Un jour de 2020, j'ai appris que
Joseph Ponthus allait préfacer un ouvrage sur
Henri Calet avec des textes et entretiens inédits rassemblés et présentés par
Michel P. Schmitt.
J'étais contente, impatiente, et surprise un peu (Ponthus ne parle pas de Calet dans À la ligne).
Un peu plus tard, c'était dans l'été je crois, j'ai compris que Joseph était soigné pour un cancer (il parlait chimio sur facebook, il faisait des photos amusantes de ses plateaux repas à l'hôpital, du goéland qui venait toquer à sa fenêtre et qu'il semblait avoir apprivoisé, ses amis lui envoyaient des coeurs et des encouragements...).
La terrible nouvelle est tombée le 24 février 2021. Je n'aurai jamais l'occasion de parler d'
Henri Calet avec lui, comme je l'ai fait un jour à La Maison de la Poésie avec Jean-Luc A. d'Asciano.
" On n'est pas gentil pour moi. " disait souvent Calet. Je ne sais pas qui n'a pas été gentil pour Joseph, ni pour Henri, mais l'issue a été dramatiquement la même pour les deux, encore plus précocement pour
Joseph Ponthus.
Je ne peux m'empêcher de penser bêtement que d'ici 70 ans Ponthus aurait été sauvé, tout comme aujourd'hui la maladie cardiaque de Calet serait améliorée par la pose de stents qui ne se faisait pas en 1956
* Ponthus comme Calet
extraits de la préface de
Joseph Ponthus “ Aux flâneurs des deux rives ”
"Comme lui, je suis du peuple et n'ai jamais été que ça : chômeur, travailleur social, ouvrier dans l'agroalimentaire. Comme lui, je crois n'avoir jamais su écrire que moi et les petites vies qui m'entourent. Comme lui, il se trouve aujourd'hui par bonheur que je fais le métier d'écrivain."
"Par la grâce d'un livre bien reçu par la critique, la profession et le public, me voici, comme Calet, rendu à exercer “ le métier d'écrivain ”, ainsi qu'il le définit à de nombreuses reprises dans cet ouvrage. Drôle de métier, en vérité, et Calet montre l'ombre du décor : les traites, charges et loyers à payer ; devoir accepter d'écrire articles, chroniques pour quelques salaires ; rêver du prochain grand roman mais avoir besoin de vacances ; se foutre un peu des confrères et envoyer en l'air certaines questions des journalistes ; être dans son coin du 14e arrondissement avec le Lion de Belfort pour boussole. La reconnaissance qui ne vient pas toujours à sa juste valeur."
* C'est quoi ce livre ?
Joseph Ponthus en donne la plus exacte des descriptions, autant la recopier !
"Outre la recension exhaustive des oeuvres, des articles, des entretiens donnés par Calet — ce qui constitue déjà en soi un apport majeur —, l'ouvrage conçu de manière chronologique, entremêle finement le contexte historique et littéraire de l'époque, la biographie de Calet et les textes rassemblés par
Michel P. Schmitt.
Il en apprendra autant au néophyte afin de lui permettre d'aimer sans détour l'oeuvre, le personnage et l'écrivain qu'au passionné, assuré de trouver dans ces pages nombre d'inédits. Il m'en a appris aussi, à moi, qui ne suis ni néophyte ni expert mais jusqu'alors un simple amoureux des quelques livres de Calet que j'avais lus."
Oui, c'est un livre de spécialiste, mais non, ce n'est pas un livre pour spécialistes.
C'est vrai, il a les attributs d'un travail universitaire, d'un ouvrage de référence : les notes en bas de page, les annexes bibliographiques, les indexes, l'explicitation des sources.
Pourtant, la forme savante du recueil (l'austérité va bien à Calet) procure paradoxalement une lecture passionnante, très vivante, presque un suspense : on suit pas à pas (surtout à partir de 1945) l'écrivain dans ses projets d'écriture successifs et rapprochés pour pouvoir en vivre, son opiniâtreté à justifier la forme de son travail et sa conception personnelle du métier d'écrivain.
Bon, il y a des redites, mais c'est normal : quand Calet s'exprime sur son dernier livre publié et qu'il en parle successivement pour deux ou trois revues et radios, il réutilise ses propres mots, on ferait pareil.
De plus, je ne pense pas qu'il ait été un foudre de l'auto-promotion... plutôt du genre à faire enrager les médias. Quand il en rencontre de temps en temps des pas (ou moins) formatés, cela donne de savoureux échanges, comme avec
Pierre Bergé (18 ans !),
Paul Guth,
Jean Duché, et d'autres.
Mais il lui faut aussi répondre à des questions bateau (ce que les journaux appellent des enquêtes, lancées auprès de plusieurs auteurs à la fois) comme : “avec quel héros de roman passeriez-vous vos vacances ?”, “tenez-vous un journal ?”, “de qui les écrivains tombent-ils amoureux ? ”, “l'oeuvre de
Victor Hugo vous a-t-elle influencé ?”, “y-a-t-il une crise du roman français ?”, “quel cadeau de Nouvel An souhaiteriez-vous recevoir ?”, etc.
Une dernière : “quel cadeau de Noël feriez-vous à un enfant célèbre de la littérature ?”. Calet choisi Poil de Carotte, pour lui offrir “une bonne maladie” qui contaminerait tous les Lepic et ferait de lui un orphelin !
Je me disais mais je me trompe peut-être, que de nos jours les chroniqueurs littéraires ne posent plus de telles questions aux écrivains...
Calet, lui, s'en tirait avec des pirouettes délectables ou des
aphorismes à l'humour “gris”.
* Prérequis
Je recommande quand même de lire un ou deux Calet non commentés avant d'entamer celui-ci, pour se mettre dans l'ambiance.
On m'a déjà demandé lesquels pour commencer... le genre de question qui me paralyse... alors presque au hasard :
le Tout sur le tout, L'Italie à la paresseuse (ce sont les premiers que j'avais lu je crois, quand
Alain Bonnand me l'avait fait découvrir en 2013, m'écrivant : “ Allez-y en confiance, il vous plaira beaucoup : c'est mon grand frère, je viens de le vérifier de nouveau et il habitait pas loin de chez vous... ”).
Mais c'est seulement pour commencer !
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