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Critique de Rachelkaposi


ALAIN CADEO
Confessions ou les spams d'une âme en peine
Editions la Trace

Dans la quatrième de couverture du livre d'Alain Cadéo « Confessions ou les spams d'une âme en peine », on peut lire : « Qui souhaiterait recevoir les mails délirants d'un parfait inconnu prétendant être une âme perdue entre Ciel et Terre ? »
La réponse pourrait paraître évidente, et je crois bien que je serais la première à trouver la plaisanterie un tantinet déplacée et irrespectueuse.
Mais pourtant, et comme le dirait en retour Monsieur Staccato « Qui souhaiterait voir étalée sur le marché, son âme nue se débattant dans les affres du vide » ?

Cette histoire n'est pas ordinaire, puisque quelques inconnus reçoivent des messages qui ne s'effacent qu'une fois lus. Des messages qui ne s'effacent pas tout à fait d'ailleurs, puisqu'ils parviennent à nous, lecteurs, par une autre voie entre et Terre et Ciel, au moyen d'un canal de diffusion ayant pour nom les « Editions La Trace » (ça ne s'invente pas !). Et voilà comment ce qui était voué à disparaître devient à tout jamais immortalisé justement du fait de notre lecture on ne peut plus réelle.

Si bien que cette fiction délirante nous mène à un double questionnement, celui du devenir des oeuvres littéraires et de leurs auteurs, et celui de notre propre responsabilité de lecteur face à la conservation ou non des messages reçus.

«Mais rien à faire mes coquins, mes chéris, vous n'y couperez pas... Les jurys de ces assises, ne m'en veuillez pas, sont tenus jusqu'au bout de se farcir la plaidoirie d'un égaré, entre deux mondes, suspendu.
Un seul avantage pour vous, pas de roman de trois cent pages. Quelques lignes à lire. Mais chaque jour. »

Et que penser a fortiori des non-lecteurs ? Ceux qui jugent tout cela inutile ?

L'écrivain Alain Cadéo nous a envoyé un messager ayant pour nom Gaspard Staccato pour nous inciter à réfléchir à tout cela.
Et Gaspard (le gardien du trésor) a adressé à quelques inconnus, de façon entrecoupée, (Staccato) ses mails apparentés à des spams, parce qu'indésirables.
Or, qu'y a-t-il dans ces messages ? Ces spams contiennent justement tout ce qu'un écrivain ne peut dire qu'une fois mort, le contenu délivré étant inentendable pour le commun des lecteurs mortels.

Le problème, c'est qu'aucun écrivain mort n'a jusqu'à présent pu s'exprimer outre tombe.

Alors est-il possible qu'un auteur nous livre de son vivant ses aspirations en nous faisant croire à sa mort ? Oui, ricanerez-vous, on peut tout faire puisqu'il s'agit de fiction ! Mais la fiction n'est pas l'au-delà. Et la capacité de détachement a, même pour un écrivain, ses limites. Sauf pour Alain Cadéo, pour qui le basculement d'une rive à l'autre est presque devenu affaire courante.

Alors ? Passer de l'autre côté pour témoigner? Et pourquoi pas, s'il s'agit de défendre la bonne cause ? Alain Cadéo n'est-il pas capable d'accéder aux mystères de la naissance, de recueillir les paroles des mourants, de naviguer dans l'impalpable, de traverser l'espace, de traverser le temps, de faire ressusciter les morts, d'abolir les frontières du raisonnable pour atteindre le stade où penser n'est plus qu'une vibration ?

« Ici, les mots n'ont plus tout à fait la place ni l'écho qu'ils avaient. Ce sont les intentions, ces bredouillants demi-silences entrecoupés d'images, formulations inachevées, tout l'effrayant bestiaire des embryons de sensations lâché en liberté, qui viennent à l'orée de ce nouvel endroit d'absolu perfection qui est le mien. Quel tension, quel vacarme, quelle euphorie aussi ! »

Alors, ce petit livre est-il, ainsi que le suggère l'écrivain et journaliste Mohammed Aissaoui dans le bandeau du livre « un piège délicieux » ?

Personnellement, je préférerais de loin avoir été piégée par les confessions d'un écrivain, qu'avoir le sentiment d'être passée à côté d'un grand mystère rendu visible le temps d'une lecture, puis à jamais effacée de ma mémoire.
Car s'il s'agit de confessions, et non de confidences, comment ne pas faire silence en soi pour tenter de comprendre ce qui peut être compris, et saisir ce qui peut être saisi des secrets divulgués ?
Ne faut-il pas savoir être humble pour accepter de ne pas toujours être à la hauteur de ce qui nous dépasse ? Tant dans l'accès à la beauté des mots qu'à celui de la main tendue d'un auteur à ses lecteurs.
C'est sans doute ce qu'on ressent en lisant ce livre. C'est aussi ce qui le rend si unique, et si précieux.

A lire absolument. Sous peine d'effacement du lecteur, cette fois-ci).

Rachel
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