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Critique de Seraphita


« Je sais qu'il ne s'agit pas d'un rêve, car je ne rêve pas, et pourtant : si je n'ai jamais rêvé, comment savoir si ce que j'expérimente à l'instant n'est pas le produit d'un sommeil profond ? Comment trouver quelque chose dont on ignore l'existence ? Si l'apprentissage suppose l'aide d'un maître, où vais-je trouver la sagesse nécessaire pour sortir de ce dédale onirique où se retire notre âme le sommeil venu ? »

Terre d'Islande « déchirée entre deux continents », 1986. Une petite école est en émoi : Elliot, le concierge autiste, a disparu. Bracken, professeur de dessin déchu, les mains muselées dans des moufles, est appelé à la rescousse : parviendra-t-il à retrouver Elliot ? Il lui faudra affronter bien des paradoxes, quitter un monde plein pour gagner un antre vide, le Néant. D'ailleurs, est-il possible de le nommer par un mot qui d'emblée lui dessine un contour ? Au creux de ce Néant paradoxal, au fond de ses détours, se niche peut-être la poésie, et son paradoxe suprême : le trésor des signifiants qui tranchent dans le vif du réel.

« Elliot du Néant » est une oeuvre déroutante, comme les lignes qu'elle porte, qu'elle célèbre, les lignes que Bracken, dessinateur talentueux, va manier, remanier, jusqu'à en tordre les contours, les interstices, pour essayer de redonner forme au réel. Quand on accepte de se laisser porter par cette intrigue qui semble n'avoir ni queue ni tête, alors le voyage est sublime et un sens se donne au milieu du chaos… Voyage au bout des paradoxes que portent les mots, voyage dans un monde poétique, féérique, où les tensions dialectiques se gèrent de manière inattendue, insolite, décalée.
L'humour est présent, en toile de fond, et l'on sympathise avec Bracken qui essaie, tant bien que mal, de composer avec ses doutes, d'opérer des choix… jusqu'au final où les certitudes se figent, se cristallisent, annonçant, déjà, la fin d'un monde bien instable…
Une oeuvre qui, au final, me laisse un goût empli d'ambivalence, entre sentiment de déroute et fascination pour la puissance créatrice qui se dégage des mots posés là, entre les lignes, les interstices du réel…

« Je suis la dernière marche avant la chute, l'escalier qui devient bâtiment. Je suis entre deux pensées, où se niche la nuance des paradoxes, réunies pour toujours, liées pour dire ce que je suis, composées par le défaut, pour dire qui a le mot qui dit et le trait qui fait. »
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