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Une première rencontre saisissante avec Jaume Cabré, avec la première nouvelle et les premières pages de ce "Voyage d'hiver", peut-être aussi dû au fantôme de Schubert qui les hante.....un pianiste en concert qui bouscule tout, en commençant par jouer le dernier morceau du programme, la sonate D960 que Schubert composa déjà à l'agonie, pour enchaîner et terminer par l'oeuvre d'un quasi inconnu de la musique moderne....face à un public sous choc.... Une deuxième nouvelle, "Le testament", une chute aussi vertigineuse pour Agusti, le protagoniste que pour nous lecteurs....... Et que dire d'Oleguer, de "L'Espoir entre les mains", ex-facteur d'orgue qui depuis douze ans attend dans sa cellule de prisonnier des lettres d'une certaine Celia , décide de s'évader pour s'enquérir de son silence, et surprise.... Ou de " Deux minutes", une ellipse narrative de deux minutes, le temps de commettre un adultère, d'acheter un diamant de deux cent deux virgule trois carats, de prendre un repos pour fumer une clope.....le temps que le mari rentre à la maison...... Et de l'Adria au pyjama rose de "Poussières", qui aurait pû être l'homme de ma vie, et dont j'aurais été un de ses nombreux vieux livres voués à l'oubli, que Victoria dépoussière,("Le premier jour, quand il avait ouvert la porte avec ce manque d'intérêt qu'il manifestait pour tout ce qui n'était pas un livre, il lui avait demandé son âge"). et qui nous révèle le pourquoi de sa lubie de collectionneur..... Au total quatorze nouvelles aux sujets très divers . Un voyage à travers le temps et lieux divers à l'ombre des côtés obscurs de la Vie (le mal, le malheur, le mensonge, la mort....) , avec la musique et des références au "Voyage d'hiver" de Schubert en toile de fond. Des chutes vertigineuses souvent inattendues aussi bien pour nous que par les personnages concernés. Et un jeu de puzzle; plusieurs des récits étant reliés entre eux par des fils plus ou moins évidents, on peut y déchiffrer les bribes d'un roman polyphonique. Ainsi avec la dernière nouvelle il achève son voyage en revenant à son point de départ. Je ne lis pas en catalan, mais la traduction me laisse entrevoir une prose insolite, simple et naturelle. En apparence rien de trop travaillé , pourtant Cabré affirme, "– La réécriture est constante. Quand je découvre de nouvelles possibilités narratives, je les travaille avant même de savoir si elles auront leur place avec le reste du matériel narratif "-, mais efficace, précise et surprenante, qui bouleverse tous les codes de narration. Que l'auteur soit philologue de profession, -une personne qui étudie la progression d'une langue à travers celle de sa littérature-, lui confère je pense cette aptitude naturelle à jongler entre ces divers formes narratives, dont certaines très originales. Une première rencontre avec un auteur qui m'a subjuguée au départ mais après les sept premiers récits m'a laissée un peu perplexe. Je ne sais que penser de certaines nouvelles comme "Ballade" et "Je me souviens ", qui sont trop cruelles à mon goût pour en tirer un certain plaisir et "Finis Coronat Opus" qui m'a prise au dépourvu, avec son style de narration rappeur,sur fond de litanies. Quand à "Plop" c'est du Quentin Tarantino en prose, dur à lire. Un large éventail de style narratif, à l'humour trés particulier; "La Trace" qui en déploie un maximum est amusant mais là aussi un peu fort à mon goût, car il pousse le bouchon trop loin avec les Norvégiens. Donc mon enthousiasme du début s'est un petit peu éteint vers la fin.....avis mitigé. Mais lisez-le, c'est intéressant, déroutant, parfois un petit peu trop pour moi, qui aime pourtant l'insolite.Faudrait peut-être lire Cabré autrement, avec une autre perspective, plus entre les lignes..... ".....la vie n'est pas le chemin, pas même la destination, seulement le voyage, et quand nous disparaissons c'est toujours à la moitié du trajet, quel que soit le lieu." + Lire la suite |