Juin 1812 en Russie. La Grande armée est en marche vers Moscou et joue à cache-cache avec les troupes russes qui ne veulent pas de l'affrontement mais applique la technique de la terre brûlée tandis que des corps de co-saques viennent harceler les 400 000 hommes sous les ordres de l'Empereur.
Quentin Margont, capitaine au 4e corps, décoré de la Légion d'honneur en Espagne, est convoqué par le Prince Eugène de Beauharnais qui commande son régiment pour se voir chargé d'une mission extrêmement délicate. Dans un village polonais traversé par l'armée, une jeune servante a été assassinée et torturée dans des conditions atroces ; son assassin, reconnu après s'être échappé par les toits a poignardé une sentinelle. Il n'y a eu que des témoins éloignés mais ils ont bien vu la sentinelle saluer l'homme de telle manière qu'on peut craindre qu'il s'agisse d'u officier. le prince donne ordre à Margont de trouver le coupable et d'agir dans la plus grande discrétion : il importe que l'affaire ne s'ébruite pas dans des rangs où triomphe la rumeur et qui regroupe des hommes de toutes origines, en particulier des Saxons et Prussiens qui ne suivent Napoléon que pour tirer parti de la Russie et seraient trop heureux d'avoir un prétexte pour rompre l'alliance.
Très vite, l'enquêteur malgré lui comprend qu'il a affaire à un colonel : cela complique considérablement sa tâche : comment faire admettre au Prince qu'un haut gradé peut être coupable de ces crimes monstrueux ? Quel poids peut avoir l'enquête d'un capitaine face à un colonel ?
L'intrigue policière, assez classique et bien menée, la poursuite du « serial killer » ne manquent pas d'intérêt mais ce n'est sans doute pas cet aspect qui retiendra l'attention du lecteur.
Les personnages sont attachants et profonds : humains, ils vivent cette situation qui les dépasse et qu'ils ne peuvent gérer chacun à sa manière : Margont, républicain convaincu rêve de fonder un journal quand il sera rendu à la vie civile, il rencontre la jeune comtesse anticonformiste Natalia Valiouska et la revoir deviendra l'objectif qui l'aidera à tenir. À ses côtés, ses amis : Lefine, un sous-officier débrouillard, toujours à l'affût d'une bonne affaire, un sympathique escroc, lui apporte une aide absolue dans son enquête ; le lieutenant Saber s'est donné comme but de revenir colonel de la campagne, il multiplie les escarmouches impatient d'en découdre ; Piquebois, un ancien hussard, blessé à Austerlitz, en est revenu changé ; Fanselin enfin, officier de la Garde, qui se joint au groupe et longtemps, refusera de manger du cheval tant il aime ces compagnons de souffrance qui tombent à leurs côtés.
Mais surtout on se souviendra de la peinture de la campagne de Russie, de son entrée en Pologne jusqu'à la Bérézina. le tableau en est extrêmement fouillé et vivant : les hommes vivent la faim, la peur, la solidarité, sont lâches ou héroïques, se raccrochent au moindre espoir pour aller plus loin. Moscou brûle et nos héros assistent impuissants à l'exécution de suspects de l'incendie, y compris des simples d'esprit. Les actes de courage les plus fous ne sont souvent que des réactions face à cette angoisse atroce. le plus difficile est à venir : marcher sans répit dans le froid, ne plus sentir ses membres engourdis, sentir la mort venir dans le sommeil salvateur.
L'auteur, psychiatre, est membre du Souvenir napoléonien et l'on sent qu'il maîtrise son sujet dans les moindres détails mais cela ne suffirait pas s'il ne parvenait à nous faire vivre cette épopée des petites gens, de ces hommes partis sans trop savoir pourquoi sur les traces de celui qu'il considéraient comme une sorte de demi-dieu.
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Un serial killer dans l'armée napoléonienne, il fallait oser tout de même! il l'a fait et il l'a bien fait...
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La mode des policiers historique est parfois décevante, mais là, le charme opère... quelques inexactitudes de vocabulaire mais un grand plaisir!
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Le 25 novembre, la Grande Armée se retrouva face à la Bérézina.
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C'était le prestige inouï de Napoléon qui avait poussé le généralissime russe à commettre cette erreur qui consternait son état-major. Napoléon avait remporté tant de victoires, que Koutouzov sous-estimait largement la désorganisation de la Grande Armée.
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Napoléon réussit un exploit qui sauva une grande partie de ce qui restait de son armée.
Les idées humanistes de la Révolution avaient fortement amélioré le Service de santé des armées. Ce courant de pensée avait bénéficié de l'expérience des innombrables batailles qu'avaient livrées la France révolutionnaire puis la France impériale.
En France l'insolence, ce n'est pas un défaut, c'est une médaille ! Cela dit, elle est pareille aux alcools forts, elle monte rapidement à la tête et fait commettre des impairs, alors n'en abusez pas.
- Capitaine Margont, ou vous êtes exaspérant, ou vous êtes très perspicace. En fait, vous êtes les deux à la fois. Quand on est perspicace, on exaspère souvent.
En France l'insolence, ce n'est pas un défaut, c'est une médaille!