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EAN : 978B000IX4G86
Le Grand Livre du Mois (30/11/-1)
4.21/5   7 notes
Résumé :
435 pages. Reliure d'éditeur bleue.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
"L'Etranger", "La Peste" et "La Chute" sont trois textes bien distincts !...
Si, dans "L'Etranger", nous avons une brève histoire divisée en deux parties, l'histoire étonnante, curieuse, d'un homme apathique qui accède à une forme de grandeur et d'héroïsme, avec "La Peste", nous avons plutôt là une sorte de grand roman touffu, complexe, et dans "La Chute", une sorte de monologue où la biographie du personnage principal se mêle aux réflexions philosophiques.
Il s'agit là d'oeuvres bien distinctes, toutes trois plutôt brèves, et toutes trois, très riches en contenu, dans un style différent.
"L'Etranger" est la plus classique de ses trois oeuvres, globalement peu classiques. du point de vue de la construction, ce texte tient autant du roman que de la nouvelle. En effet, si ce texte est généralement considéré comme un roman, sans doute à raison, on remarquera un trait caractéristique de la construction des nouvelles : l'importance accordée à certaines scènes, qui semblent être des "points d'orgue" du texte. C'est quelque chose que l'on retrouve aussi bien chez Maupassant que chez tant d'autres nouvellistes, la nouvelle par son format court, empêchant la multiplication de scènes d'égale importance, la concision étant nécessaire, il faut effectivement, dans ce genre littéraire, créer des "scènes-clés", moments forts d'intensité qui justifie la lecture de la nouvelle, puisqu'on ne peut emporter le lecteur d'un souffle à l'image de celui des romans. Pourtant, "L'Etranger" est clairement un roman ; un roman court, concis, mais un roman quand même !...
Sa longueur même le justifie. En fait, "L'Etranger" est rempli de scènes en apparence inutiles, anecdotiques, qui prouve que ce roman, bien que plus classique que "La Chute" ou "La Peste", n'est pas un roman classique, est peut-être moins classique que "La Peste" en cela : il n'a pas d'intrigue. Ce n'est pas forcément aussi visible que dans d'autres textes où on remarque l'absence d'intrigue, et pourtant nul ne saurait vraiment définir une intrigue à "L'Etranger", du moins pas une intrigue au sens classique du terme. Car, qu'est-ce qu'une intrigue, au sens classique du terme, sinon une histoire centré sur un enjeu, qui occupe, d'une façon ou d'une autre, la plus large partie du roman, par le biais d'une succession d'événements lié entre eux par l'intrigue ? Dans "L'Etranger", il y a des scènes, mais il y n'a pas de véritable intrigue. Dans la première partie, nous avons plutôt des scènes se rapportant à la vie du personnage principal ; dans la seconde partie, Camus agit de façon différente, mais il n'y a pourtant pas d'intrigue. Il y est question d'un procès. Il pourrait y avoir une intrigue, après tout. Les scènes ont certes un liant. Il pourrait y avoir un enjeu. La vie ou la mort d'un homme est quand même un enjeu potentiellement important. le problème est que, pour avoir, un enjeu, il faut tout de même que l'auteur tienne à montrer l'importance de l'enjeu, à créer de la tension autour de l'enjeu, sinon il est clair que ce n'est pas ce qui intéresse l'auteur. Or, le comportement de l'accusé est telle que ce qui pourrait être une tension terrible, n'a rien d'une tension. Non, décidément, "L'Etranger" n'a pas, ne pouvait pas avoir d'intrigue, de véritable intrigue. C'est un roman philosophique : l'intrigue, c'est le sens. Et quel sens !... On a beaucoup souligné que le personnage principal de "L'Etranger", Mersault, est un homme qui accepte le monde tel qu'il est, naïvement, acceptant les événements tels qu'ils sont. C'est en cela qu'il est étranger, étranger au monde, étranger à la société, ce qui, tout au long du roman, devient de plus en plus manifeste, jusqu'à ce que, dans la magnifique scène finale, Mersault, prenne conscience de son caractère d'étranger au monde, à la société, et le revendique, dans l'acceptation de son propre destin tragique. Et c'est en cela que "L'Etranger" est un roman unique et passionnant.
Mais pas qu'en cela. Construit autour de plusieurs scènes essentielles, comme je l'ai déjà dit, et en particulier, de la scène de la fin de la première partie, "L'Etranger" est une succession de scène si habilement faites et se succédant si bien que les scènes essentielles y gagne en émotion. Je pense en particulier aux élans presque lyriques qui marque la fin des deux parties du roman. "L'Etranger" est un roman merveilleux, autant par son sens que par ses qualités formelles d'histoire ou de style. C'est une expérience unique. J'ai lu ce roman exceptionnel en une soirée et je crois que c'est ce qu'il faut faire, pour se laisser emporter par le souffle de "L'Etranger".
Passons maintenant à "La Peste". Contrairement à "L'Etranger", roman d'un personnage, "La Peste" est le roman d'une multitude de personnages.
Comme son titre l'indique, il y est question de… la peste. C'est un roman plus épique que "L'Etranger", plus touffu aussi. L'histoire est simple à souhait et, contrairement à "L'Etranger", qui, étant sans véritable intrigue, est bien difficile à résumer, l'histoire est on ne peut plus facile à résumer : c'est l'histoire de la lutte des habitants de la ville d'Oran, face à une épidémie de peste. Voilà pour l'histoire. Pour ce qui est du sens ( car il ne faut jamais oublié que Camus, si ardent qu'il fut, a dénoncé, les romanciers à thèse, en fut un lui-même ; mais, en l'occurrence, ce n'est pas grave, car la thèse n'empêche pas les qualités purement littéraires d'exister, car le sens n'empiète pas sur la littérature. ), à condition de remplacer les "habitants de la ville d'Oran" par "les hommes qui se sont révoltés au cours du siècle" et cette "épidémie de peste", par "l'ennemi", je pense qu'on comprendra quel est son sens. Camus promeut ici la solidarité face à l'ennemi dans la lutte et malgré nos interprétations différentes, des causes du péril.
D'un point de vue littéraire, l'intérêt de "La Peste" réside dans la beauté du style et dans la construction rigoureuse, pas évidente pour une histoire aussi touffue.
"La Chute" n'est pas vraiment un roman. Car, qu'est-ce qu'un roman ? Un texte narratif, de longueur supérieure à celle d'une nouvelle, dont les événements se succèdent plus ou moins, et où la primauté est donnée aux événements sur les réflexions, les pensées. "La Chute" est plutôt un monologue. La biographie du personnage principal s'y mêle aux réflexions philosophiques et finalement le sujet est moins une série d'événements, qui forme ou non une intrigue, que toutes les pensées, les idées, les souvenirs qui passent par la tête d'un personnage. le style est de toute beauté-plus encore que dans "L'Etranger" ou dans "La Peste". Contrairement à "L'Etranger" ou à "La Peste", une interprétation globale ne se dégage pas de "La Chute", le moindre petit passage, la moindre petite réflexion, pouvant être l'objet d'un ouvrage entier. C'est du moins ce que je pense ; car, face à "La Chute", face à ces trois ouvrages, qui sont tous des expériences à part dans une vie de lecteur, face à ces livres, qui ne peuvent que susciter les plus grandes réflexions, face à ces ouvrages multiples, hybrides, dis-je, comment croire que mon interprétation est la seule possible ?... Comment croire que le sens que j'y trouve est le seul qu'on y put trouver ?... Comment croire cela ?... Toujours est-il que, quel que soit le sens véritable, si tant est qu'il y est un, ces livres sont des expériences littéraires uniques et je ne dis pas ici que ces livres procure des expériences de lecture géniales ; ni qu'ils procurent des expériences de lecture détestables ; je dis que ces expériences sont uniques, quel que soit l'opinion, que ce sont des romans à part, qui marquent puissamment.
Et pour trois livres, nous avons ici trois expériences de lecture à part dans une vie de lecteur.
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Rencontre avec Denis Salas autour de le déni du viol. Essai de justice narrative paru aux éditions Michalon.
-- avec l'Université Toulouse Capitole


Denis Salas, ancien juge, enseigne à l'École nationale de la magistrature et dirige la revue Les Cahiers de la Justice. Il préside l'Association française pour l'histoire de la justice. Il a publié aux éditions Michalon Albert Camus. La justice révolte, Kafka. le combat avec la loi et, avec Antoine Garapon, Imaginer la loi. le droit dans la littérature.


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02/02/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
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