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Critique de 5Arabella


Je ne sais pas comment cela se passe pour vous, mais personnellement le choix d'un livre à lire est toujours un processus un peu magique. Oui bien sûr les listes, les excellents conseils, des ouvrages sur la littératures, les blogs etc.... Mais je ne vous cacherais pas qu'en ce qui me concerne il y a des impulsions irrépressibles, qui font que j'embarque un livre comme ça, juste parce qu'il est là. Et c'est ce qui m'est arrivé avec ce roman, vu sur un présentoir de bibliothèque, et dont le nom de l'auteur me disait vaguement quelque chose (bien incapable de dire quoi au juste). Je ne pourrais même pas dire que c'est la couverture, moche au possible, la quatrième de couverture (je ne l'ai pas lu). J'ai embarqué ce bouquin sans savoir pourquoi, je m'en suis même voulu, et j'étais presque prête à le rendre sans le lire et lorsque je l'ai quand même ouvert je n'en attendais pas grand chose.

Et j'ai d'autant plus apprécié ce que j'ai lu. Peter Cameron nous fait le récit à la première personne d'un moment essentiel dans la vie d'un adolescent de 18 ans, James Sveck. Il vient de finir le lycée, doit commencer dans peu de temps l'université, tout en travaillant dans la galerie d'art de sa mère. Mais il n'a aucune envie de partir faire ses études, passe son temps à imaginer qu'il va s'acheter une maison dans un coin paumé, et passer son temps à lire avec un petit boulot à côté. Sa famille ne comprend bien sûr pas, et essaie par tous les moyens de le faire changer d'avis. Cette trame principale est interrompue par les bribes de récit d'un voyage que James a fait au mois d'avril dans un groupe de lycéens brillants gagnant d'un concours civique à Washington et qui s'est très mal passé pour James.

Ce qui est pour moi le plus époustouflant dans ce livre, c'est la façon extraordinaire avec laquelle Peter Cameron utilise tous les registres. le livre est incroyablement drôle, le tout début, lorsque la mère de James rentre de son voyage de noce plus tôt que prévu à la grande désolation de ses enfants, est littéralement désopilant

Citation :
"Gillian et moi prenions le déjeuner, ou un casse-croûte qui tenait lieu du déjeuner, au moment inopiné de notre mère. Il était environ deux heures de l'après-midi. Assise à la table de la cuisine, Gillian faisait les mots croisés du New York Times, auxquels il ne fallait pas toucher quand maman était là parce que, nous répétait-elle, ils lui offrait le seul plaisir sur lequel elle pouvait compter dans sa vie. Je mangeais des oeufs au plat en tartine. J'aurais dû être à mon poste dans la galerie d'art appartenant à maman et dirigée en réalité par un jeune homme nommé John Webster, mais celui-ci avait estimé raisonnablement que, comme ma mère se trouvait au loin, absorbée par Dieu seul sait quelles occuptions inconcevables absorbant une femme de cinquante-trois ans en lune de miel à Las Vegas, que l'on était au mois de juillet et qu'on avait pas vu un chat à la galerie depuis plusieurs jours, rien ne s'opposait à ce qu'il ferme boutique et aille se détendre à Amagansett, me donnant champs libre jusqu'à la fin de la semaine. Bien entendu, je ne devais pas révéler cette suspension d'activité à maman, qui se figurait que d'un instant à l'autre un passant pouvait entrer et acquérir (pour seize mille dollars) une poubelle ornée d'un collage de pages arrachées à diverses éditions de la Bible, de la Torah ou du Coran."

James est incontestablement un adolescent très brillant et cultivé, avec un grand esprit critique et un esprit très caustique, qu'il exerce en observant son entourage. Mais petit à petit nous découvrons les fêlures, le mal être, et surtout l'immense solitude de ce garçon qui n'arrive pas à communiquer avec les autres. Les seuls personnes qu'il aime sont sa grand-mère et John, qui dirige la galerie de sa mère. Il y a une grande subtilité dans ce livre, James est un garçon très intelligent et sa façon de décrire son entourage est drôle et aussi terriblement juste. Mais en même temps Peter Cameron suggère le côté pathologique du repli sur soi de James. En fait il est très difficile de faire la part des choses, entre la lucidité d'un garçon qui voit tout le ridicule et l'absurde des relations sociales, et des gens qu'il croise, et la dépression voire une personnalité psychotique. La frontière est finalement mince, et l'auteur rend très bien la souffrance réelle de James qui sourd malgré son humour et sa façon brillante de s'exprimer. Mais l'humour ne disparaît jamais.

Un livre extrêmement subtil, touchant et drôle, fort et riche.
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