léopoldine morte tragiquement…
Adèle meurt en 1868, son fils Charles en 1871, Victor obtient la garde de ses petits enfants Georges et Jeanne. Il les accueille avec leur mère, et c'est leur présence auprès de lui (qui va sur ses 72 ans en 1874) qui va inspirer au poète ce recueil touchant, plein de sensibilité, de simplicité et d'amour.
Les premiers poèmes datent de 1870 quand il accueillit les petits à Guernesey : Georges né en 1868, avait deux ans, Jeanne, née en 1869 en avait un. Leur père, Charles Hugo était mort en 1871, de ce qu'on nomme aujourd'hui un accident vasculaire cérébral (AVC). Leur mère, née Alice le Haene, les accompagnait.
On s'en doute, la description des petits-enfants, leurs jeux, leurs petites misères vont former l'axe central du poème, avec en parallèle, - et c'est très émouvant – l'émotion du grand-père :
« … Et me voilà vaincu par un petit enfant « (Victor, sed victis)
« le vieillard gai se mêle aux marmots triomphants,
Nous nous rapetissons dans les petits enfants,
Et, calmés, nous voyons s'envoler dans les branches
Notre âme sombre avec toutes ces âmes blanches » (L'autre)

Mais ce n'est pas là le seul intérêt du poème. Si Victor Hugo, grand-maître du langage, sait faire passer l'émotion à travers ses poèmes, il sait aussi se faire profond, jusqu'à définir un statut de l'enfant (qu'il avait déjà esquissé dans nombre de romans, et de recueils poétiques). Témoin la dernière section du recueil, intitulée « Que les petits liront quand ils seront grands » et dont les titres sont lumineux : « Patrie », « Persévérance », « Progrès », « Fraternité », et dans ce qui est peut-être un des plus beaux poèmes du recueil « L'Ame à la poursuite du vrai »
« L'Art d'être grand-père » est un des recueils les plus populaires de Victor Hugo. Nous connaissons ces poèmes appris à l'école :
« Tout rayonne, tout luit, tout aime, tout est doux ;
Les oiseaux semblent d'air et de lumière fous… »

« J'entends des voix. Lueurs à travers ma paupière,
Une cloche est en branle à l'église Saint-Pierre… »

« Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir
Pour un crime quelconque, et, manquant au devoir… »

« Grand bal sous le tamarin
On danse et l'on tambourine… »

« Dansez les petites filles
Toutes en rond… »

C'est pourquoi Victor Hugo est unique : il est à la fois le géant et le grand-père, il est le pourfendeur des grands et il fond devant les petits, il est surhumain dans sa dimension mythique, et il n'y a pas plus humain que lui dans son intimité !
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Qui n'aurait aimé avoir pour grand-père Victor Hugo.
Avec quel talent et quel brio,
De la vie quotidienne,des petits riens,
Il s'accapare et les fait siens.
En souvenirs, à ses petits-enfants,
Il aura laissé ces vers aimants.

( écrit sans prétention aucune)
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Exilé sur l'île de Guernesey pour raisons politiques, de 1855 à 1870, Hugo y est accompagné de sa famille, et notamment de son fils Charles, sa belle-fille Alice, et ses deux petits-enfants, Georges et Jeanne, que beaucoup connaissent sûrement par les poèmes "Jeanne était au pain sec" et "Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin…"
Cet exil, les morts successives de sa fille Léopoldine et de son épouse Adèle, la dépression et l'internement de sa seconde fille, et son caractère passionné et humaniste peuvent expliquer cet amour et cet engouement qu'il a éprouvé pour les deux jeunes enfants qu'il observe jour après jour et avec lesquels il interagit. Georges et Jeanne lui inspirent de nombreux poèmes sur l'enfance et son innocence, le recommencement de la vie, l'aurore face à son propre crépuscule (il lui restera tout de même une vingtaine d'années à vivre).
Les premiers poèmes sont très attachants dans sa manière de décrire avec affection et humour les balades et les jeux qu'il fait avec eux alors qu'ils sont en bas âge. Hugo s'y montre très permissif et régulièrement critiqué par son fils ou sa bru qui le voudraient plus strict.
Cela donne à Hugo l'occasion de rédiger des poèmes sur la tyrannie et l'humanisme, et de critiquer ses détracteurs ainsi que les despotes. Dans ces poèmes affleurent les difficultés que Hugo éprouve à devoir vivre en exil, sans doute plus pour une question d'honneur que de confort (même s'il ne pourra pas se recueillir sur les tombes de ses "deux mortes").
Il est amusant de voir comment une sortie au Jardin des Plantes de Buffon, où animaux sauvages et enfants se rencontrent, lui inspire une dizaine de poèmes sur la nature humaine et animale, ou encore, comment quelques taches sur un cahier de Georges deviennent une véritable épopée dans laquelle il imagine les histoires fantastiques que se crée l'enfant à partir de ses petits dessins.
On y retrouve toute l'éloquence et la passion poétique de Victor Hugo, bien sûr, mais les poèmes que j'ai préféré sont les plus courts et les plus intimistes, ceux qui ont sans doute été composés dans une plus grande introspection. Ce recueil est aussi une manière de découvrir l'homme sous un autre jour, toujours aussi emporté mais aussi très attendri par deux bambins auxquels il cède absolument tout et qu'il admire sans retenue.
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Le poème du jardin des plantes
I.
Le comte de Buffon fut bonhomme, il créa
Ce jardin imité d'Évandre et de Rhéa
Et plein d'ours plus savants que ceux de la Sorbonne,
Afin que Jeanne y puisse aller avec sa bonne ;
Buffon avait prévu Jeanne, et je lui sais gré
De s'être dit qu'un jour Paris un peu tigré,
Complétant ses bourgeois par une variante,
La bête, enchanterait cette âme souriante ;
Les enfants ont des yeux si profonds, que parfois
Ils cherchent vaguement la vision des bois ;
Et Buffon paternel, c'est ainsi qu'il rachète
Sa phrase sur laquelle a traîné sa manchette,
Pour les marmots, de qui les anges sont jaloux,
A fait ce paradis suave, orné de loups.

J'approuve ce Buffon. Les enfants, purs visages,
Regardent l'invisible, et songent, et les sages
Tâchent toujours de plaire à quelqu'un de rêveur.

L'été dans ce jardin montre de la ferveur ;
C'est un éden où juin rayonne, où les fleurs luisent,
Où l'ours bougonne, et Jeanne et Georges m'y conduisent.
C'est du vaste univers un raccourci complet.
Je vais dans ce jardin parce que cela plaît
À Jeanne, et que je suis contre elle sans défense.
J'y vais étudier deux gouffres, Dieu, l'enfance,
Le tremblant nouveau-né, le créateur flagrant,
L'infiniment charmant et l'infiniment grand,
La même chose au fond ; car c'est la même flamme
Qui sort de l'astre immense et de la petite âme.

Je contemple, au milieu des arbres de Buffon,
Le bison trop bourru, le babouin trop bouffon,
Des bosses, des laideurs, des formes peu choisies,
Et j'apprends à passer à Dieu ses fantaisies.
Dieu, n'en déplaise au prêtre, au bonze, au caloyer,
Est capable de tout, lui qui fait balayer
Le bon goût, ce ruisseau, par Nisard, ce concierge,
Livre au singe excessif la forêt, cette vierge,
Et permet à Dupin de ressembler aux chiens.
(Pauvres chiens !) — Selon l'Inde et les manichéens,
Dieu doublé du démon expliquerait l'énigme ;
Le paradis ayant l'enfer pour borborygme,
La Providence un peu servante d'Anankè,
L'infini mal rempli par l'univers manqué,
Le mal faisant toujours au bien quelque rature,
Telle serait la loi de l'aveugle nature ;
De là les contresens de la création.
Dieu, certe, a des écarts d'imagination ;
Il ne sait pas garder la mesure ; il abuse
De son esprit jusqu'à faire l'oie et la buse ;
Il ignore, auteur fauve et sans frein ni cordeau,
Ce point juste où Laharpe arrête Colardeau ;
Il se croit tout permis. Malheur à qui l'imite !
Il n'a pas de frontière, il n'a pas de limite ;
Et fait pousser l'ivraie au beau milieu du blé,
Sous prétexte qu'il est l'immense et l'étoilé ;
Il a d'affreux vautours qui nous tombent des nues ;
Il nous impose un tas d'inventions cornues,
Le bouc, l'auroch, l'isard et le colimaçon ;
Il blesse le bon sens, il choque la raison ;
Il nous raille ; il nous fait avaler la couleuvre !
Au moment où, contents, examinant son oeuvre,
Rendant pleine justice à tant de qualités,
Nous admirons l'oeil d'or des tigres tachetés,
Le cygne, l'antilope à la prunelle bleue,
La constellation qu'un paon a dans sa queue,
D'une cage insensée il tire le verrou,
Et voilà qu'il nous jette au nez le kangourou !
Dieu défait et refait, ride, éborgne, essorille,
Exagère le nègre, hélas, jusqu'au gorille,
Fait des taupes et fait des lynx, se contredit,
Mêle dans les halliers l'histrion au bandit,
Le mandrille au jaguar, le perroquet à l'aigle,
Lie à la parodie insolente et sans règle
L'épopée, et les laisse errer toutes les deux
Sous l'âpre clair-obscur des branchages hideux ;
Si bien qu'on ne sait plus s'il faut trembler ou rire,
Et qu'on croit voir rôder, dans l'ombre que déchire
Tantôt le rayon d'or, tantôt l'éclair d'acier,
Un spectre qui parfois avorte en grimacier.
Moi, je n'exige pas que Dieu toujours s'observe,
Il faut bien tolérer quelques excès de verve
Chez un si grand poète, et ne point se fâcher
Si celui qui nuance une fleur de pêcher
Et courbe l'arc-en-ciel sur l'Océan qu'il dompte,
Après un colibri nous donne un mastodonte !
C'est son humeur à lui d'être de mauvais goût,
D'ajouter l'hydre au gouffre et le ver à l'égout,
D'avoir en toute chose une stature étrange,
Et d'être un Rabelais d'où sort un Michel-Ange.
C'est Dieu ; moi je l'accepte.

Et quant aux nouveau-nés,
De même. Les enfants ne nous sont pas donnés
Pour avoir en naissant les façons du grand monde ;
Les petits en maillot, chez qui la sève abonde,
Poussent l'impolitesse assez loin quelquefois ;
J'en conviens. Et parmi les cris, les pas, les voix,
Les ours et leurs cornacs, les marmots et leurs mères,
Dans ces réalités semblables aux chimères,
Ébahi par le monstre et le mioche, assourdi
Comme par la rumeur d'une ruche à midi,
Sentant qu'à force d'être aïeul on est apôtre,
Questionné par l'un, escaladé par l'autre,
Pardonnant aux bambins le bruit, la fiente aux nids,
Et le rugissement aux bêtes, je finis
Par ne plus être, au fond du grand jardin sonore,
Qu'un bonhomme attendri par l'enfance et l'aurore,
Aimant ce double feu, s'y plaisant, s'y chauffant,
Et pas moins indulgent pour Dieu que pour l'enfant.
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Citations et extraits (59) Voir plus Ajouter une citation
En me voyant si peu redoutable aux enfants,
Et si rêveur devant les marmots triomphants,
Les hommes sérieux froncent leurs sourcils mornes.
Un grand-père échappé passant toutes les bornes,
C'est moi. Triste, infini dans la paternité,
Je ne suis rien qu'un bon vieux sourire entêté.
Ces chers petits! Je suis grand-père sans mesure;
En me voyant si peu redoutable aux enfants,
Et si rêveur devant les marmots triomphants,
Les hommes sérieux froncent leurs sourcils mornes.
Un grand-père échappé passant toutes les bornes,
C'est moi. Triste, infini dans la paternité,
Je ne suis rien qu'un bon vieux sourire entêté.
Ces chers petits! Je suis grand-père sans mesure;
Je suis l'ancêtre aimant ces nains que l'aube azure,
Et regardant parfois la lune avec ennui,
Et la voulant pour eux, et même un peu pour lui;
Pas raisonnable enfin. C'est terrible. Je règne
Mal, et je ne veux pas que mon peuple me craigne;
Or, mon peuple, c'est Jeanne et George; et moi, barbon,
Aïeul sans frein, ayant cette rage, être bon,
Je leur fais enjamber toutes les lois, et j'ose
Pousser aux attentats leur république rose;
La popularité malsaine me séduit;
Certes, on passe au vieillard, qu'attend la froide nuit,
Son amour pour la grâce et le rire et l'aurore;
Mais des petits, qui n'ont pas fait de crime encore,
Je vous demande un peu si le grand-père doit
Etre anarchique, au point de leur montrer du doigt,
Comme pouvant dans l'ombre avoir des aventures,
L'auguste armoire où sont les pots de confitures !
Oui, j'ai pour eux, parfois,—ménagères, pleurez!—
Consommé le viol de ces vases sacrés.
Je suis affreux. Pour eux je grimpe sur des chaises!
Si je vois dans un coin une assiette de fraises
Réservée au dessert de nous autres, je dis:
—Ô chers petits oiseaux goulus du paradis,
C'est à vous! Voyez-vous, en bas, sous la fenêtre,
Ces enfants pauvres, l'un vient à peine de naître,
Ils ont faim. Faites-les monter, et partagez.—
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Choses du soir

Le brouillard est froid, la bruyère est grise ;
Les troupeaux de bœufs vont aux abreuvoirs ;
La lune, sortant des nuages noirs,
Semble une clarté qui vient par surprise.

Je ne sais plus quand, je ne sais plus où,
Maître Yvon soufflait dans son biniou.

Le voyageur marche et la lande est brune ;
Une ombre est derrière, une ombre est devant ;
Blancheur au couchant, lueur au levant ;
Ici crépuscule, et là clair de lune.

Je ne sais plus quand, je ne sais plus où,
Maître Yvon soufflait dans son biniou.

La sorcière assise allonge sa lippe ;
L'araignée accroche au toit son filet ;
Le lutin reluit dans le feu follet
Comme un pistil d'or dans une tulipe.

Je ne sais plus quand, je ne sais plus où,
Maître Yvon soufflait dans son biniou.
[…]
Dans les bois profonds brillent des flambées ;
Un vieux cimetière est sur un sommet ;
Où Dieu trouve-t-il tout ce noir qu'il met
Dans les cœurs brisés et les nuits tombées ?

Je ne sais plus quand, je ne sais plus où,
Maître Yvon soufflait dans son biniou.

Des flaques d'argent tremblent sur les sables ;
L'orfraie est au bord des talus crayeux ;
Le pâtre, à travers le vent, suit des yeux
Le vol monstrueux et vague des diables.

Je ne sais plus quand, je ne sais plus où,
Maître Yvon soufflait dans son biniou.
[…]
La faim fait rêver les grands loups moroses ;
La rivière court, le nuage fuit ;
Derrière la vitre où la lampe luit,
Les petits enfants ont des têtes roses.

Je ne sais plus quand, je ne sais plus où,
Maître Yvon soufflait dans son biniou.
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Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir,
Pour un crime quelconque, et, manquant au devoir,
J'allai voir la proscrite en pleine forfaiture,
Et lui glissai dans l'ombre un pot de confiture
Contraire aux lois. Tous ceux sur qui, dans ma cité,
Reposent le salut de la société,
S'indignèrent, et Jeanne a dit d'une voix douce :
- Je ne toucherai plus mon nez avec mon pouce;
Je ne me ferai plus griffer par le minet.
Mais on s'est récrié : Cette enfant vous connait;
Elle sait à quel point vous êtes faible et lâche.
Elle vous voit toujours rire quand on se fâche.
Pas de gouvernement possible. A chaque instant
L'ordre est troublé par vous; Le pouvoir se détend;
Plus de règle. L'enfant n'a plus rien qui l'arrête.
Vous démolissez tout. - Et j'ai baissé la tête,
Et j'ai dit : - Je n'ai rien à répondre à cela,
J'ai tort. Oui, c'est avec ces indulgences-là
Qu'on a toujours conduit les peuples à leur perte.
Qu'on me mette au pain sec. - Vous le méritez, certe,
On vous y mettra. - Jeanne alors, dans son coin noir,
M'a dit tout bas, levant ses yeux si beaux à voir,
Pleins de l'autorité des douces créatures;
- Eh bien, moi, je t'irai porter des confitures.
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XI
Fenêtres ouvertes
Le matin. - En dormant
J'entends des voix. Lueurs à travers ma paupière.
Une cloche est en branle à l'église Saint Pierre.
Cris des baigneurs. Plus près ! plus loin ! non, par ici !
Non, par là ! Les oiseaux gazouillent, Jeanne aussi.
Georges l'appelle. Chant des coqs. Une truelle
Racle un toit. Des chevaux passent dans la ruelle.
Grincement d'une faulx qui coupe le gazon.
Chocs. Rumeurs. Des couvreurs marchent sur la maison.
Bruits du port. Sifflement des machines chauffées.
Musique militaire arrivant par bouffées.
Brouhaha sur le quai. Voix françaises. Merci.
Bonjour. Adieu. Sans doute il est tard, car voici
Que vient tout près de moi chanter mon rouge-gorge.
Vacarme de marteaux lointains dans une forge.
L'eau clapote. On entend haleter un steamer.
Une mouche entre. Souffle immense de la mer.
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Laetitia rerum

[...]
On voit rôder l'abeille à jeun,
La guêpe court, le frelon guette;
A tous ces buveurs de parfum
Le printemps ouvre sa guinguette.
Le bourdon, aux excès enclin
Entre en chiffonnant sa chemise;
Un oeillet est un verre plein
Un lys est une nappe mise.
La mouche boit le vermillon
Et l'or dans les fleurs demi-closes,
Et l'ivrogne est le papillon,
Et les cabarets sont les roses.
De joie et d'extase on s'emplit,
L'ivresse, c'est la délivrance;
Sur aucune fleur on ne lit:
Société de tempérance.
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