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Critique de topocl


On est à Barcelone dans les dernières semaines du XVIIIe siècle,une Barcelone boueuse et battue par une pluie incessante, où le son omniprésent des cloches des diverses églises rappelle à certains leur devoir religieux, à d'autres leurs obligations de plaisirs. Indifférente à la Révolution qui a sévi pas très lojn, la monarchie expose ses débauches et ses dérives.Là s'ébattent les riches et les puissants, avides de pouvoir, d'argent et de sexe, comme tous les puissants...(et comme beaucoup d'autres) et "qui n'aspiraient qu'à une chose, comme tout le monde, tenir la queue de la poêle.".
On prépare avec fébrilité les réjouissances qui marquent le passage du siècle, on salonne, on intrigue. Quand une cantatrice étrangère est assassinée, cela entrouvre une brèche dans le passé de l'impitoyable Régent de l'Audience, Don Rafel, et malgré une enquête bâclée et un coupable fabriqué, tous ses ennemis , et ils sont nombreux et insatiables, vont s'y engouffrer pour la transformer en faille, puis en gouffre.

C'est un conte cruel et acerbe, qui dépeint de façon jouissive un milieu totalement factice et haineux, avec ses fausses dévotions, ses alliances hypocrites. Confrontant allègrement l'apparence glorieuse et les pensées putassières, revanchardes, mesquines de ses sordides protagonistes, Jaume Cabre réussit un numéro hilarant de haute voltige, dans cette société insouciante d'autre chose que d'elle-même. Car mieux vaut rire que pleurer. Il mène cela avec une truculence, une finesse, un humour dévastateurs.


Mais on peut lui faire confiance pour ne pas conduire ce simple thriller historico-politique au premier degré. Ces vaniteux d'une époque décadente nous tendent un miroir monstrueux :
Ne dit-on pas de Don Rafel:

À coup sûr, des personnes présentes dans ce cercle, don Rafel était le plus envié, le plus haï et le plus craint parce qu'il était influent, inflexible et corrompu, trois qualités qui allaient normalement de pair avec la carrière de ceux qui, en ces années de grâce, tenaient le haut du pavé à Barcelone.
(...)Il en arriva même à être tenu pour un homme politique incombustible, un de ces hommes qui savent dire que la politique ne les intéresse pas, qu'ils ne sont pas des hommes politiques, vraiment pas, et que s'ils sont là où ils sont, c'est pour rendre service, c'est différent, parce que la politique, non merci.

Ne se pavane t'il pas ridiculement à essayer ses costumes fastueux?
N'est-il pas totalement déconnecté de la vie quotidienne de ses concitoyens ?

D'une fenêtre grillagée lui parvint un relent de chou bouilli : il fit une grimace de dégoût, du chou au dîner, les pauvres gens.

Ne court-il pas en voiture à cheval, et non en scooter, concupiscent, vers sa jeune maîtresse, pas du tout intéressée, à travers les rues obscures de la ville?
Ne reste t'il pas superbe et indifférent face aux attaques, dans la certitude de son bon droit?

Il se fâcha, il rit en disant voilà bien des bêtises, ses yeux se révulsèrent, il fit claquer sa langue, se reprit à rire, dit moi ? eh ? moi ? et il nia tout, définissant cette histoire comme un sale mensonge, pourri.

Les temps ont changé, nous dit-on. Mais nous savons tous qu'il ne faut pas le croire.
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