Dans ce roman, l'auteur nous raconte trois destins, à des endroits différents du monde, en 1910, lors du passage de deux comètes. Nous avons ainsi l'histoire de Karl (censé être Kafka), à New-York, celle de Fernando (
Pessoa) principalement à
Lisbonne et celle de Jorge (on aura reconnu
Borges), ce dernier étant enfant.
Je suis passée par différents états d'âme en lisant ce roman. Tout d'abord un enthousiasme débordant lié à l'écriture de l'auteur. Puis, mes grosses lacunes, car je n'avais rien lu encore de
Borges, seulement quelques poèmes de
Pessoa, et « le procès » de Kafka, à l'adolescence, ont provoqué la peur de passer à côté du livre. Donc, je l'ai refermé pour m'attaquer au « Banquier anarchiste » de
Pessoa qui prenait la poussière depuis dix ans sur une étagère de ma bibliothèque. Bonne pioche d'ailleurs…
Je suis ensuite revenue sur ce roman et il m'est difficile d'en parler, tant j'ai pu passer, en alternance, de l'enthousiasme au blues en l'espace de quelques pages. Ce récit est envoûtant et en fait, il faut se laisser porter par l'histoire.
J'ai beaucoup aimé l'écriture, pleine de poésie, les descriptions des villes, l'atmosphère qui caractérise chacune d'elles, qu'il s'agisse de New-York, ou
Lisbonne, si les habitants qui y vivent y sont proches ou indifférents les uns aux autres, ainsi que la manière dont l'auteur décrit les états d'âme des personnages.
La construction du roman est intéressante, alternant la vie de chacun des protagonistes, ce qui accentue probablement l'intensité et la labilité des émotions que j'ai ressenties durant cette lecture.
Nuno Camarneiro aborde très bien la manière dont les gens peuvent réagir lors du passage d'une comète, ce feu dans le ciel dont on savait peu de choses à l'époque, ainsi que toutes les peurs et les superstitions qui l'accompagne : la fin du monde, Dieu qui s'énerve…
Il rend un hommage vibrant à la littérature, la poésie et les livres en général :
« Maman m'a répondu que les livres servent à savoir tout ce que je veux en dedans, que je peux les lire et dialoguer avec eux sur toutes les choses dont je ne parle pas avec mes camarades. » P 89
Ainsi qu'à l'écriture : « Il (Jorge) aime regarder l'encre lorsqu'elle sort du stylo comme si elle sortait de l'intérieur de la tête pour venir se ranger en idées sur les phrases de son cahier. Les mémoires rangées dans les cahiers comme des chaussettes dans un tiroir ou des allumettes dans une boîte. » P 55
Par contre, on ne sait jamais si ce sont les pensées et les émotions de l'auteur, où s'il se met dans la tête des ses personnages, qu'il connaît tellement bien que leurs émotions sont devenues les siennes. J'ai découvert un Fernando mélancolique, perdu dans sa ville et sa vie (comme s'il avait écrit son banquier au cours d'une phase maniaque ?) mais, c'est le personnage que j'ai le plus aimé, donc en route pour «
le livre de l'intranquillité » et je sais que cela ne va pas être simple.
Jorge est un enfant, un peu étrange, avec des relations difficiles avec ses camarades de classe, on ne sait jamais s'il est dans le rêve ou la réalité, s'il invente ou pas, et tout cas il est fascinant. Donc découvrir son oeuvre est devenu une évidence.
Par contre, je n'ai pas eu d'atomes crochus avec Karl que j'ai eu des difficultés à cerner…
Je pense que je relirai sûrement ce roman pour la beauté de l'écriture et après avoir approfondi les oeuvres des auteurs dont nous parle
Nuno Camarneiro, dont c'est le premier roman, pour l'apprécier à sa juste valeur.
Un bon point également pour la couverture et le choix du titre, «
les hommes n'appartiennent pas au ciel » (« No meu peito nao cabem passaros » dans la version originale) est très judicieux, empreint de romantisme et invite au voyage au propre comme au figuré…
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