Le passé était ainsi, on ne pouvait revenir dessus. Mais il lui fallait se le remémorer. Pour comprendre. Pour l’appréhender de manière différente, et enfin aller de l’avant.
Cette sensation, celle d'être totalement mise à nu, son âme livrée à cet homme aux yeux si singuliers, était à la fois délicieuse et extrêmement dérangeante... voire dangereuse. Ce moment, aussi curieux que ça puisse paraître, était peut-être le plus intime qu'elle ait partagé avec quelqu'un.
— Et comment va… Romain ?
Voilà, elle l’avait fait.
Elle avait prononcé son nom à haute voix, sans pour autant bloquer sa respiration. Le savoir-vivre exigeait qu’elle pose au moins la question. Même si elle espérait secrètement que la réponse mentionnerait l’un des sept cercles de l’enfer ainsi qu’une cuisson de type rôti.
Sans qu'elle y réfléchisse davantage, Scarlett se retrouva devant la porte, prête à s'échapper.
Bien sûr, sa spécialité.
Parce qu'elle ne savait pas réagir autrement. Parce que cette fois, cela dépassait - et de très loin ! - ce qu'elle était en mesure de gérer.
Il fallait croire que c'était dans sa nature, après tout.
Elle ne portait ni chaussures ni sous-vêtements, et avait seulement sur le dos sa robe dont la fermeture béait, et pourtant, elle tourna la poignée, s'apprêtant à détaler à toutes jambes.
Mais elle était fermée à clef. Et de clef sur la serrure, il n'y avait plus. Elles avaient tout bonnement... disparu !
Merde alors, elle était prise au piège ?!
Le plafonnier s'alluma subitement et elle hoqueta dans un sursaut de frayeur, pivotant brusquement, pour se retrouver face à Aidan. Debout, à l'autre bout de l'entrée, à demi nu, ne portant que son boxer noir. L'air à la fois furieux et déçu.
- Que fais-tu ? articula-t-il en fronçant les sourcils, un pli douloureux se creusant entre eux.
- Qu'est-ce que... où sont les clefs ? cafouilla-t-elle. Pourquoi... tu m'as enfermée ?
[...]
- Je craignais que tu ne fasses exactement ce que tu es en train de faire.
Parce qu'il savait qu'elle était ainsi, qu'il lisait en elle mieux que quiconque. Et qu'il lui imposait ses choix à lui. Qu'il était prêt à cacher ses clefs pour s'assurer qu'elle ne puisse le fuir.
D'habitude, je ne sors avec personne. Je me contente seulement de profiter de temps à autre des occasions qui s'offrent à moi, toutefois c'est loin d'être réellement à mon goût, ni véritablement satisfaisant. Tu es la première femme que j'essaie... non, que je m'efforce, ce serait plus juste, de séduire... Et je dois m'y prendre comme un manche. Parce que j'ai beau faire mon possible, le résultat, je le crains, c'est que je suis toujours en train de ramer aussi misérablement qu'un galérien.
C'était plutôt perfide, en fin de compte. Très calculateur... voilà d'ailleurs un adjectif qui lui allait comme un gant. Aucun homme n'est parfait...
Alors elle lança la première chose qui lui vint à l'esprit- le genre de repartie hautement intellectuelle et des plus appropriées à la situation extrêmement complexe dans laquelle ils étaient empêtrés :
— Va au diable, espèce de crétin !
Scarlett comprit subitement ce qu'avait essayé de lui expliquer sa cousine. La passion flirtait forcément avec le déraisonnable, la folie. C'était ainsi. Ces mots, même si Aidan ne faisait que répéter ce qu'elle lui avait affirmé un peu plus tôt, dans un contexte bien particulier, elle les aurait jugés angoissants quelques jours encore auparavant. Entendre quelqu'un dire qu'elle lui appartenait aurait été aussi inconcevable que terrifiant. Cependant, en cet instant, elle les trouvait juste merveilleux, si doux à son oreille. Si doux pour son coeur blessé également.
Peut-être même ne l'était-il plus désormais. Cicatrisé, définitivement. Grâce à lui.
Ça arrive à tout le monde de faire des cauchemars.
Je ne suis pas contre un bon défi, mais tout de même, il y a des limites. On peut me taxer de beaucoup de choses, mais certainement pas de stupidité.