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EAN : 9782070317851
158 pages
Gallimard (31/03/1971)
3.91/5   27 notes
Résumé :
Pierres suivi d'autres textes

Par Roger Caillois

Roger Caillois

Pierres



Collection Blanche, Gallimard

Parution : 14-09-1966



«Je parle des pierres : algèbre, vertige et ordre ; des pierres, hymnes et quinconces ; des pierres, dards et corolles, orée du songe, ferment et image... Je parle des pierres plus âgées que la vie et qui demeurent après... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Pierre Caillois nous fait découvrir l'univers des pierres. Mais attention, on est loin du traité scientifique. Non, c'est de la véritable poésie. A partir de la description minutieuse des minéraux, Caillois réveille des forces telluriques qui nous plongent dans le magma de la formation de la terre, nous amène à ré-explorer les chemins de l'évolution.
Les pierres, sous ses mots, prennent des allures d'entités vivantes merveilleuses créées par on ne sait quel génie. Il nous parle de ce gouverneur de la Chine ancienne qui était passionné par l'étude des pierres et oubliait de diriger sa province. Il s'émerveille devant l'immortalité des minéraux qui à certains égards évoquent un condensé de l'univers.
C'est une prose magnifique à laquelle j'ai immédiatement adhéré.
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« Je suis belle, ô mortels! comme un rêve de pierre – C. Baudelaire », extatique beauté des langueurs lapidaires !
Françis Ponge déplorait le peu d 'épaisseur des choses dans l'esprit des hommes. Oui, les pierres méritent plus que l'acier de nos outils.
Matériau pour la main, matière pour l'esprit.
Il faudrait songer au pierres comme on songe à d'autres pays.
N'est il pas plus dense matière pour notre esprit que le monde muet des pierres, métamorphoses du silence à travers la métaphore du rêve ?
« Appartenir non pas à la terre, mais à la roche, c'est là un grand rêve... » G.Bachelard (La terre et les rêveries de la volonté).
L'attachement naturel de l'homme est à la terre, mais se pourrait il que dans le coeur des pierres se trouvent les sentiers de son âme ?
Espaces infinis, espaces de turbulences poétiques. «  la poésie est un trait d'union entre les opposés » écrivait Bachelard.
« rêver le minéral de façon azuréenne et rêver le bleu du ciel d'un façon minéral. L'unique et l'universel, l'instantané et le permanent,l'abstrait et le concret,la rêverie et la nature,le repos et le mouvement,la hauteur et la profondeur, la profondeur et la surfaces s'y allient dans un accord au sommet des valeurs. » en déduit Edmundo Morim de Carvalho.
Il y a ciel, ombre, sève, spectre, souffle, volute, drapé, lumière, obscurité, fulgurance, sommeil, rythme, transparence, mouvement, abîme dans le paysage infini des roches .
Dans son espace la pierre n'est pas froide, ni dure, ni tranchante. Dans l'étroitesse de notre réalité elle le devient.
Il faut entrer dans la permanence, dans la pleine réalité de la pierre. Un incertain regard permet d'y entrer. Encore faut il y songer...
Roger Caillois, l'enfant qui marchait dans les ruines de Reims, est un fabuleux randonneur.
Il faut le suivre de béryl blanc, en dentrite, de quartz en hématite, de pyrite en silice, de sables en ammonite, de Septaria en Jaspe.
Il observe l' « écriture des pierres » pour nous convier à la lecture des  « structures du monde ».
Géométriquement inopposables elles révèlent un ordre qui nous laisse entrevoir « des formes concevables de la perfection », la loi d'équilibre.
Le chaos luminescent qui les a engendrées nous est inconnu, il nous est inconcevable.
Elles sont d'un temps qui ne peut exister pour nous. Pression, fusion, déflagration,...Quels mots suffiraient pour rejoindre ce qui nous dépasse ?
Ces « énergies plus rudes sans instinct ni sagesse, qui sont au-delà de la vie », ces « pyrotechnies immobiles dans une nuit pétrifiées »
« Les pierres n'attestent qu'elles. ». Elles ont leur propre mémoire elles sont plus âgées que la vie.
Que cette vie que nous nommons si promptement et qui est notre unique essence.
Elles sont d'avant ce que nous sommes mais elles sont aussi la totalité de de ce que nous n'avons jamais cessé et ne cesserons jamais d'être : des poussières d'étoiles. 
« C'était une particule de poussière où se trouvait offert un monde » (Encrier-Montagne de Mi Fou).
« Je parle des pierres nues, fascination et gloire, où se dissimule et en même temps se livre un mystère plus lent, plus vaste et plus grave que le destin d'une espèce passagère ».
Naturellement remarquables, extraordinaires, merveilleuses, grandes, rares, uniques dans leur étrangeté, multiples dans leur singularité. Nous n'avons aucune réponse à donner aux pierres. Unique signe possible à notre impossible parenté.
A travers les mots de Roger Caillois, devant leur déploiement, leur hauteur, on en vient à se reprocher de ne pouvoir donner à la vie qu'une si petite échelle humaine.
Les pierres ont leur règne, elle ont leur vie.
Vie minérale. Mais acte de vie.
Elles engendrent, elles se meuvent, elles engloutissent, elles aimantent, elles repoussent, s'effritent, s'évanouissent, perdurent, se refroidissent, se fondent, s'échauffent, résonnent, explosent, se chevauchent, s'explorent, se frôlent, se perforent, se touchent, ondulent, s'imbriquent, filent, défilent, se précipitent, se renversent, se déversent, et il suffit parfois d'un simple son pour les fendre.
« à leur manière elles avertissent l'esprit qu'il est de plus vastes lois qui gouvernent en même temps l'inerte et l'organique. ».
Là «  où s'inscrit et se résume le destin entier de la tentative artistique ».
Voilà le recueil des pierres : «  le répertoire entier, le vacarme et l'opulence des formes libres ». Et il suffit d'« une aire presque incolore pour rendre sensible le miracle ».
Les pierres dans les mots de Pierre Caillois respirent.
Un nodule d'agate peut contenir l'amorce d'une vie. Une eau antérieure, un gaz enfermé là depuis la création du monde. Et par modification de la température il est possible de voir ce coeur d'agate battre sous l'effet de sa dilatation. Phénomène inorganique pour notre réalité, et pourtant le coeur de la pierre se met à battre... «  le flux et le jusant inexplicables d'une mer immense et seule, sans lune ni rivages ». le mouvement est symbole de vie.
« rien de pareil ne saurait arriver dans la réalité ».... Et pourtant la perméabilité constante des volumes et des vides étoilés nous laisse imaginer que tout sait, depuis toujours, être là.
Et c'est naturellement que les pierres inventent l'homme au voyage.
« Les Immortels savent créer des sites, y pénétrer, s'y évanouir. Il leur suffit de dessiner de peindre : une montagne surgit. »
«  Laisser passer en soi la nature, ce n'est pas pour l'homme tenter ou feindre de retourner au nerf ou à l'inerte, ni essayer de se démettre des pouvoirs qui lui sont échus. C'est au contraire, les approfondir, les exalter et les contraindre à de nouveaux devoirs ».
Qui ne comprend pas les pierres se vantera toujours de les posséder. Aucune ne lui appartiendra jamais.
Les pierres sont d'un autre règne, celui de la totalité.
Même brisée une pierre reste toujours ce qu'elle est.

Astrid Shriqui Garain
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J'ai été plongée dans un univers fabuleux : celui du règne minéral, là où les pierres naissent, croissent, évoluent, vivent.
Je les ai entendues respirer et se mouvoir à un rythme infiniment lent. Je les ai entendues converser avec leurs cousines les étoiles.
Je vous assure, c'est vraiment ce que j'ai ressenti! Et je tournais les pages délicatement de peur que toute cette magie ne disparaisse.
Roger Caillois partage son amour des pierres avec poésie et tendresse. Par leur seule description, il nous emmène dans des temps dont nous étions absents, ceux du lent refroidissement de la planète, porteurs de ces merveilles que nous découvrons aujourd'hui, avec ce petit clin d'oeil aussi pour d'autres temps, ceux d'après nous et dont nous serons à nouveau absents. Ce qui est à la fois beau et effrayant.
Faut-il connaître la géologie, les minéraux pour se plonger dans ce livre? Des agates, des pyrites, du béryl blanc, des hématites ou des cristaux, personnellement, je n'en sais pas grand chose; ce qui ne m'a pas empêché de beaucoup rêver, à l'image de ces sages asiatiques s'abîmant dans la contemplation de leurs pierres de rêve.
La description est minutieuse et le ton enthousiaste.
Quelle délectation!
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On lit "Pierres" avec circonspection, par petits coups successifs, admiratifs, prudents. Jamais très longtemps: la pierre n'est pas accueillante..

C'est très beau, parfait, le mot est exact, la syntaxe idoine.

On a un peu l'impression de lire un traité de minéralogie "vulgarisé" -si j'ose dire!- par Mallarmé. En plus limpide. Aucun sous-texte, rien qu'une patiente observation, une totale érudition.

Admirable, mais froid.
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Comme pour dégager un éclat d'améthyste au fond d'une grotte, comme les aiguilles de cristal sur un bloc, il m'a fallu creuser, polir, pour trouver dans ce recueil des pépites, des éclats. Comme l'ont déjà écrit certaines critiques précédentes, ce recueil est érudit, stylisé, travaillé, mais qu'il est froid.
Le poète évoque en prose les pierres, les cailloux, les roches. Il les décrit pour les sublimer, avec de nombreuses images, des métaphores, une profusion de couleurs. Oui, mais comment ressentir de l'empathie pour des êtres qui ne sont pas vivants ? C'est ce qui m'a manqué, il ne peut y avoir de sentiments quand il n'y a pas de chair.
D'ailleurs, les passages que j'ai préférés sont ceux qui évoquent les collectionneurs chinois du Moyen-Âge, prêts à tout pour des pierres rares, de la ruine à la folie, car, là, il y a de l'humain, de la vie. de même, j'ai apprécié la fin, où le poète parle, dit "Je", s'implique dans son sujet. Il justifie sa "passion", donnant sens, corps, à l'écriture elle-même. Ce recueil existe nécessairement, car le poète l'a voulu. Il retranscrit dans son "langage" - qui n'est pas celui des pierres, dans son "lexique", il "livre ses confidences". le poète - comme le lecteur également - occupe sa place sur terre, fait partie de la taxinomie du monde, comme les pierres, et la poésie est un moyen de dire le monde.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Rose des sables - extrait
     
Les roses de Mauritanie diffèrent des autres par la couleur et la structure. Une substance plus noble les constitue : une poussière tamisée, fine, homogène, d’un gris soyeux comme de brume ou de duvet, qui s’exténue en une presque transparence, aussitôt que diminue l’épaisseur des pétales. Ceux-ci ont conquis une première solitude. Chacun se détache, accompli, dressé pour lui-même, hors de tout vacarme, sur une assise tabulaire aux lignes presque droites, qui ne deviennent courbes qu’au lieu de leur rencontre, au moment pour elles d’éviter l’angle, qui relève de l’obédience opposée. Les demi-cercles ont germé de part et d’autre du socle. Ils sont rares. S’ils se contrarient, c’est sans hâte. Il ne s’agit plus d’une prolifération affolée, mais de plans bizarrement arrondis et obliques. En divergeant, ils assurent à la concrétion un début d’équilibre. Excroissances encore, ils sont du moins affranchis de la confusion originelle. Compensés, ils ébauchent une figure claire, où l’esprit reconnaît son lignage.
[...]
En Oklahoma, dans un autre désert, des formations fraternelles, rectilignes cette fois, approchent plus encore de la simplicité. Elles en atteignent à l’occasion le point extrême, celui après quoi il n’est plus guère que le néant. Une macle isolée unit par leur milieu deux cristaux allongés, identiques, quasi superposables : lames droites et minces, doublement biseautées, dont la section donnerait un losange presque complètement aplati. L’un des couteaux traverse l’autre, qui entrouve une encoche pour le recevoir en sa maigre épaisseur. Il forme alors avec son jumeau une parfaite croix de Saint-André. L’ocre qui imprégnait la pierre s’est réfugiée dans la large pointe qui ferme les branches. L’ombre interne, moelle pressée, est rongée par une transparence naissante. Comme l’aube mord la nuit, elle repousse l’opacité à l’extrémité des pales de la vilaine hélice et le long de leur axe ; si bien que, dans chaque bâtonnet, un nuage dessine vaguement le profil d’un sablier.
     
L’assemblage est net, ajusté avec une précision de ventouse, miraculeuse dans la pierre. Le joint est indestructible. Mortaise et tenon sont imbriqués pour toujours, sans cheville, ciment ni interstice. C’est au point que les éléments unis semblent se refléter mutuellement. Et si une cassure intervenait, elle briserait ailleurs.
     
Faire moins, faire mieux, est impossible : la sobriété impose sa loi. Le signe dépouillé fait maintenant partie d’un lexique choisi où pas une syllabe ne saurait être altérée. Une infaillible spontanéité, issue par paradoxe du règne turbulent des roses immondes, a devancé les pouvoirs conjugués du génie, de l’adresse et du calcul. Ce ne fut dessein ni choix, mais simple accomplissement, comme sont la mort, la loi de la plus grande pente, la conclusion des syllogismes.
     
Minéraux, pp. 139-141.
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Je parle de pierres qui ont toujours couché dehors ou qui dorment dans leur gîte et la nuit des filons. Elles n'intéressent ni l'archéologue ni l'artiste ni le diamantaire. Personne n'en fit des palais, des statues, des bijoux; ou des digues, des remparts, des tombeaux. [...]
Je parle des pierres que rien n'altéra jamais que la violence des sévices tectoniques et la lente usure qui commença avec le temps, avec elles. Je parle des gemmes avant la taille, des pépites avant la fonte, du gel profond des cristaux avant l'intervention du lapidaire. [...]
Je parle des pierres plus âgées que la vie et qui demeurent après elle sur les planètes refroidies, quand elle eut la fortune d'y éclore. Je parle des pierres qui n'ont même pas à attendre la mort et qui n'ont rien à faire que laisser glisser sur leur surface le sable , l'averse ou le ressac, la tempête, le temps. [...]
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Dédicace


Extrait 6

  Comme qui, parlant des fleurs, laisserait de côté aussi bien la botanique que l’art des jardins et celui des bouquets – et il lui resterait encore beaucoup à dire – ainsi, à mon tour, négligeant la minéralogie, écartant les arts qui des pierres font usage, je parle des pierres nues, fascination et gloire, où se dissimule et en même temps se livre un mystère plus lent, plus vaste et plus grave que le destin d’une espèce passagère.

Janvier 1966
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V. Testament.
II.
[...]
J'écris inventer, carrefour ; tout à l'heure, j'écrivais tâche, passion, patience, et l'humble verbe faire. Je m'exprime avec le lexique de ma condition : je n'en connais ni n'en connaîtrai pas d'autres. Les pierres n'ont pas de lexique. Mais ce n'est là, dans ma conviction, que différence locale et dit jadis un autre Grec "changer d'éclat par la surface". Le langage aussi et le banal dictionnaire qui, péniblement, en chaque idiome rassemble les désignations de toutes choses connues, me reprocheraient le moindre reniement.

Je ne me confierai pas au hasard, à l'accident, puisque la variété à laquelle j'appartiens dans l'immense taxinomie a reçu la grâce de n'en être pas esclave tout à fait. Si j'étais peintre, je ne clifferais pas d'encre le papier de riz, ni de couleurs la toile. Écrivain, comme je n'ai pas honte d'être, je ne retire pas aux mots leur sens, à la phrase sa grammaire, au discours sa cohérence. En témoignage de quoi, et comme d'autres Chinois qui signèrent plus tard des plaques de marbre qu'ils n'avaient pas peintes, à mon tour, aujourd'hui, faillible et outrecuidant comme sont aussi les hommes, coupables et juge de mon texte, et puisque c'est en outre l'usage en ce canton exigu de la nature, j'ajoute à mes confidences balbutiées et y compromets risiblement mon nom éphémère.
[derniers paragraphes du recueil].
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Vint la vie : une humidité sophistiquée, promise à un destin inextricable ; et chargée de secrètes vertus, capable de défis, de fécondité. Je ne sais quelle glu précaire, quelle moisissure de surface, où déjà s'enfièvre un ferment. Turbulente, spasmodique, une sève, présage et attente d'une nouvelle manière d'être, qui rompt avec la perpétuité minérale, qui ose l'échanger contre le privilège ambigu de frémir, de pourrir, de pulluler.
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