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Critique de Presence


Ce tome regroupe les épisodes 40 à 44 (suivant la numérotation originelle de la série débutée en 1992. Ces épisodes parus en 2012 mettent un terme probablement définitif à la série. Ils font suite à Scattered (épisodes 5 à 9, ou 25 à 39 suivant la numérotation originelle).

Jasmine se retrouve sans superpouvoirs dans un futur dystopique en ruine où elle est poursuivie par un dinosaure. Elle réussit à s'abriter dans une structure démolie où elle se retrouve à coté de ce qui semble être un homme préhistorique et un spationaute dans une jolie combinaison orange, avec un pistolet-laser qui émet des étincelles, en lieu et place d'un bon vieux rayon désintégrateur. C'est à ce moment là qu'arrive une légion romaine. En 1975, Cynthia et Gower sont 2 agents pour une mystérieuse organisation qui repère et recueille des individus prometteurs quand ils ne sont encore que des nouveau-nés. Ailleurs dans ce monde futuriste désolé, Bethany (également dépourvue de superpouvoirs, mais avec une santé mentale en amélioration) se fait courser par des créatures humanoïdes mais sans plus qui en ont après sa personne. Elle est sauvée par un groupe de soldats de la guerre de Sécession qui en ont également après sa personne. Ailleurs Gil, Cat et George (un trio de gugusses venus du futur) assistent une autre version de Jasmine pour essayer de remettre de l'ordre dans ce bazar temporel inextricable.

Malgré l'amélioration significative de leur situation dans le tome précédent, il reste encore quelques imbroglios à dénouer pour les Next Men. Pour être clair, John Byrne termine sa série et il fait ce qu'il veut. C'est à dire qu'à la fois il apporte un dénouement clair et dont la logique respecte tous les épisodes précédents, et à la fois il profite de la liberté totale dont il dispose. Cette fin en bonne et due forme propose un voyage qui sollicite toute la confiance que le lecteur a pu placer dans le créateur. Durant les premiers épisodes, il est légitime de s'agacer des incongruités énormes, des coïncidences opportunes, des situations bien arrangeantes évoquant le scénario bricolé à la va-comme-je-te-pousse. Or tous ces motifs d'agacement et d'irritation trouvent une justification cohérente avec le reste de la série.

À condition d'accorder ce supplément de confiance à John Byrne, le lecteur peut profiter de cette salade russe au fort goût de comics à destination d'un lectorat moins âgé. Allez, c'est parti : on mélange toutes les situations improbables que seule une imagination enfantine peut apprécier ! Et une incarnation de Jasmine, et une deuxième, des dinosaures (ouais ! c'est toujours cool des dinosaures), des soldats de la seconde guerre mondiale, une belle voiture américaine des années 1950, et même un superhéros dérivatif de Superman et de Mighty Man (personnage apparu dans les pages de Savage Dragon). Et d'ailleurs des belles voitures à la carrosserie rutilante et des dinosaures, ça évoque aussi la série Xenozoic de Mark Schultz.

D'une certaine manière il s'agit d'un hommage aux comics du Silver Age, d'une autre Byrne pervertit ces références en augmentant le niveau de violence et en insérant par 2 fois une menace de viol (un thème récurrent chez lui, parfois dérangeant dans la façon dont il est abordé). Toutefois, le propos de Byrne n'est pas de jouer sur une nostalgie facile pour titiller les adolescents attardés. Au fur et à mesure du récit, les séquences se déroulant dans les années 1970 apportent une touche de réalité peu reluisante qui contrebalance les agrégations les plus improbables. L'évocation de Greenery (l'environnement virtuel paradisiaque dans lequel les Next Men ont grandi) et le sort final de l'un des Next Men semblent aller dans le même sens : opposer une réalité prosaïque au besoin d'évasion de la réalité (de divertissement) de l'individu. À la lecture, Byrne privilégie son histoire, l'aventure et les rebondissements, avec cet imbroglio généré par les voyages dans le temps. À la réflexion, il semble opposer la réalité à l'imagination comme 2 mondes irréconciliables, en indiquant que l'individu est soumis aux contingences matérielles sans espoir d'en réchapper.

En tant que dessinateur Byrne continue également sur sa lancée. Ses mises en page sont toujours aussi efficaces, qu'il s'agisse de Jasmine cherchant à échapper à un dinosaure ou se battant contre un homme des cavernes, le mouvement est fluide, chaque case continue la précédente de manière logique. En cohérence ave le scénario, Byrne s'amuse à insérer des images renvoyant à des stéréotypes des comics. À la cinquième page de l'épisode 40, la deuxième case comprend l'homme des cavernes fuyant la bouche grande ouverte avec tout l'arrière plan de la case occupé par le dinosaure toutes dents dehors. Il s'agit d'un cadrage et d'une direction d'acteur directement empruntés à Jack Kirby. La découverte d'un vaisseau spatiale dans cette zone apocalyptique offre au lecteur une forme épurée, presqu'abstraite, en complet contraste des ruines informes aux alentours. L'évocation d'un groupe de superhéros en plein vol semble extraite d'une planche du Fourth World de Jack Kirby. Il prend un évident plaisir à dessiner la voiture (de type Ford Thunderbird) utilisée par les 2 agents spéciaux Cynthia et Gower.

Mais c'est aussi la limite de son parti pris. Bien que ce véhicule finisse sa course dans un tas d'immondice, il ne subsiste aucune marque sur la carrosserie. Et bien que les 2 agents sachent qu'ils vont devoir transporter plus que 2 passagers, ils conservent quand même ce modèle à 2 portes plutôt exigu. le dernier épisode se déroule dans l'espèce d'espace tout blanc apparu dans le tome précédent. Si cette absence totale de décors fait sens dans le contexte de l'histoire, il est difficile d'oublier totalement que Byrne n'est pas très porté sur les décors et que cela constitue un raccourci graphique (autant d'arrière plan avec rien à dessiner) significatif.

Avec cet épilogue, Byrne clôt sa série en conservant le ton propre développé spécifiquement pour elle. Les aventures occupent la première place du récit, les Next Men continuent de souffrir (surtout les femmes), et les paradoxes temporels autorisent toutes les situations les plus rocambolesques. Au fil des pages, il est visible que Byrne se fait plaisir en tant que dessinateur et qu'il n'a rien perdu de sa maîtrise de l'art séquentiel. Ce tome apporte une vraie fin aux aventures des Next Men, dans la lignée des thèmes principaux de la série. Il est possible également d'y voir un hommage à une forme de récits destinés à la jeunesse (des dinosaures, trop cool), et au regret de l'auteur de l'obsolescence (= des comics qui ne se vendent pas) de cette forme de narration.

En 2011, Byrne avait également réalisé, en parallèle de la fin des Next Men, une histoire courte d'espionnage : The Damocles contract. En 2012, il a également lancé une nouvelle série de superhéros : Trio.
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