Citations sur Lady Pirate, Tome 1 : Les valets du roi (18)
Le respect, Read, c'est comme la confiance, ça se mérite et ça doit se gagner.
J'aime l'intrigue. C'est sans doute un défaut, mais il me plaît de penser qu'une femme ne serait pas complète sans son goût pour les mystères. Ils lui permettent souvent de s'élever dans une société où, hélas, on ne lui prête qu'une place relative. En clair, mon cher, j'aime écouter, surprendre et vibrer de détenir certains secrets qui m'assurent une respectabilité et une impunité totales. Souvenez-vous-en, mon garçon. La liberté des êtres est à ce prix. Car on ne respecte en ce bas monde que ce que l'on craint.
Comme disait sa mère : "On peut lire Erasme, parler anglais et français autant que flamand, sortir premier du collège et se comporter comme le dernier des ânes bâtés ! "
Ne te perds pas en voulant trop gagner.
- En ta qualité de garçon, lady Read te donne ce qu'une fille ne peut avoir en ce monde ! Tu reçois les leçons des meilleurs maîtres, tu apprends à te battre aussi. Si j'avais su tout cela Mary, si les femmes de ce temps avaient accès à cette connaissance, je serais libre. Nous serions toutes libres. Ne laisse pas passer cette chance, lui assura Cecily le soir-même comme Mary lui racontait l'objet de son courroux. Prends ce que l'on t'offre. Et nul, jamais, ne deviendra ton maître.
- Qui suis-je, mère ?
- Tu es un ange, répondit Cécily en laçant avec application les chaussures cirées de Mary.
Ce 8 avril 1686, du haut de ses sept ans, la fillette reçut cette affirmation d'un air dubitatif. Plantée devant un miroir en psyché, piqueté de rouille et d'usure, examinant sa mise sous tous les angles par un mouvement souple de ses hanches fines, elle ne parvenait à se plaire.
Le miroir lui révélait un être au sexe indéfini. Les cheveux roux bouclés avaient été si mal coupés que certaines mèches retombaient sur la nuque, ou se dressaient en pique sur le crâne, tandis que d'autres venaient balayer les joues creuses, constellés de taches de rousseur, jusqu'au nez aquilin. La bouche avait encore la pulpe de l'enfance et le regard sombre en rehaussait la fragilité.
Dans ses robes élimées de jouvencelle que sa mère lui taillait dans ses propres vêtements trop usés, Mary était quelquefois parvenue à se trouver mignonnette. Dans cet accoutrement que sa mère la forçait à porter depuis quelques mois, c'était moins évident.
- Mais suis-je une fille ou un garçon ? demanda-t-elle encore.
- Les anges n'ont pas de sexe, ma chérie ! Tu es une petite fille dans l'habit d'un garçon, Mary. Cependant, cela doit rester notre secret. Tu ne voudrais pas que ta pauvre maman soit une fois encore rejetée du grand monde où nous allons ?
Changer le monde est une tâche immense et un fardeau bien lourd à porter.Un seul être ne peut y suffire, pas davantage qu'une année. J'ai l'ambition de mes limites. Je ne rêve pas de conquérir, mais d'instruire et de protéger. Parce que chaque être sur cette terre a une place et un rôle à y jouer.
_ Je ne m'imagine pas mourir dans ce lit, Niklaus, peu importe la manière. Je veux regarder la mort en face et me battre contre elle pour la braver.
Il passa son bras musclé autour de ses épaules et les caressa.
_ C'est aussi la réflexion que je me suis faite, admit-il. Quand tu as failli passer à la naissance d'Ann Mary, j'ai compris que tu n'étais pas faite pour la vieillesse et l'apathie.
Niklaus lui sourit et écarta une mèche rousse qui s'entêtait à venir balayer le nez de Mary. Il aimait le soyeux de ses cheveux, il ne se lassait pas de ses taches de rousseur sur le nez, ni du noisette de ses yeux ni du rosé de ses lèvres. Il ne se lassait pas de son souffle, de ses gémissements au plus fort de leurs étreintes, de sa manière d'en réclamer encore en pressant plus fort ses doigts au creux de ses reins. Il ne se lassait pas du parfum qu'elle portait, ce parfum de sensualité et de maternité mêlées. De ces manières de femme où perçait souvent la rudesse de ses habitudes de soldat, de ses habits de garçon qu'elle adorait porter contre toute bienséance pour s'activer à la basse-cour où à l'écurie à ses côtés, de son espièglerie lorsqu'ils bouchonnaient les chevaux ou trayaient leurs deux vaches, s'amusent à s'arroser de lait en penchant le pis de côté.
De sa façon de l'entraîner dans le foin d'un mouvement d'index assorti d'un regard coquin, tandis qu'au-dehors, sous la surveillance de Milia, les enfants chahutaient. Il aimait son rire, ses colères, ses entêtements aussi stupides que les siens pour des broutilles, leurs réconciliations, leur tendresse.
Les cimetières ne servent à rien, Mary, sinon à enterrer l'âme plus vite dans l'oubli des cœurs. Désigne plutôt une étoile dans le ciel pour accompagner mon éternité, ainsi où que tu sois, je veillerai toujours sur toi.