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EAN : 9791091681667
407 pages
Chez l'Auteur (18/02/2021)
4.67/5   3 notes
Résumé :
Ce Dictionnaire des délicatesses du français contemporain fait suite au Répertoire du même titre, paru aux éditions P.O.L en 2000 puis, en édition de poche, au Seuil, dans la collection “Le goût des mots”, en 2009. Il le reprend, corrige et augmente considérablement, jusqu’à en doubler la matière et le nombre d’entrées. Le texte de quatrième de couverture du Répertoire était celui-ci, qui reste pertinent :« Par délicatesses on doit entendre, bien entendu, subtilités... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'auteur a si mauvaise réputation qu'il n'a même plus d'éditeur, et publie ses textes sur internet et via Amazon, "chez l'auteur". On peut regretter qu'une accusation mensongère d'antisémitisme, qu'un lynchage médiatique annonçant celui de Richard Millet et bien d'autres, et qu'un ostracisme absolu, l'aient mis au ban de la société lettrée, investie, il faut bien le reconnaître, par une idéologie tyrannique qui lui est contraire (et qui s'accommode très bien de l'antisémitisme, d'ailleurs, quand il se déguise en grandes causes).

Ce premier volume du Dictionnaire des délicatesses du français contemporain, pas plus que le second, j'imagine, n'est pas un livre de grammaire pure. L'auteur recense bien sûr les plus criantes fautes de français, les solécismes, barbarismes et délires dont notre langue est victime. Mais bien souvent, les expressions les plus sottes, les plus vulgaires et les plus laides sont impeccables au plan de la syntaxe et parfaitement correctes. Trop parfois, trop politiquement correctes, trop dans l'air du temps, pour qu'on leur fasse confiance. Recenser cette langue médiatique et publicitaire, c'est faire l'histoire des idées contemporaines dans leur rôle de propagande en faveur de la "diversité", de la "communication", contre le "complotisme", la "haine", etc ... Ce dictionnaire est donc éminemment politique : qu'on se rappelle seulement la parole malheureuse de cette politicienne sur "l'islamo-gauchisme" et le tollé qui a suivi. Un chroniqueur avisé signala en passant que ce qui avait tellement déplu à la Gauche détenant le monopole du pouvoir culturel, c'est que le mot n'avait pas été inventé par elle pour dissimuler une réalité à dénier. Ce mot venait d'en face, il était donc faux : le front du langage est donc bien politique.

Ce dictionnaire est précieux parce qu'il accroît et affine en nous la méfiance envers la langue des médias et de la publicité (c'est la même, Philippe Muray l'avait bien vu), et donc, du même coup, la méfiance envers nous-mêmes, qui sommes imprégnés et abreuvés à toute heure du jour de cette parlure. Ce dictionnaire permet de revoir d'un oeil critique ce que nous écrivons, à l'affût du moindre cliché, de la moindre concession à la langue des barbares, qui apparaîtraient sous notre plume. Il s'agit moins d'être correct, que d'être sobre, et libéré des oripeaux de l'époque. Cet effort sur nous-même, par lequel chacun tente de s'améliorer, de se hausser à un niveau supérieur (non pas supérieur à celui des autres, mais à ce qu'il est spontanément, naturellement), s'appelle "culture". C'est un travail de tous les instants, exaltant, car il ne finit jamais.
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Tome 1, p. 252, "De" (partitif avant un adjectif).

*Demain il y aura des nouveaux besoins (Martine Aubry, Antenne 2, 25 septembre 1999).
*On voyait des grosses larmes couler sur son visage.
*Il a des exceptionnelles qualités.

Devant les adjectifs, surtout les adjectifs au pluriel comme les noms qui les suivent, la bonne règle exige DE et non pas DES : "de grandes âmes, de hautes espérances, de vilains petits canards, d'illustres visiteurs, d'exceptionnelles qualités, de méchantes gens, de douloureuses concessions, de faibles arguments, de nouveaux besoins".
Si l'adjectif suit le nom, il n'y a pas élision de l'article, et donc on dit DES (pour DE LES) :
"des gens méchants, des visiteurs illustres, des concessions douloureuses, des besoins nouveaux, des arguments irrecevables, des larmes grosses comme des billes".
Lorsque l'adjectif fait corps avec le nom et qu'ils forment ensemble une sorte de syntagme figé, on traite le tout comme un nom, et dans ce cas-là on peut mettre DES :
"des jeunes gens, des jeunes filles, des premières vendeuses, des bons mots". Molière écrit cependant "de bons mots" ("et dans tous ses propos / On voit qu'il se travaille à dire de bons mots", Le Misanthrope). Même dans ce cas-là, DE est toujours possible. Mais d'une part il relève d'un niveau de langue assez recherché, d'autre part il introduit une nuance de sens. Après DE, l'adjectif est mieux reconnu dans sa fonction propre, on insiste sur lui davantage. "Des jeunes hommes" désigne un groupe d'adolescents et d'hommes jeunes, seulement pour parler d'eux, dire qu'ils sont là. "De jeunes hommes" insiste sur leur jeunesse, par exemple pour l'opposer à des hommes moins jeunes.
Lorsque l'adjectif est lui-même précédé par un adverbe tel que "très" ou "assez", l'exigence d'écarter DES au profit de DE est absolue : "de très jeunes gens, de très jeunes hommes, d'assez bons résultats, de très bons mots."
Si l'adjectif et le nom qui le suit sont au singulier, la règle classique exigeait DE comme pour le pluriel. Personne ne dit plus "de bon vin", "de bon pain", "de bonne musique", "de médiocre café". "De bon pain, sorti de l'usage, est aujourd'hui archaïque et prétentieux ; au pluriel, au contraire, "des grosses larmes" reste populaire ou très négligé". (Albert Dauzat, Le Génie de la langue française).
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Tome 1, p. 135. "Bouquin".
Au XIX°s, un bouquin était un vieux livre, et bouquiner voulait dire chercher de vieux livres (sur les quais, par exemple). "[S]es bouquins refermés sur le nom de Paphos" (Mallarmé). De nos jours un bouquin c'est n'importe quel livre, et bouquiner veut dire lire (un livre). Il s'agit de semi-argot en voie d'institutionnalisation, qui peut irriter en tant que familiarité sclérosée.

Plus peut-être qu'à l'anglais book ou à l'allemand Buch, auxquels il est lointainement mais indubitablement apparenté, bouquin fait penser à bouc ou à bouquetin. Pour ceux d'entre nous qui dans livre entendent toujours un lointain écho du Livre, et y voient quelque chose de sacré, ou du moins d'éminemment auguste, bouquin sonne chaque fois comme une vague profanation, un peu répugnante qui plus est.

Il serait sans doute poli de l'éviter pour parler à un auteur de son propre livre : "Et pour vot' prochain bouquin, vous avez déjà une petite idée, ou bien ... ?" Mais comme toujours c'est une affaire de contexte. Un auteur qui désigne ses ouvrages comme des polars, par exemple, ne s'offensera certainement pas qu'on les appelle des bouquins. Nombreux sont les écrivains, d'ailleurs, qui font usage de ce dernier terme pour les volumes qu'ils publient. Mais c'est leur choix à eux, peut-être entraîné par la modestie ; mieux vaut leur en laisse la responsabilité, et ne pas prendre soi-même l'initiative d'un mot qui dans bien des esprits demeure assez péjoratif.

"Là où quelque part j'ai voulu être bien clair, dans mon bouquin, c'est sur comment la régulation des marchés elle est basée en fait sur un malentendu total, mais alors total."
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Tome 1, lettres A-H, extrait de la préface.

... la simple défense de la langue, de sa logique et de sa correction, passe désormais pour politique - et, en l'occurrence, réactionnaire, naturellement, discriminatoire. A même été forgé, puisque nous en sommes aux néologismes, mais celui-ci n'est pas de moi, il va sans dire, le terme de "glottophobie", pour désigner, et désigner comme une maladie, donc, un souci jugé exagéré de la langue, et son caractère discriminant. Passerait encore si étaient visées là les personnes qui ne peuvent s'empêcher de corriger les autres, et surtout désagréablement, quand elles estiment que ces autres viennent de commettre une faute de langage - c'est en effet un vilain travers. Mais il semblerait qu'aux glottophobes même in petto (j'avoue me sentir visé) on reprocherait de se faire une opinion des tiers, dans les rapports sociaux ou dans la vie professionnelle, en tenant compte, horresco referens, de la qualité de leur grammaire et de leur orthographe : voire de viser eux-mêmes à une amélioration constante de leur propre pratique. Bref c'est tout souci de la langue que voici incriminé comme discriminant, ce qui renverse toute la tradition française dont il était le coeur et peut-être l'essence. Mais discriminant il l'était bel et bien.

pp. 28-29
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Tome II, "race", p. 264.
... Les Français n'existeraient pas, si ce n'est d'après leurs papiers, parce que personne n'aurait jamais su donner d'eux une définition qui satisfasse tout le monde, et surtout qui englobât tous les aspects de la question, ou du concept. Il ne faut pas dire "les Arabes", quand on parle des musulmans, parce que tous les Arabes ne sont pas musulmans. Il ne faut pas dire "les musulmans", quand on parle des Arabes, même en France, parce que tous les musulmans ne sont pas arabes, il s'en faut de beaucoup. Ces arguties usées et usantes, qui supposent toujours l'autre imbécile, ou très ignorant, ou de mauvaise foi, procèdent d'un très profond malentendu sur la nature et la fonction des définitions. Il faudrait définir le mot "définition". Les procédés d'obstruction du débat supposent, ou affectent de supposer, que la définition est première, dans un mot, et même dans la chose qu'il désigne ; que la définition est une espèce de loi fondamentale et principielle, qui pose une fois pour toutes et sans équivoque ce que sont les mots et les choses, lesquels vont devoir se conformer docilement à elle, ou renoncer à s'échanger, voire à exister. Mais la définition n'a jamais été cela... la définition n'a jamais été première. Elle n'a jamais précédé ce qu'elle définit. Au contraire, elle court éternellement après les mots et les choses, en essayant de les circonscrire comme elle le peut, le plus précisément et étroitement qu'elle en est capable. Cependant elle n'y parvient jamais tout à fait : sinon la carte serait aussi grande que le territoire, la quatrième de couverture aussi longue que le roman, l'abyme aussi large que l'écu. Il y a toujours du JEU, Dieu merci : la littérature, par exemple, ou le style, ou l'humour ; et, même quand ils sont couronnés de succès, les efforts de la définition pour coïncider exactement avec ce qu'elle définit sont incessamment menacés par les remises en cause, les malentendus, les incidents frontaliers.
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Tome 1, p. 133, bouffe / bouffer.
Il se mène en France, ces temps-ci, un vaste combat contre la "mauvaise bouffe", officiellement, voire contre la "mal bouffe" ; et en faveur de la "bonne bouffe", c'est à croire. Dans les deux cas, néanmoins, il ne s'agit jamais que de "bouffe" - c'est-à-dire, si les mots ont un sens, et surtout les connotations qui les font exprimer plus qu'on ne croit leur faire dire, c'est-à-dire une version triviale, relâchée, argotique et vulgarisée de la cuisine, de la nourriture, et des arts de la table.

Qu'on se batte pour la bonne bouffe ou contre la mauvaise, la cuisine française, elle, a déjà perdu, de toute façon : car elle n'a jamais été rien d'autre qu'un art d'apprécier les saveurs, et de faire la différence, entre goûter un plat, un vin, un fumet, une façon de saisir, d'une part, et la simple fonction de se nourrir ; or la différence est la même, structurellement, entre la langue comme objet d'amour, de réflexion, de respect, d'interrogation et de choix, et le parler de consommation courante, tel qu'il est dicté par la facilité, la conformité, le relâchement, la complaisance au goût majoritaire du jour. Bien ou mal, qui "bouffe" ne mangera jamais que du rebut.
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Vidéo de Renaud Camus
Rencontre avec Renaud Camus à Paris, à la Maison des Mines, le 18 mars 2022
Programme : -Conférence autour de son dernier livre La Dépossession animée par François Bousquet – Débat avec le philosophe Olivier Rey – Rencontre et dédicace
Informations utiles : Date : 18 mars 2022 Horaires : 19h30-23h
Maison des Mines 270 rue St Jacques 75005 Paris
Tarifs : Billet classique : 10€ Billet classique + La Dépossession : 41€
Billet -26 ans : 7€ Billet -26 ans + La Dépossession : 39€
Billeterie : https://my.weezevent.com/conference-dedicace-renaud-camus-a-paris
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