AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782367951119
Chèvre-feuille étoilée (08/11/2016)
4.83/5   3 notes
Résumé :
1986, “accident nucléaire” à Tchernobyl.
2016, 30 ans après deux témoins se souviennent :
L’une, Dacha, oubliée de la nuit, qui comme chaque soir scrute les étoiles dans le ciel de Tchernobyl. Avec Mitia, son époux, Fédia et Verotchka leurs amis, ils avaient refusé de partir comme les autorités l’exigeaient. Ils sont restés seuls pour toujours.
L’autre, Macha, sa fille, infirmière, qui a très vite compris ce qui se passait et a dérobé un flacon... >Voir plus
Que lire après Les étoiles de TchernobylVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Divine surprise ! Lors de la dernière masse critique de Babelio, j'ai reçu le livre de Viviane Campomar, les Etoiles de Tchernobyl, éditions le chèvre-feuille étoilé.
Viviane Campopmar est scientifique, poète et littérateur, ce qui ne semble pas évident au premier coup-d'oeil, mais elle parvient à concilier l'ensemble avec bonheur pour notre plus grande joie.
Les étoiles de Tchernobyl, un opus de 76 pages qui donne la parole à des témoins de la catastrophe de 1986, trente années plus tard, propose deux lectures différentes de cet événement qui a marqué la planète.
Des anciens, starojily, refusent de quitter le village de Pripiat, tandis que leurs enfants sont évacués sur Kiev, en principe pour trois jours disent les autorités, puis au bout d'une semaine, « (...) un responsable du parti vint nous prévenir que nous ne pourrions pas retourner chez nous, que la zone autour de la Centrale restait contaminée durant plusieurs semaines encore et que ces mesures n'étaient que prophylactiques (...)»
L'écriture de Viviane Campomar est simple et fluide, sans fioritures, elle parvient à matérialiser par ses mots, la différence entre deux Russies (deux URSS devrais-je dire) . Celle des anciens qui ont connus la guerre - le village de Pripiat a été exterminé par les Nazis - et qui, en dépit de toutes les critiques, sont reconnaissant envers l'Etat et le Parti de la renaissance de la Russie.
La Centrale en est le symbole, elle qui a apporté la lumière et le progrès dans la région et jusqu'à Kiev.
«La Centrale faisait partie de ces réussites, n'avait-on cesser de leur seriner : elle offrait de l'électricité en autonomie absolue à toute cette région qui avait tant souffert de la seconde guerre mondiale. Un bien précieux, cette électricité. Toutes ces villes, et peut-être même Kiev , éclairées le soir par la seule magie d'une usine unique.»
En face, les enfants n'ont pas ces références, ils comprennent leurs parents, mais subissent plutôt les contraintes de ce régime qui leur ment et les réduit à une migration sociale, géographique et professionnelle, sans explications, sans compensations.
«(...) j'avais conscience de mentir, ne croyant pas moi-même à ces paroles lénifiantes et officielles qu'en bonne soviétique, je faisais miennes.» dit Macha l'infirmière, la fille de Mitia et Dacha lorsqu'elle présente le drame à ses enfants.

Vivivane Campomar propose une vision sans fard du mensonge d'état, qui rappelle la notre, quand les autorités françaises professaient, sans crainte du ridicule, et avec toute l'onction de certains membres de la communauté scientifique, que le nuage de Tchernobyl n'avait pas traversé notre territoire.

Séparés de leurs enfants Dacha et Mitia vivent à Pripiat, avec leurs rêves et leur ignorance, insouciants du danger et sûrs de leur bon droit : « Mitia et Gricha venaient d'entamer une bouteille de Vodka de qualité trouvée dans les réserves abandonnées du village, qu'ils ne se seraient jamais payée et pensaient garder pour les grandes occasions, mais plus rien à perdre désormais, quelles occasions pourrait-il y avoir désormais.»
A Kiev, leurs enfants et Alexeï, continuent à vivre, incapables de faire le deuil de parents promis à la mort mais encore vivants, peut-être, bien que disparus à tout jamais à leurs yeux : «Alors même qu'on nous évacuait, la mort nous suivait, ombre fidèle et malveillante, qui se riait de notre terre nourricière qu'elle avait entièrement pourrie.»

Les deux lectures des événements alternent :
…tantôt Mitia et Dacha dont un narrateur rapporte l'histoire.
« Il ne lui avait pas parlé (…) il l'avait enveloppé de ses bars (…) Ils avaient regardés (…) Chaque soir Dacha sort (…) Ils n'étaient que deux couples de starojily (…) Là, le caractère utilisé est une police Garamond, large et espacée, à l'image des deux starojily, perdus dans leur inconscience du danger et se raccrochant à des rêves du passé.
…tantôt Macha, leur fille déplacée à Kiev, qui s'exprime en bookman old style une police droite, verticale, ramassée, austère. Macha est un « je » et un « nous » … « J'ai tout de suite compris (…) Mon impuissance incommensurable (…) J'avais trente ans et j'étais infirmière à l'hôpital de Pripiat. (…) Je compris alors que nous étions des pestiférés (…) Je ne leur avais laissé qu'un message insignifiant (…) »
Cette façon de rapporter les témoignages renforce l'opposition entre les deux visions de l'URSS, celle du passé, glorieux mais disparu, celle d'un avenir réel mais incertain.

Le récit, court, lu avec avidité, intérêt et étonnement agit comme un puissant déclencheur de questions et nous rappelle à notre conscience de citoyens pour ne pas oublier.
Qu'est devenu Pripiat aujourd'hui ? Il y-a-t-il toujours des habitants ? Les liquidateurs, ces soldats du Césium, ont-ils tous disparus ? Pourquoi ne parle-t-on jamais de Tchernobyl ? le danger du nucléaire est-il maitrisé ?

Outre l'intérêt de son contenu, ce livre est également un bel objet. Un petit livre faussement carré de 12 cm par 13, agréable à regarder et à toucher, conçu et mis en page par Marie-Noël Arras avec une illustration de Danièle Maffray.
Merci aux éditions du Chèvrefeuille étoilé pour la qualité de la fabrication de ses livres !

Si vous le pouvez, lisez le livre de Viviane Campomar.




Lien : http://desecrits.blog.lemond..
Commenter  J’apprécie          200
Un tout grand merci aux Editions Chèvre-feuille étoilée et Babelio pour ce petit livre que j'avais très envie de découvrir. Un récit qui nous parle des conséquences de l'accident nucléaire de Tchernobyl.

J'avais été fort émue à la lecture de "86, année blanche" de Lucile Bordes (mon avis est ici) et j'avais envie d'avoir une autre vision.

Nous sommes dans la région des marais de Pripiat, à environ 20 kilomètres de la centrale. Cette région a déjà payé un lourd tribut lors de la seconde guerre mondiale. L'incendie éclate dans la nuit du 26 avril 1986. Dacha, Mitia et leurs amis Fédia et Verotchka, enfants durant la guerre, feront de la résistance et refuseront de quitter le village lors de l'évacuation. le village sera détruit mais ils resteront, à quoi bon partir, ils sont à plus de vingt kilomètres de la centrale, c'est loin, pourquoi
partir ? Les radiations, c'est quoi ? Elles sont invisibles, inodores. Pourquoi partir ? la terre est si généreuse.


Trente ans plus tard, ils témoignent. Toujours en vie comme par miracle. Ils nous parlent de leur solitude.

Macha, leur fille est infirmière. Au moment du drame, elle a dérobé un flacon d'iodure de potassium pour sauver son mari, ses enfants. Elle est tenue au silence.

"Je cousais ma bouche au fil chirurgical"

Les habitants sont relogés, considérés comme des pestiférés, c'est difficile. Les enfants de Macha voient autour d'eux les dégâts causés par les radiations. Ils s'interrogent, pourquoi pas eux ?

Un petit récit émouvant à lire absolument.

Pour rester dans le même thème je vous conseille la magnifique Bd d'Emmanuel Lepage : "Un printemps à Tchernobyl"

Ma note : ♥♥♥♥
Commenter  J’apprécie          40

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Trente ans. Trente ans que de sa fenêtre elle attend les étoiles de Tchernobyl. Par temps clair les étoiles sont un miracle chaque nuit. Une agonie qu’un peintre dessine, malice encore vivante de papillons minuscules aux couleurs déclinées du blanc. De toutes nuances chagrines de ce qu’on appelle blanc. Jamais pourtant comme cette nuit-là, cette nuit-là où les scintillements pleuraient, retombant dans une mémoire de feu d’artifice. Imprimant leurs larmes de gel partout dans le ciel. Magnifique pluie de théâtre, pluie des comptines de son enfance. Les berceuses pulvérisées dans ce prodige dansant au ciel.
Mitia et elle, épaule contre épaule, fascinés dans le grésillement chaloupant de toute part. Mitia avait entendu l’explosion d’une météorite. Suivie immédiatement d’une autre. Tremblant, il avait guetté peut-être une heure sous les couvertures les signes de la fin du monde, pourtant rien de tel ne s’était produit.
Commenter  J’apprécie          100
Dacha, Fiodor et Vera sont des mutants, des curiosités à ne manquer pour rien au monde. De véritables starojily qui ont bravé l’État pour vivre coûte que coûte en dépit des radiations. Une bonne poignée d’entre eux également répartis dans d’anciens villages démolis, ensevelis. Les vivants aiment leur parler. Les interroger. Écouter surtout le refrain des premiers jours. Alors ils s’exécutent, ronronnent l’antienne tant de fois rabâchée, la musique des premiers jours en quelque sorte, la métamorphose du ciel et le rien qu’ils ont constaté eux-mêmes malgré les accusations menées contre leur zone.
Commenter  J’apprécie          30
D'où viennent toutes ces maladies autour de lui que Piotr accueille avec fatalisme, de la Centrale, de cette chose qu'on désigne parfois sous l'appellation de radiation, qui n'a ni goût ni odeur ni couleur, qu'on n'entend ni ne touche, et qui par conséquent n'existe sans doute que sous forme d'une idée abstraite, une idée que les gens instruits peuvent peut-être comprendre mais, elle, Dacha, cela la dépasse.
Commenter  J’apprécie          20
Quand nous demandions aux enfants, avec une gaieté forcée, ce qu'ils désiraient le plus pour Noël, ils répondaient lugubres : vivre encore.
Commenter  J’apprécie          10
Ne plus revenir, ne plus jamais revenir, n'était-ce pas une mort plus affreuse ?
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Viviane Campomar (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Viviane Campomar
Découvrez le nouveau roman de Viviane Campomar "En lui, quelque chose de l'Algérie", en écoutant deux extraits lus par le talentueux Serge Cazenave-Sarkis. Rendez-vous sur www.zonaires.com pour commander le livre
autres livres classés : tchernobylVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus


Lecteurs (11) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3660 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}