AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Marc Porée (Éditeur scientifique)Laurent Bury (Traducteur)
EAN : 9782070412891
848 pages
Gallimard (06/07/2006)
3.48/5   65 notes
Résumé :
C'est dans son " Don Juan " que Byron a mis le meilleur de lui-même.
Bien décidé à tourner en dérision les grands modèles littéraires (Homère, Horace, Le Tasse), il y tord aussi le cou aux clichés romantiques (qu'il contribua pourtant à imposer sur la scène européenne), pour renouer avec l'esprit subversif de son cher XVIIIe siècle. Il y impose son goût, contre vents et marées, et surtout contre la pudibonderie de ses contemporains. À rebours du mythe, il fai... >Voir plus
Que lire après Don JuanVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
"Think you, if Laura had been Petrarch's wife,
he would have written sonnets all his life ?"
(chant III)

André Maurois a écrit un beau livre, nommé "Don Juan, ou la vie de Byron". Est-ce que Byron est vraiment le Don Juan de ce poème ?
Vu sa réputation sulfureuse, on pourrait le croire.
Dans le film "Gothic" de Ken Russell, Byron est représenté par un Gabriel Byrne ténébreux, diabolique et boiteux à souhait - un véritable de Peyrac ! - et rien que le son de sa démarche claudicante fait trembler le pauvre Polidori qui l'adore et le déteste à la fois. Il a dû faire la même impression à beaucoup d'autres ! Dans le même film, on voit aussi un guide suisse qui montre aux touristes la villa Diodati au bord du lac Léman, en précisant que c'est là où loge le célèbre lord. Les dames présentes trépignent d'excitation en poussant des petits cris indignés. Oh dear, how scandalous !
Voilà Byron. Poète romantique, esprit brillant de son époque, cynique, misogyne, libertin et narcissique, mais aussi un homme épris de la beauté, de la liberté et des grands idéaux. Beau visage et pied bot. Faiseur de rimes qui a traversé l'Hellespont à la nage, ce qu'il n'oublie pas de rappeler dans ce long poème, qui est davantage un roman en vers.

"Don Juan" est souvent considéré comme son oeuvre la plus aboutie, et le héros principal est finalement plus proche de Byron que Manfred ou Childe Harold, pourtant des prototypes d'un "héros byronien" littéraire, car on y trouve aussi beaucoup d'autodérision.
Byron a peut-être choisi ce thème pour construire son poème sur une légende généralement connue, peut-être était-il influencé par Shelley, un grand amateur de l'opéra de Mozart... qui sait ?
Quoi qu'il en soit, le légendaire amant héroïque n'a pas grand-chose à voir avec le "Donny Johnny" (comme il l'appelait devant ses amis) de Byron. On ne sait rien du passé du Juan légendaire; il arrive déjà en tant que Don Juan le séducteur, tandis que celui de Byron le devient un peu malgré lui.
On assiste à sa naissance à Séville, et à l'éducation superficielle de sa mère, doña Inès, une femme "savante" qui s'exprime en formules mathématiques (tout comme la première femme de Byron, Anabella Milbanke, ce qui n'est certainement pas un hasard). A l'âge de seize ans, Juan est un jeune homme au charme fou, naïf et candide, et il commence à attirer dangereusement la gent féminine. D'abord l'amie mariée de sa mère, ce qui va déclencher une vague d'incroyables péripéties à travers 16 chants et une bonne dizaine de milliers de vers qui forment le récit.
Exil à Cadix, naufrage, repère de pirates, esclavage en Turquie, cour impériale en Russie, mission en Angleterre... malheureusement, Byron est lui-même mort (à 36 ans) avant d'avoir le temps de faire guillotiner son héros en France.

Son Don Juan est un idéaliste au grand coeur, plein d'élan vital, que le destin pousse d'une femme à l'autre même si ses intentions sont peut-être sincères. Les femmes le désirent, et il se laisse balloter par le courant de ses aventures; la fin de chaque chant est en général remplie de cadavres et seul Juan passe victorieusement dans le suivant. C'est une sorte de narration picaresque (un peu comme chez Sterne ou Fielding), burlesque, intelligente et très politiquement incorrecte.
Il était doué, ce joufflu britannique, très doué ! Il n'a pas peur de scènes qui pourraient être qualifiées d'obscènes ou d'impudiques, si elles n'étaient pas si terriblement drôles ! La préface était immédiatement censurée par son éditeur Murray, car Byron y attaque (avec beaucoup d'esprit, mais sans ménagement) tous les poètes contemporains, l'aristocratie londonienne et même leurs animaux domestiques. L'histoire même est pleine de digressions et d'observations qui vont dans le même sens, mais Byron excelle tout autant dans les passages lyriques.

Le tout est écrit en pentamètre iambique, particulièrement adapté à la langue anglaise. Ce qui fait qu'une bonne traduction dans une autre langue est presque impossible. Les syllabes atones alternent avec les syllabes accentuées - ta dam, ta dam - comme les battements de coeur. C'est très agréable à lire, et certainement encore plus à réciter à haute voix. Mais voilà où je me suis perdue, car au bout de quelques centaines de strophes, on se laisse tellement porter par le beau rythme de cette "ottava rima" qu'on perd parfois le sens des mots. C'est beau, inventif et amusant, mais c'est aussi sacrément long !

Faut-il se lancer dans "Don Juan" de Byron ? Pour finir, un peu de boniment de foire, pour essayer de vous vendre cet ouvrage de 1819, qui a seulement deux critiques à son actif : Trois dans le même lit ! Amour ! Trahison ! Lettres passionnées ! Escrimeur nu ! Syphilis en pleine fleur ! Consommation de sang ! Cannibalisme ! Vers iambique ! Sex on the beach ! Vous trouverez tout cela, et bien plus, rien que dans les deux premiers chants de "Don Juan". Je vous laisse imaginer ce que vous réservent les autres... ! 4,8/5

"Let us have wine and women, mirth and laugter,
sermons and soda water the day after."
Commenter  J’apprécie          6819
Il y a peu d'écrivains aussi sulfureux que Lord Byron qui arrivent à ce point à rester sympathiques. Bisexuel, amant de sa demi-soeur, beau ténébreux ayant mené une vie de décadence et de débauche ; errant à travers l'Europe avec son ours apprivoisé, son gondolier vénitien et autres bagages... Mais aussi âme rebelle, épris de liberté et de justice, ayant défendu les tisserands anglais contre l'industrialisation, les Arméniens contre les persécutions turques, et mort en volant au secours des Grecs insurgés (secours très symboliques du reste d'après Trelawney) ! Mais c'était surtout un immense et formidable poète.

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, cette longue ode poétique de dix-sept chants est très facile à lire. D'un style flamboyant et magnifique bien sûr, mais également pleine d'humour ! Fidèle à son goût du scandale, Byron revisite le mythe hautement moral de Don Juan pour... L'inverser totalement.

Don Juan n'est plus le séducteur violent et cynique que l'on croise de Tirso de Molina à Mozart. C'est un adolescent naïf et plein de bonne volonté, qui séduit les femmes de façon totalement involontaire ! Les circonstances l'arrachent à l'une, déjà la suivante s'empare de lui ; et ma foi il se laisse faire. Il y a là probablement un côté autobiographique ; malgré son pied bot Byron était réputé pour sa beauté. Sa célébrité et l'identification de l'écrivain et de ses héros ne faisait qu'accroître son prestige, et même si le terme « groupie » est un peu fort pour désigner nombre de ses admiratrices féminines, il n'est peut-être pas si loin de la vérité !

Les voyages de Don Juan à travers l'Europe et l'Orient font également échos aux siens, notamment à travers les îles grecques. Pour accentuer la ressemblance, il ajoute de longue digressions sur sa propre vie, et en profite pour régler ses comptes avec ses ex maîtresses, femme, amis, ennemis, rivaux et on en passe.

Il rajouta également des chapitres originaux, alors que les différents Don Juan reprenaient alors tous à peu près les mêmes épisodes. Celui avec Haydée inspira notamment un magnifique tableau au peintre préraphaélite Ford Brown.

Une oeuvre novatrice, satirique et ironique donc. Mais avant tout, l'oeuvre finale et inachevée d'un esprit fulgurant et pétris des plus énormes contradictions...
Commenter  J’apprécie          300
Une oeuvre inachevée mais étonnante, qui nous montre un Don Juan aux multiples péripéties, qui parcourt le monde: la Grèce, Istambul, le sérail, Saint-Petersbourg, l'Europe de l'Est, l'Angleterre..
Un don Juan loin de l'image que l'on en a traditionnellement; celui-ci n'est plus un séducteur cynique mais la victime plus ou moins ingénue des femmes qu'il rencontre!
Une oeuvre très intéressante, qui dépasse le cadre de l'intrigue amoureuse et qui introduit des éléments politiques, religieux, pédagogiques.. Un reflet de l'époque de Byron (début du XIX ème siècle) qui s'en prend ici au pouvoir de l'argent, aux moeurs de l'aristocratie anglaise, au sort fait aux femmes..Une oeuvre moderne et féministe par certains côtés..
Commenter  J’apprécie          40

Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
But words are things, and a small drop of ink,
Falling like dew, upon a thought, produces
That which makes thousands, perhaps millions, think;
'T is strange, the shortest letter which man uses
Instead of speech, may form a lasting link
Of ages; to what straits old Time reduces
Frail man, when paper — even a rag like this,
Survives himself, his tomb, and all that 's his.

(Chant III)

Mais les mots sont des choses, et une légère goutte d’encre, tombant comme la rosée sur une idée, produit ce qui fera penser des milliers et des millions d’hommes. Chose singulière, que la plus petite lettre par laquelle l’homme déposera une pensée au lieu de l’exprimer de vive voix, puisse établir une chaîne durable entre les siècles ! À quelle exiguïté le temps ne réduit-il pas la fragile nature humaine, tandis que le papier, — un chiffon comme celui-ci, lui survit à lui-même, à sa tombe, à tout ce qui lui était propre.
(traduction Paulin Paris)
Commenter  J’apprécie          398
But 'why then publish ?' There are no rewards
Of fame or profit when the world grows weary.
I ask in turn why do you play at cards ?
Why drink ? Why read ? To make some hour less dreary.
It occupies me to turn back regards
On what I've seen or pondered, sad or cheery,
And what I write I cast upon the stream
To swim or sink. I have had at least my dream.
(chant XIV)
................................................................................................................................

Mais pourquoi alors publier ? Il n'y a pas de récompenses
De renommée ou de profit quand le monde se lasse.
Je demande à mon tour pourquoi jouez-vous aux cartes ?
Pourquoi boire? Pourquoi lire? Rendre une heure moins morne.
Cela m'occupe de me retourner
sur ce que j'ai vu ou médité, triste ou joyeux,
Et ce que j'écris je jette dans le courant
Pour nager ou couler. J'ai eu au moins mon rêve.
Commenter  J’apprécie          410
Introduction d'Aurélien Digeon, édition bilingue Aubier Montaigne, 1968.
Si grande, si exceptionnelle qu'ait été la facilité de Byron, l'énorme volume et, disons-le, la haute qualité d'une oeuvre produite en si peu d 'années prouvent bien qu'écrire n'a jamais pu être pour lui un simple passe-temps. Il ne faut pas trop se fier à des déclarations moqueuses, dues à cette fausse pudeur, si fréquente chez les écrivains, et qui les pousse à affecter un certain mépris à l'égard de leurs oeuvres. La vérité est qu'il lisait constamment, avait une mémoire exceptionnelle, et prenait le temps de méditer, de préparer, de moduler ses vers - et de les écrire. (...) "I have no plan - I had no plan" disait-il encore à Medwin, "but I have materials". Ces "materials" il les utilise dans un commentaire qui, à mesure que l'on avance dans l'oeuvre, se fait de plus en plus envahissant. L'une de ses formules les plus fréquentes est "To our tale", revenons à notre conte : c'est avouer qu'on en était sorti. "Si j'ai un défaut je l'avoue c'est la digression."
On ne trouve guère de charpente, de cohérence même, dans ce poème immense - on n'y trouve point même ce qui, techniquement, lie ensemble les chants d'une épopée normale : l'unité centrale d'un événement capital, la persistance d'un thème majeur, comme le retour d'Ulysse dans L'Odyssée, la Chute de l'Homme dans Le Paradis Perdu ou la fondation de Rome dans L'Enéide. Ici les récits successifs ont pour lien unique la présence dans chacun d'eux du héros principal, comme dans Gil Blas. Chaque fois qu'on passe d'un épisode au suivant tous les personnages disparaissent sauf un. C'est le seul fil qui retienne ensemble ce chapelet d'aventures. Seul compte don Juan. Ici encore se manifeste le tout-puissant égotisme de Byron.
Commenter  J’apprécie          62
Sa rage ne dura qu'un instant, et tant mieux :
Un autre instant aurait pu la tuer. Pourtant,
Cette minute fit voir rien moins que l'Enfer :
Le courroux énergique est plus que tout sublime,
Il est horrible à voir, mais grandiose à décrire,
Comme l'océan déchaîné contre un récif;
Les profondes passions qui soulevaient son corps
Faisaient d'elle un magnifique orage incarné.
Commenter  J’apprécie          150
Car l'Homme, souvent injuste avec ses semblables, l'est toujours à l'égard de la gent féminine. La femme n'a d'autre choix que de se soumettre; la seule chose sur laquelle elle peut compter, c'est la trahison... A quoi peut-elle s'attendre alors? D'abord à un mari ingrat, puis à un amant déloyal. Ensuite il faudra se vêtir, allaiter les enfants,.. Sa vie est déjà finie.
For Man, to man so oft unjust, Is always so to Women; one sole bond Awaits them -treachery is all their trust.. What rests beyond? A thankless husband - next a faithless lover - Then dressing, nursing, praying, - and all's over.
Commenter  J’apprécie          70

Videos de Lord Byron (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Lord Byron
Yannick Stiassny présente "Trois âmes soeurs" de Martina Clavadetscher (trad. Raphaëlle Lacord), à paraître le 31 août 2023.
Vidéo produite par Harmonia Mundi Livre
RÉSUMÉ
Iris dans la prison dorée de son penthouse new-yorkais; Ling en Chine, ouvrière d'une usine de poupées à taille humaine; Ada Lovelace, fille de Lord Byron et mathématicienne de génie bien à l'étroit dans l'Angleterre victorienne: elles vivent à des époques et dans des lieux différents, mais toutes trois sont unies par un lien mystérieux, une quête commune qui les font braver l'ordre établi.
Roman gigogne, "Trois âmes soeurs" brouille les frontières entre l'humain et la machine, bouleverse nos a priori sur l'intelligence artificielle. Pour acclamer le pouvoir de l'imagination et activer la mécanique de la désobéissance.
https://editionszoe.ch/livre/trois-ames-soeurs
+ Lire la suite
Dans la catégorie : Poésie anglaiseVoir plus
>Littérature (Belles-lettres)>Littérature anglaise et anglo-saxonne>Poésie anglaise (101)
autres livres classés : classiqueVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (239) Voir plus



Quiz Voir plus

Les Chefs-d'oeuvre de la littérature

Quel écrivain est l'auteur de Madame Bovary ?

Honoré de Balzac
Stendhal
Gustave Flaubert
Guy de Maupassant

8 questions
11088 lecteurs ont répondu
Thèmes : chef d'oeuvre intemporels , classiqueCréer un quiz sur ce livre

{* *}