C'est à croire que les photographies de la guerre d'Espagne aiment jouer à cache-cache avec
L Histoire…
En 1977,
Agusti Centelles récupère sa malette bourrée de photographies prises lors de la guerre, de la Retirada, dans les camps d'Argelès et de Bram. En 44, traqué par la Gestapo, il l'avait confiée à la famille française qui l'hébergeait.
Dans les années 1990-2000, la désormais célèbre « valise mexicaine » contenant des clichés de Taro, Chim et Capa est retrouvée chez l'héritière du général Aguilar Gonzalez, qui fut ambassadeur mexicain à Vichy en 1941-1942.
Alec Wainman était un volontaire anglais bénévole au sein de la Unidad Médica Británica qui photographia la guerre avec son Leica pendant deux ans. C'est son fils qui retrouvera par le plus heureux hasard ses 1.650 négatifs et lui consacrera un livre.
Les photographies du journaliste britannique Heny Buckley seront retrouvées quant à elles en 2007 par sa famille dans sa maison de Sitges.
A toutes ces anecdotes s'ajoute désormais celle de la Boite Rouge, qualifié de « dernier grand trésor photographique de la Guerre d'Espagne », plus de 5000 négatifs volontairement dissimulés par leur auteur, le photographe catalan Antoni Campañà.
La Boite rouge enrichit donc la représentation iconographique de ce conflit, connu pour être la « première guerre visuelle » couverte dans le monde entier par des reporters de toute nationalité. Trois hommes, le journaliste Plàcid Gracia-Planas, l'historien Arnau Gonzàlez i Vivalta, le photographe David Ramos nous expliquent la démarche de Campañà , choisissent dans tous ses clichés et commentent ceux qui illustreront l'ouvrage, du début des années 30 à la post-guerre en Catalogne.
En 1936, Antoni Campañà est un photographe pictorialiste reconnu, proche de l'ARC (Action Républicaine de Catalogne), nationaliste de centre gauche. Il saisit la rue, l'effervescence, la vie quotidienne, les rassemblements politiques, les obsèques de Durruti, les bombardements, les hommes, les femmes, les enfants, la déroute. Lors de la Retirada, il rebrousse chemin, est protégé par Ortiz Echagüe (le fondateur de Seat), échappe à l'épuration et poursuit son travail de photographe auprès de revues renommées, ou oeuvre comme publicitaire. Mais il cache soigneusement ses photographies prises entre 36 et 39 (et ne les détruit pas), susceptibles comme bien d'autres d'être envoyées à Salamanque pour la répression politique. Il les dissimule aussi pour oublier cette guerre qui l'a épuisé et traumatisé. Ces clichés ne serviront donc à personne, jusqu'à ce que la famille ne les exhume récemment au fond d'un garage, protégés dans deux boites rouges.
Les clichés sont beaux, il font revivre, comme le dit très justement
Michel Lefebvre dans la préface ce « bref été de l'anarchie » à Barcelone.
Je remercie les Editions du Seuil pour l'envoi de cet ouvrage très apprécié reçu dans le cadre d'une Opération Masse critique, et j'invite ceux qui le pourraient à se rendre au MUME, El Museo Memorial del Exilio de Catalogne qui lui consacre une exposition intitulée « Antoni Campañà. le lendemain de la Retirada: Portbou, 1939 », du 10 avril 2021 au 26 septembre 2021.