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Voici ce qui me reste de cette lecture ancienne, en quatre mots-clés :
*AMOUR : ce qui s'échappe, ce qui semble certain un moment puis redevient destiné à Liverpool. L'amour est anglais.
*POLITIQUE : le constat est assez désespérant sur son utilité, cela changera bien peu de choses à Cottolengo, à la Cité.
*COMPASSION : celle que gagne Amerigo mais à laquelle il ne peut s'accrocher : il comprend pour un instant ce « qu'il faut exiger de la société » et ce qu'il faut atteindre « par soi-même ».
*ÉPIPHANIE : comme celle que Calvino refuse.
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Ce petit livre très court est né d'un fait à la limite de l'anecdote, point de départ d'une réflexion sur la démocratie, et de questions qui restent d'actualité.
L'histoire se passe dans l'Italie des années 20 : Amerigo, communiste, occupe la fonction de scrutateur dans le bureau de vote du quartier Cottolengo à Turin. Ce quartier est une sorte de ville hospice ou asile. Les électeurs sont infirmes, grabataires, voire déficients mentaux. Au vu de ce spectacle, Amerigo a bien peur que le résultat des élections ne soit joué d'avance, car « on votait ici pour un seul parti : tout le monde le savait n'est-ce pas ? Alors à quoi bon s'agiter et compliquer les choses ? », pour le parti démocrate-chrétien a priori, les électeurs votant la main guidée par le personnel de l'institution religieuse. Italo Calvino fait de ces faits bruts une matière riche. le défilé d'électeurs est le reflet d'une Italie profonde, le scrutateur se doit de refuser le vote de ceux qui sont de toute évidence inaptes à voter et manipulés, mais en même temps, quand il refuse un vote, il a l'impression d'aller à l'encontre de ses idées, il vit une espèce de crise morale, se posant des questions sur le sens de l'humanité. le constat est assez désespérant par rapport aux magouilles des hommes politiques et à la bêtise humaine, mais les questions sur les limites de la démocratie sont saines et pertinentes, même si sans réponse.
Chapeau pour avoir réussi à concentrer tout cela dans un roman d'une centaine de pages !
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Le moins mauvais des systèmes politiques : Calvino en illustrateur de Churchill

Avec le court récit de la longue journée du scrutateur Amerigo Ormea, chargé de surveiller un bureau de vote situé au sein du quartier Cottolengo à Turin, en fait une sorte de ville hospice, nous sommes invités à nous interroger sur le fonctionnement de la démocratie.

Si dans un premier élan Amerigo tombe sous le charme d'une démocratie qui n'a pas honte d'afficher le plus grand dénuement et qui semble capable de rassembler ceux que l'on pouvait penser irréconciliables ( à l'image du groupe de scrutateurs officiant de concert), le doute devient rapidement son plus sûr
compagnon.
Devant le spectacle offert, bien malgré eux, par des électeurs infirmes et parfois déficients mentalement, le communiste Amerigo craint que les jeux ne soient faits d'avance : « On votait ici pour un seul parti : tout le monde le savait n'est-ce pas ? Alors à quoi bon s'agiter et compliquer les choses ? » ( dans l'esprit d'Amerigo il s'agit du parti démocrate-chrétien italien …).

C'est dans ces conditions que notre scrutateur occasionnel se penche sur la notion d'humanité pour déterminer si certains électeurs du quartier sont bien en mesure de voter en citoyens libres et éclairés. Ce faisant, il ne peut éviter de soulever le paradoxe d'une démocratie, par essence égalitaire, qui pour assurer son fonctionnement et asseoir sa légitimité, doit écarter certains de ses membres ( les gouvernés) lors de la désignation de ses représentants ( les gouvernants).

Certains pourront expliquer ce paradoxe par le fait que la démocratie bénéficie à tous, y compris ( surtout ? ) à ceux qui sont les plus faibles. Cela en effet paraît justifier des pratiques discriminatoires au moment du vote entre ceux qui peuvent faire un choix et ceux qui ne le peuvent pas. La journée d'un scrutateur renvoie également à la question plus générale du citoyen et du « bagage » dont a besoin celui qui vote. Thomas Jefferson, l'un des pères de la démocratie américaine, voyait dans l'école le plus sûr moyen de fabriquer de bons citoyens. Il affirmait également que tous les hommes ne sont pas égaux en intelligence : comme quoi rien n'est simple quand on réfléchit sur la démocratie !
Lien : http://www.critiqueslibres.c..
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j'ai entamé, dans la douce montée du soir, jusqu'à ce que l'obscurité me chasse, "la journée d'un scrutateur" d'Italo Calvino qu'assez inexplicablement je n'avais jamais lue. Avec le plaisir de la construction du récit comme toujours et de ce jeu entre auteur et héros, avec le sentiment de retrouver (grosse nuance : n'ai pas eu le droit à un électorat aussi particulier) ce que j'ai vécu, ce groupe qui se crée, à travers les antagonismes de parti, entre les membres du bureau, ce renoncement parfois aux règles, par résignation un peu, par souci d'en rester au principal, cette humilité et la force de ce qui n'est pas qu'un rite, ce détournement, ce questionnement sur la démocratie...
Mais aussi, ce questionnement sur ce qu'est l'humain, ce refus et ce besoin de hiérarchiser, l'adhésion à un idéal, le lien détendu, le poids de l'histoire et l'habitude des défaites et victoires qui n'en sont pas, etc.
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J'ai revécu, en lisant La journée d'un scrutateur, deux expériences passées : tout d'abord, mes années de travail à l'hôpital psychiatrique St-Jean-de-Dieu (l'actuel Institut universitaire en santé mentale de Montréal), en la Cité de Gamelin (l'hôpital et son territoire avaient statut de municipalité). La description que Calvino fait du Cottolengo de Turin m'a remis en mémoire l'architecture bizarroïde de St-Jean-de-Dieu. le rapprochement est frappant. Mais Amerigo, le personnage central, ne voit pas que l'architecture, il rencontre aussi des êtres, les religieuses et les patients qui sont également de l'image que St-Jean-de-Dieu a imprimée dans ma mémoire.

«L'institution occupait à elle seule tout un quartier; elle comprenait un ensemble d'asiles, d'hôpitaux, d'hospices, d'écoles et de couvents, presque une ville dans la ville, ceinte de murs et soumise à d'autres lois. Elle avait les contours irréguliers d'un corps qui a grandi par à-coups, au hasard des legs, constructions et initiatives; derrière les murs pointaient des toits, des clochers d'églises, des cheminées, des frondaisons; quand la rue séparait deux bâtiments, ils étaient unis par des passerelles couvertes, comme certaines vieilles bâtisses industrielles qui ont grandi en fonction des commodités bien plus que de l'esthétique, et qui sont elles aussi entourées de murs nus ou de grilles.» [I. C.]

L'autre souvenir en résurgence est celui d'une journée passée debout dans le gymnase d'une école pour agir comme « agent de sécurité » dans un bureau de vote au moment d'une quelconque élection (scolaire?). Médiocre expérience!

Mais, quel petit livre! J'ai été touché!

Lien : https://rivesderives.blogspo..
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Calvino, scrutateur de l'homme en démocratie.

Dans ce récit romancé, Italo Calvino nous fait part d'une expérience vécue en tant qu'assistant à un bureau de vote dans l'Italie des années 50. Résumé de cette façon laconique, La Journée d'un scrutateur pourrait très vite apparaître comme au mieux un livre de témoignage anecdotique mais l'auteur est un véritable écrivain et il transforme rapidement cette matière brute en une réflexion très inspirée et très féconde. Grâce à des digressions suscitées par ce défilé d'électeurs, véritable concentré d'une "Italie profonde et cachée" , il s'interroge toujours avec pertinence et sans aucune certitude sur les limites de la démocratie et la place de l'homme dans la société et au-delà. Il se permet même le luxe de remettre en perspective (succinctement, cependant!) des débats du début du 20ème siècle sur ces problématiques. Réussir à faire tenir toute cette richesse dans un livre d'une centaine de pages et à partir d'un fait divers de sa vie personnelle: Bravo l'artiste!
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Sur un ton plus sérieux que dans ses autres livres, Calvino raconte ici l'évolution morale d'un scrutateur passant la journée à faire voter des handicapés moteurs et mentaux...Inspiré d'un fait divers, le récit, court et sobre, est une diatribe contre la bêtise et la folie des hommes politiques prêt à tout pour obtenir plus de votes.
Néanmoins, le livre ne laisse pas un souvenir impérissable, la faute à un personnage principal trop effacé et une évolution morale qui finit en tire-bouchon. le style si particulier de la Trilogie des ancêtres et des oeuvres plus méta-textuelles de Calvino sont remplacés par une écriture à la première personne classique.
Un livre au sujet intéressant mais qui manque le coche et ne parvient pas à marquer le lecteur.
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Avec un sens aigu de l'observation et un engagement politique désabusé, un citoyen de gauche participe comme scrutateur à une journée de vote où les irrégularités seront nombreuses (les religieuses qui votent sur ordre, les personnes handicapées qu'on "fait voter"), les protestations inutiles - d'ailleurs il y renonce - et la démocratie un grand jeu de faux-semblants... Ce court texte n'a rien perdu de son actualité.
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Critique du site ubucasa:

Italo Calvino publie le roman La journée d'un scrutateur en 1963, qui marque la fin de sa période néo-réaliste. Intellectuel communiste, il a rompu avec le Parti lors des événements de Hongrie pour se consacrer au journalisme.
Pourtant, il n'a pu s'empêcher de revenir sur son passé de militant. le scrutateur, c'est celui qui, délégué par sa formation politique, observe les conditions de vote et s'assure que la légalité est respectée. Notre scrutateur, communiste, se retrouve dans un fief de la démocratie chrétienne : un hospice où grabataires et handicapés profonds votent, la main guidée par le personnel religieux de l'institution. le militant connaît une sorte de crise morale : il est en droit de refuser le vote de ceux qui, manifestement, n'ont plus leur santé mentale et qui sont manipulés par les religieuses. Pourtant, ce refus, il le ressent comme un déni de citoyenneté : il a l'impression d'enterrer ses convictions profondes sous son action politique, d'oublier ses principes tant l'adversaire se fait pressant.
Un texte humain, loin des fadaises convaincues, à défaut d'être convaincantes, et des mièvreries gentillettes des imposteurs coutumiers, qui récitent la litanie de leurs lectures infantilisantes de la philosophie - où tout est souvent la faute de mai 68, ces derniers temps - ou de leurs préceptes religieux -trop d'exemples pour n'en citer qu'un, alors on va dire Coelho, Guy Gilbert et les autres gnangnans - en solde. Ici, la perception offre la justesse des nuances : le conflit ne se résume pas à un choix cornélien mais à des humeurs changeantes, et la crise s'insinue plutôt qu'elle ne se déclare. Il est rare de trouver un texte de militant qui n'assène pas : c'est peut-être parce que Calvino sait combien l'éthique personnelle coûte, ainsi que la solidarité et un certain humanisme distancié des grandes phrases creuses, quand elle se poursuit pas à pas, à hauteur d'homme.
Lien : http://ubucasa.skynetblogs.b..
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Calvino nous propose de vivre la journée d'un scrutateur italien. Proche de la gauche (à l'instar de Calvino) il doit tenir un bureau électoral situé dans un hospice catholique. Il assiste donc au défilé des infirmes et des fous, qui votent sous la tutelle attentive des religieuses (proches de la droite). Devant cette manipulation grossière du vote et la désaffection des membres de son parti, le scrutateur remet en question l'acte électoral et s'interroge sur l'importance du suffrage universel. le lecteur est également conduit sur ces interrogations, la mise en scène très visuelle et caricaturale permettant une allégorie des élections pour l'ensemble de la société. Au fond, à quoi rime ce défilé d'électeurs ? Qu'expriment-ils réellement en déposant leur bulletin dans l'urne ? L'atmosphère du texte s'assombrit au fur et à mesure, donnant une teinte assez pessimiste. Les élections semblent détournées de leur vocation originelle et l'idéal démocratique dénaturé. Néanmoins, cette constatation de l'auteur est circonstancielle, ouvrant la possibilité d'une évolution. Les pistes suggérées dans cette nouvelle peuvent se comprendre si nous raisonnons a contrario des scènes où le vote est dénaturé. le texte invite finalement l'électeur à réfléchir sur ce qui le manipule ou sur les oeillères qui peuvent l'empêcher de voter de manière libre et éclairée. Ainsi, ce texte peut se lire comme un appel à la lucidité, à l'intelligence et au refus de voter sous l'influence de la peur ou de fausses informations... (Plus sur Instagram)
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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