En effet, la femme est le bien d'échange par excellence, permettant d'établir des relations avec les communautés voisines. On ne peut se passer d'épouse. Pas pour des raisons sexuelles, tant il est vrai que les sociétés primitives sont souvent très libres dans les relations hors mariage, mais pour des raisons économiques et sociales. [...] Aussi la femme est-elle un "bien" trop précieux, comme la nourriture, pour ne pas être échangée. [..] Ce qui est trivial est destiné à être consommé, ce qui est précieux, à être échangé, et l'on distingue les biens de consommation des biens d'échange.
(Sur l'enlèvement des Sabines)
Aussi la femme est-elle un "bien" trop précieux, comme la nourriture, pour ne pas être échangée. En effet, comme la sociologie du don, dont nous n'allons pas refaire ici l'historique depuis Marcel Mauss, l'a bien montré, ce qui est trivial est destiné à être consommé, ce qui est précieux, à être échangé, et l'on distingue le bien de consommation du bien d'échange.
p. 189
Rex, augur. Le roi est un personnage semi-divin. Augur, augure, il est touché par la grâce de Jupiter et voit son pouvoir humain aug-menté d'une force magique pour fonder, pour consacrer un espace sur lequel il règnera. Roi, il est chef de guerre, ses sujets lui confient leur vie dans la bataille.
La piste psychanalytique revient à postuler que les Romains ont projeté sur leur légende leur propre connaissance empirique des mécanismes de la psyché, bien avant qu'ils ne soient théorisés par Freud. Qui pourrait, en effet, sérieusement contester le fait que les mythes antiques constituent des outils d'analyse de la psychologie humaine particulièrement fins ?
p. 156
Chez les Romains, sinister (gauche) provient de sinere (permettre) et désignait l'espace favorable, qui "rendait possible". Sinister donnera pourtant "sinistre" et finira par prendre son sens actuel, car, chez les Grecs, au contraire, et c'est cette version qui s'imposera, c'est de la gauche du templum augural que provenaient les "oiseaux de mauvais augure".
p. 142
En d'autres termes, ce qui dépassait l'entendement des Anciens, comme celui des savants de l'âge du romantisme, fut qu'Albe la Longue ne fut peut-être jamais une ville, ni même une cité politiquement unifiée. Elle fut, à l'image de ce que les archéologues ont pu observer dans le Latium ou en Etrurie méridionale, un ensemble de petits groupes humains... L'Albe qui abrita la naissance de Romulus et de Rémus, où fut conçu le rêve de Rome, n'était qu'un saupoudrage de micro-communautés des hauteurs dont la situation géographique, la richesse agricole et pastorale, ainsi que l'ancienneté immémoriale, concouraient à faire le coeur spirituel et politique du plus ancien Latium.
p. 60