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Critique de ATOS


L'esprit domine le parfum. Il n'est plus et pourtant il laisse son empreinte. Il flotte et nous devinons dans son absence les senteurs d'une époque. Présage ou annonciation ? Pré-âge ou regénération ?
Baudelaire est il moderne ? Non. Singulier. Absolument singulier. Dans bien des domaines il fut le premier et à la fois le seul.
Qui annonce la modernité prononce le courant. Il n'y eut jamais de courant baudelairien. Il y a Baudelaire.C'est tout.
La folie Baudelaire comme le décrivait Saint-Beuve. Ce lieu unique. Comme le fut la maison Joujou d'Honfleur. Et même sous la plume acide de Saint-Beuve cette folie résonne comme un royaume. Un caravansérail, un carrousel, un kiosque ouvert à tous les naufrages, toutes les tempêtes, toutes les images. Mais jamais refuge des mirages.
Roberto Calasso ne nous livre pas une vie de Baudelaire. Qui pourrait l'écrire?
Il nous laisse à respirer l'odeur d'un sentiment. Et c'est l écho de cette exhalation qui nous parvient à travers ses lignes. Dans un parc il nous parvient l'instant d'une demeure, ...lumières, ombres, musiques, quelques entrelacs, quelques fulgurances, quelques silences, quelques transhumances, des voix, qui nous permettent d'imaginer quel fut ce temps qui permit à Baudelaire de nous délivrer la quintessence de son mal. «Je demande à tout homme qui pense de me montrer ce qui subsiste de la vie » voilà l'invitation du poète. Ce livre est la réponse que nous adresse Roberto Calasso.
« Je ne sais quoi d'étrange et d'enchanté / En l'isolant de l'immense nature ». et si cet « homme jeune, beau et élégant, qui marche avec une excessive précaution, comme empêché par quelque chose d'invisible qui le gène » était lui même cette « découpe sur l'informe qui l'entoure » , et qui « observe à travers lui même », tel un prisme, ce monde qui l'enserre et qui le presse.
Réversibilité du regard. Baudelaire vouait un véritable culte aux images. A tel point que Delacroix fuyait le verbe alchimiste de Baudelaire. Baudelaire voyait et décrivait l'espace qu'il découvrait. Qui mieux que cet explorateur d'extraordinaire pouvait nous ouvrir les portes du royaume de Poe ? Difficile époque où le voile de Degas se posait sur les entrechats des petits rats de l'Opéra. Difficile époque où Saint Beuve demandait « par écrit » directement au Pouvoir en place « d'assainir » le monde littéraire. Difficile époque où l'apologie de la forme tentait d'étouffer la liberté du fond. Difficile époque où se tramaient tous les drames du prochain siècle.Difficile époque où le masque d'une république recouvrait le visage d'un empire. Merveilleuse époque que celle de Lautréamont, Courbet, Manet, Mallarmé, de Rimbaud, La folie Baudelaire : une très belle polyphonie claire, riche , endiablée et extrêmement bien menée.

Astrid Shriqui Garain
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