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sur 1259 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Depuis son horrible blessure, acquise pendant la guerre avec les Turcs, le vicomte Médard de Terralba est animé d'une furie pourfendeuse. A son image, il coupe en deux tout ce qui croise infortunément son chemin. Par ce geste barbare, il fait oeuvre bienfaisante, estimant que la moitié restante est « mille fois plus profonde et précieuse que la partie perdue » (il prêche sans aucun doute pour sa paroisse).

Mais bientôt, certains témoignent avoir vu celui qui sème le mal partout agir avec bonté (le gentil avec sa morale contraignante n'est-il pas pire que le mauvais ?) – puis de nouveau revenir à ses anciens penchants. Dans cette confusion, la jeune bergère dont il est amoureux est la seule à avoir compris la double nature de Médard.

Le vicomte pourfendu, parabole ironique et jubilatoire, pointe la dualité de l'homme, celle qui le fait hésiter entre le bien et le mal. C'est dans la nature humaine d'être ambivalente, « un mélange de bonté et de méchanceté » comme le souligne si justement le facétieux et philosophe Italo Calvino.
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Ceci est un conte philosophique.
Gênes, XVIIIè siècle. le narrateur est le neveu orphelin du vicomte Medardo qui est parti à la guerre contre les Turcs, une longue guerre qui oppose les Turcs à l'occident depuis la prise de Constantinople par les Turcs.
Sur le champ de bataille, Medardo est pourfendu en deux, de la tête à l'entrejambe.
A force de points de sutures, les médecins parviennent à guérir la partie droite du vicomte. Celui-ci revient sur un cheval et avec une béquille. Revenu dans son domaine de Terralba, à Gênes, il commet toutes les injustices possibles, et condamne beaucoup de ses sujets à la pendaison.
Les huguenots l'appellent « le Piètre ».
Mais la partie gauche du vicomte, abandonnée sur le champ de bataille, est récupérée et soignée avec des baumes par un ermite.
Lui aussi, équipé d'une béquille, revient sur une mule dans son domaine.
Il n'a pas encore rencontré le Piètre, mais fait de bonnes actions auprès de ses gens.

Que va t-il se passer quand les deux moitiés de vicomte vont immanquablement finir par se rencontrer ?

Ce conte, agréable à lire, me fait penser à Don Quichotte, mâtiné de l'ironie De Voltaire !
Il me fait aussi penser au superbe conte de Louis Stevenson : « Docteur Jekyll et Mister Hyde ».
« Tu n'savais pauvre de toi qu'il y avait du Mr Hyde en moi.
Je n'savais pas pauvre de moi qu'il y avait du Mr Hyde en toi. »
Le mariage de Pamela est une situation molièresque de quiproquo !

Mais ce conte pose surtout, et là je connais certains babeliotes que cela intéresse, le débat philosophique du bien contre le mal.
Les deux parties du vicomte souffrent, c'est le moins qu'on puisse dire, de cette blessure physique.
La souffrance...
Comment réagit-on à la souffrance ?
La souffrance, je pense, peut être une source du mal :
on se dit, inconsciemment : « Moi je souffre ; ce n'est pas juste que les autres ne souffrent pas aussi. »
C'est le raisonnement plus ou moins conscient du Piètre.
Mais d'un autre côté, comme l'a montré l'excellent Boris Cyrulnik avec son concept de résilience, l'homme blessé ( moralement ou physiquement ) peut considérer cette blessure comme un épreuve qui lui permet de « grandir ».
C'est le raisonnement pleinement conscient et réfléchi du Bon, la partie gauche du vicomte.
Et là, je pense aussi à un de mes films préférés : «  le Bon, la Brute et le Truand ».

Sur le « bien » ou le « bon », on parler du « mieux ».
Je lisais la critique d'un babeliote sur un livre du philosophe Olivier Reboul.
Celui-ci parle du « mieux ».
Mais je soulève le problème des définitions des concepts :
le « mieux » lui-même est il une valeur universelle ?
Le mieux pour Thomas More concerne l'ensemble de la société ;
le mieux pour Henry VIII concerne son confort personnel, et la proposition de Thomas More l'incommode.
Le mieux pour Stefan Zweig est l'arrêt de la guerre ;
le mieux pour Adolf Hitler est la suprématie des Aryens.

Le ver est dans le fruit depuis la nuit des temps ; n'est pas un homme cardinal, ou un loup qui veut:)
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Le vicomte pourfendu (1951) est le premier conte de la trilogie « Nos ancêtres ».
Me voilà un brin partagée, j'ai aimé sans être éblouie.
J'ai beaucoup souri aux exploits parodiques de Messire Calvino sans me fendre les côtes toutefois. Ce mélange de burlesque et de cynisme ne me plaît qu'à moitié. Et je me suis parfois défendue contre l'envie de laisser choir le vicomte à l'heure de ma sieste digestive. Ce que j'ai préféré, c'est le début. Quand le vicomte est sur le champ de bataille encore entier et tout candide et qu'il interroge son écuyer Kurt sur les signaux de mauvais augure. Il n'a pas inventé l'eau chaude le vicomte Médard de Terralba et il n'a aucune épaisseur. Un boulet lancé par des canonniers à moitié astronomes le fait sauter en l'air. Il redescend fendu en deux. Heureusement, les médecins qui sévissent sur les champs de bataille, sont là pour récupérer les morceaux. La moitié droite recousue fera le mal avec cruauté. Animé d'une ténébreuse fièvre le Cruel pourfendra indistinctement champignons, animaux, humains avec grande adresse. Et il sera tout content de lui. La moitié gauche (la sinistra) jetée au rebut réapparaîtra plus tard et fera le bien sans être populaire. Encore faut-il savoir les distinguer les deux moitiés. le Cruel et le Bon se ressemblent tant que les braves gens avec des problèmes de latéralisation comme moi en auront le tournis ! Plus intéressants je trouve que les deux moitiés du vicomte, ce sont les personnages secondaires. le charpentier construit d'ingénieuses machines bien tranchantes sans se soucier de leur sinistre finalité. le Dr Trelawney un médecin douteux semble avoir échoué là par hasard et ne pense qu'à se tirer de cette histoire pour regagner son bateau. Les lépreux et les Huguenots ont été choisis paradoxalement pour incarner les excès humains et sont de loin les plus humains. Les lépreux sont des hédonistes aux penchants lubriques qui prennent en grippe le bon vicomte. En effet, en fieffé père la morale, il les empêche de faire la fête. Et les Huguenots me direz-vous ? Ce sont de tristes égoïstes irresponsables qui ne se soucient guère des malheurs du prochain. Enfin, j'ai beaucoup apprécié la bergère Pamela, une Chimène un tantinet rustique : elle s'épouille avec un gratte-cul et doit faire face à un terrrrrible dilemme...

J'ai bien aimé finalement mais j'attendrai un peu avant de me lancer dans la lecture du Baron perché (1957) et du Chevalier inexistant (1959).
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Qu'ils soient perchés ou pourfendus, les héros d'Italo Calvino ont en commun d'avoir un destin bien singulier.

Hier, je vous parlais du bonheur de vivre dans les arbres. Promis, aujourd'hui, je ne vous parlerai pas de celui d'être coupé en deux !
Qu'on se le dise tout de suite, ce roman qui précède le Baron perché dans la trilogie appelée Nos ancêtres est beaucoup plus sombre. Il n'en est pas pour autant moins jubilatoire à lire.


Court roman, le Vicomte pourfendu s'apparente à un récit fantastique fort original,dans lequel les forces du Mal et du Bien représentées chacune par une moitié du vicomte, ne cessent de se tirailler et de se combattre. On se doute évidemment du dénouement mais peu importe car c'est surtout le message qui prime.
De nombreux auteurs devraient d'ailleurs s'en inspirer pour faire naître des personnages un peu moins manichéens. En chacun de nous, ce combat du bien et du mal est permanent et toute notre personnalité et notre comportement en résultent. Ce roman pose aussi des questions :
Jusqu 'à quel point un monstre peut il se montrer insensible ? Jusqu'à quel point une personne charitable et bienveillante fait le bien autour d'elle sans jamais empiéter sur la liberté et le libre arbitre de ceux qu'elle aide ?
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« On faisait la guerre aux Turcs. Médard de Terralba, mon oncle, chevauchait à travers les plaines de Bohème. »
Voilà qui laisserait augurer un roman historique, mais ce serait oublier que l'auteur en est Italo Calvino : quelques lignes plus tard son cynisme se manifestera déjà à propos des cigognes : celles-ci se dirigent vers le champ de bataille car elles se nourrissent de chair humaine…

L'auteur raconte l'histoire du vicomte Médard de Terralba par la voix de son neveu, un garçon de 7_8 ans. le vicomte est parti se mettre au service de l'empereur et dès sa première bataille, reçoit un boulet de canon qui le coupe en deux.

La partie droite du corps de vicomte est mauvaise et cruelle : il fait décapiter ou pendre pour un oui ou pour un non, provoque la mort de son père, veut assassiner son neveu, et commet multiples autres atrocités, il est donc craint de tous, à quelques exceptions près.
Plus tard dans le récit, la partie gauche du corps apparaîtra, celle-ci est au contraire empreinte de bonté et de générosité mais à un point tel qu'elle indispose également.
Il faudra une certaine ingéniosité, et la rivalité amoureuse commune des deux parties pour une jeune paysanne pour remédier à cette situation …

Racontée par le neveu, parfois de manière naïve, cette fable se dévoile peu à peu à nos yeux.
Au vu des éléments donnés par l'auteur - guerre contre les Turcs, Bohème, le capitaine Cook - elle intervient au XVIIIe siècle.

Tous les personnages sont affublés d'un nom reflétant leur caractère ou leur occupation :
- la partie droite : le Manchot, le Demi-sourd, le Borgne, l'Efflanqué, le Boiteux …,
- la partie gauche : le Bon,
- le menuisier : Pierreclou,
- etc…

le récit alterne les narrations, les dialogues, peu de descriptions et quelques retours en arrière, le style est simple, sans fioritures et le livre se lit sans peine, les scènes restent toujours relatées avec naïveté ce qui leur enveloppe d'humour, parfois bien noir.
C'est un livre divertissant.

C'est une fable dont on pourrait déduire que l'homme n'est ni foncièrement mauvais, ni foncièrement bon, sinon il serait incomplet.

Mais ne le sommes-nous pas tous ?
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De courts chapitres et un humour noir à vif nous entraine sur les doubles traces de Médard de Terralba, coupé en deux par un boulet de canon au cours d'une bataille contre les Turcs au XVIIIème siècle !

Habilement, Italo Calvino donne la parole à son jeune neveu, un bâtard livré à lui-même qui porte un regard candide sur l'incroyable destin de son oncle.
Il voit tout d'abord revenir la première moitié de son oncle qui sème la terreur partout où elle passe et dont tous les actes sont entachés de cruauté. Même Sébastienne, sa nourrice n'arrive pas à l'amadouer et l'infâme personnage l'envoie sans remords dans un village de lépreux alors qu'elle n'est pas malade…

Mais nous sommes dans un conte fantastique et les lépreux vivent heureux entre eux et organisent des fêtes, le Dr Trélawney s'occupe du sort des insectes plutôt que des hommes et Maître Pierreclou invente des potences particulièrement performantes…
Et puis il y a Pamela dont « l'infortuné » (le mauvais) va tomber amoureux en même temps que son autre moitié (le bon) revenue elle aussi du champ de bataille, la bonté incarnée et entièrement tournée vers les autres.
Cette attitude en apparence positive aura rapidement des effets pervers et Italo Calvino nous invite à une subtile réflexion sur le bien et le mal tout en se distrayant de manière agréable. le cynisme est au rendez-vous et le ton volontiers caustique.

A la lecture de cette fable philosophique, on retrouve le même plaisir jubilatoire que dans « le Baron perché ».
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Ni tout noir ni tout blanc et heureusement, tel est l'être humain et la morale de ce conte philosophique à l'humour un peu ubuesque. En effet, si trop de mal provoque le malheur de l'humanité, trop de bien ne l'améliore pas forcément d'autant que ce qui semble être un bien peut devenir un mal selon les circonstances.
Bref dans ce livre Calvino démonte les mécanismes du manichéisme et rend à l'humanité ses droits, c'est-à-dire sa part de bien tempérée par une part de mal qui semble-t-il lui serait nécessaire, évitant ainsi dogmatismes, fanatismes et autres ismes néfastes au bonheur de l'humanité.
A qui me dira que résumer ainsi ce livre est un peu simpl...iste, je répondrai que Calvino renvoie chacun à sa conscience et à son libre arbitre, lui laissant le soin d'interpéter son histoire comme il l'entend.
A bon pourfendeur, salut !
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Le vicomte de Terralba perd sa moitié à la guerre . Non, pas sa femme, sa moitié, son côté gauche, le côté du coeur... le voilà de retour chez lui, mais sans sa bonne moitié, c'est un micomte pardon, un vicomte cruel qui revient. Et le menuisier de construire des gibets perfectionnés pour assouvir la justice expéditive du Seigneur... D'aventure en aventure, il se trouve que la moitié gauche revient, mais ce bon vicomte n'est pas lui non plus exempt de reproches, ou du moins ses initiatives peuvent être aussi désastreuses que celles de l'autre moitié. Mais au cours d'un duel, le bien et le mal se réconcilient et le vicomte de Terralba retrouve son intégrité.
Un régal d'humour et de vivacité, une réflexion sur l'équilibre de l'esprtt... et un grand plaisir de lecture.
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Le vicomte Médard de Terralba n'était encore que "dans sa première jeunesse, âge où les sentiments n'ont qu'un élan confus dans lequel le bien et le mal ne sont point encore distincts, âge où l'amour de la vie rend chaude et trépidante toute expérience nouvelle, même inhumaine et macabre", lorsqu'un boulet de canon le coupa tout bonnement en deux, en pleine guerre contre les Turcs.

La moitié droite fut retrouvée, soignée, et c'est vêtu d'une longue cape cachant l'autre moitié dans l'ombre, que Médard rentra enfin chez lui, semant la terreur, condamnant à mort de malheureux paysans, coupant en deux tout ce qui se trouvait sur sa route, incendiant, menaçant, torturant tout ce qui était sur son chemin et finissant par envoyer sa propre nourrice chez les lépreux.
L'autre moitié, la gauche, avait pourtant bien une vie à elle et était l'exact opposé, emplie de vertu et soignant la moindre petite bête en danger.
C'est ainsi que le jeune Médard fut directement en lien avec le bien et le mal.

Le narrateur n'est autre que le neveu du vicomte et observe les méfaits de son oncle, tout comme la lâcheté du docteur et l'hypocrisie des Huguenots avec une innocence et une honnêteté qui fait tout l'humour de ce roman onirique. La jolie paysanne Paméla, elle, est un modèle de sagesse et de vie dans cet univers absurde.

Un chouette conte moral sur la juste part de Bien et de Mal qui coexistent en nous.
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C'est un roman qui se lit par à coup, chapitre après chapitre, pour mieux comprendre les nombreuses significations, symboles et références culturelles tout au long du livre. Chaque chapitre peut à lui seul représenter une petite histoire, une évolution de cette histoire bien étrange mais tellement amusante et originale vers un dénouement attendu et prévisible.
Calvino nous réconcilie avec notre part de nous-même qui refuse de reconnaître notre mauvais esprit, notre part d'ombre, tout en renforçant notre côté positif. Nous sommes des êtres ambivalents, et chaque personnage a une part double ici. Personne n'est totalement bon, ni totalement mauvais. Quand on croit un personnage meilleur, on se rend compte plus tard qu'il a aussi des défauts. L'écriture est aussi double, Calvino joue avec les temps, les propositions et les paragraphes et la dualité se fait par la syntaxe. Enfin l'univers est à la fois réaliste et merveilleux, ensoleillé et pluvieux, en hiver comme en été. Calvino s'amuse lui aussi à écrire, à jouer avec le lecteur, car une seule lecture ne m'a pas permis de comprendre toutes les références littéraires, historiques et philosophiques.
La fin peut décevoir légèrement, elle tombe un peu à plat, mais elle symbolise bien, à travers le narrateur, l'absence de Dieu pour l'homme qui doit se débrouiller seul.
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