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Critique de Stockard


Quand on est un homme de Dieu, plus précisément prédicteur itinérant, et qu'on entend parler de Rocky Comfort, une petite ville dont le péché pourrait être érigé en manière de vivre, on n'a plus qu'une idée en tête : se rendre sur place et remettre tous ces mécréants dans le droit chemin. Et ça tombe bien, on a vaguement un prêcheur dans ce style en la personne de Semon Dye, depuis le temps qu'il parcourt les routes poussiéreuses du Sud profond pour ramener les brebis égarées dans le giron de Dieu, on dirait bien que Rocky Comfort a été crée juste pour lui, une sorte de mise à l'épreuve spirituelle si on veut. Et c'est comme ça que par un après-midi caniculaire, Semon Dye et sa vieille tire rouillée débarquent dans ce petit coin oublié de Dieu qui ferait passer Patpong pour l'antichambre du paradis. En fait de débauche, c'est surtout la grande paresse des habitants qui pave leur route personnelle vers l'enfer. Confiant tout le travail à leurs esclaves noirs, ils se retrouvent noyé dans une oisiveté et un ennui profond dont ils ne sont plus capables de sortir.
Une léthargie tellement manifeste, peut-on espérer porte plus largement ouverte quand on est une grande gueule sûre de soi, écrasant la médiocrité ambiante de son suffisant mépris ? Semon Dye ne s'y est pas trompé et retourner la cervelle atrophiée des gens du cru ne sera pour lui pas plus difficile qu'une partie de dés truqués, une de ses spécialités parmi d'autres, et il n'aura de cesse de dépouiller ces pauvres individus, de coucher avec leurs esclaves et de finalement disparaitre dans la nuit, le faisant – et ça c'est fort – amèrement regretter de ceux à qui il aura laissé à peine une chemise sur le dos.

De son habituel langage rude et truculent, Erskine Caldwell nous dépeint une fois de plus la vie d'une petite ville du Sud des États-Unis, peuplée de "poor whites" pusillanimes, sous-éduqués et pécheurs devant l'Éternel.
Lui-même originaire d'Atlanta, Caldwell sort vite de son rôle de romancier pour endosser le costume de sociologue et nous faire ressentir clairement l'amour-haine qu'il voue à ces pauvres hères imbéciles que sont ses paisanos parce que s'il aimerait les détester de tout son coeur, lui qui a réussi à se sortir de cet enfer surchauffé, ça lui est bien sûr impossible, après tout peut-on vraiment renier les siens ? Caldwell ne le peut ici avec les Voies du Seigneur, comme il en fut incapable dans La Route au Tabac et le Petit Arpent du Bon Dieu. Malgré l'ironie mordante et l'humour noir qu'il insuffle à son roman, finalement il nous raconte ces petites gens qui, s'il dénonce les conditions qui les ont fait tel qu'ils sont, n'en restent pas moins des personnages authentiques qu'il affectionne bien au-delà du tableau parfois féroce qu'il nous en brosse.
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